Siegfried (Wagner)/Acte III
que de Brunnhild l’apprendre.
Quel est le chemin vers le roc ?
Ainsi je saurai ma route.
Vole et me guide.
Siegfried te suit.
ACTE III.
Scène I.
Monte, Wala !
Wala, debout !
Du long sommeil,
Viens, je t’éveille aujourd’hui.
Entends mon appel.
Surgis ! surgis !
Du puits ténébreux,
du gouffre nocturne,
surgis !
Erda ! Erda !
Femme éternelle !
Des cryptes natales,
monte aux hauteurs !
Je clame vers toi ;
mon chant t’évoque ;[1]
Du somme où tu songes,
sors à ma voix !
Toute sage !
Prime Science,
Erda ! Erda !
Femme éternelle !
Monte ! approche !
O Wala !
Approche !
Fort est le chant ;
fort agit le charme.
L’éveil m’arrache,
au songe sachant.
Qui donc me trouble ainsi ?
C’est moi qui t’éveille ;
des charmes j’use,
puissants à rompre
le plus pesant sommeil,
Partout je passe,
dieu voyageur,
pour encor apprendre.
Maint vieux savoir je recueille.
Nul plus que toi
Ne sait de secrets.
Tu sais tous ceux
que l’abîme tient,
dont monts et vaux,
cieux et mers, sont remplis.
Où l’être vit
plane ton souffle ;
L’esprit qui pense
pense par toi ;
toute chose
fait ton savoir.
Pour que ma science s’accroisse,
sors, enfin, du sommeil.
Je dors et rêve,
je rêve et pense,
je pense l’œuvre sachante.
Mais si je dors,
les Nornes veillent
qui tissent la corde
et nouent sans fin mes secrets.
Demande donc aux Nornes.
Esclaves du sort
tissent les Nornes,
sans pouvoir rien
sur ce qui passe.
Mais toi, la Sage,
parle, ne puis-je
enrayer la roue du rouet ?
L’acte humain[2]
enténèbre mes pensers.
J’ai dû, moi la Sage
Subir un maître jadis !…
L’enfant chère
donnai-je à Wotan.
Fixer le sort des guerriers
fut sa tâche.
Cœur brave, et sage aussi.
Pourquoi viens-tu ?
Recours à cette enfant
Qu’Erda conçut du dieu !
De Brunnhild tu parles,
Brunnhild l’enfant ?
Elle a bravé
le dompteur des tempêtes,
à l’heure où, fort,
lui-même se domptait
Quand le dieu des combats,
rêvant un acte,
dut s’en défendre,
malgré son désir,
elle, sans peur,
lors, affronta la défense,
et fit l’acte même,
— Brunnhild, — au rude combat
Moi, j’ai puni mon enfant :
sur ses yeux pesa le sommeil.
Au rocher la vierge dort :
L’éveil pour elle
viendra seulement
afin qu’un homme
soit son époux.
D’elle qu’aurais-je à savoir ?
Nuit trouble
suit mon réveil :
vague, obscur
va le monde.
La Walküre, issue de moi,
est frappée de sommeil
quand, sachante, sa mère dort !
Le fougueux maître
hait l’ardeur !
Par qui veut des actes,
l’acte est puni !
Qui préside au droit,
à la foi jurée,
Contre tout droit est parjure !
Laisse-moi m’engouffrer.
Rends à l’ombre mon rêve !
Non, Mère,
reste et m’entends,
car mes charmes sont les plus forts.
Prime Sagesse,
par toi, la crainte aiguë
en Wotan a pénétré.
L’effroi des chutes,
hontes suprêmes,
vient de toi seule
remplir d’angoisse mon cœur.
Si, plus que tous,
toi, tu es sage,
parle ; comment vaincre, enfin,
les transes du dieu ?
Tu n’es pas
ce que tu dis.
Pourquoi donc,
cœur implacable,
briser mon sommeil sacré ?
Tu n’es pas
ce que tu crois.
Prime Sagesse
touche au terme :
ta science s’éteint
devant mon ordre !
Sais-tu ce que Wotan veut ?
Aveugle, apprends le de moi,
et, calme,
va sans fin dormir !
Cette fin divine
point ne m’effraie.
Mon désir y tend.
Ce qu’en la lutte,
aux maux farouches,
mon cœur brisé résolut,
fier et libre,
mon vouloir s’y complaît !
Si j’ai voué, dans ma rage
au Niblung haineux l’Univers,
au Wælsung sublime
j’ai tout légué désormais.
Moi qui l’ai choisi,
je lui reste inconnu.
Le plus fier jeune homme,
par sa seule force,
conquit du Niblung l’anneau.
Plein d’amour,
libre de haine,
il rend l’anathème
d’Alberich vain :
lui seul reste sans peur !
Notre noble enfant,
Brunnhild, s’éveille
aux tendresses du Fort.
Brunnhild va, sachante,
accomplir l’exploit
rédempteur du monde.
Donc va dormir, toi,
clos ta paupière ;
rêve et vois ma chute.
Mais quoiqu’il survienne
à jeunesse éternelle
cède en joie le dieu.
Au gouffre, Erda,
Prime Terreur !
Prime Trouble !
Descends ! descends dormir sans fin !
Scène II.
Tout proche Siegfried vient.
Mon guide a disparu !
D’un vol frémissant,
d’un chant joyeux,
il m’indiquait mon chemin :
Tout juste il vient de me fuir !
Fort bien pourrai-je
aller seul vers le roc.
Au but qu’un guide ailé m’apprit,
j’irai donc maintenant !
Quel but, jeune homme,
cherchent tes pas ?
On parle ici ?
On peut donc me guider.
Vers un roc je marche
qu’entoure un cercle de flammes :
là dort la femme
dont je veux l’éveil.
Qui t’a parlé de cette roche ?
Qui t’a vanté cette femme ?
L’oiseau qui dans le bois chante :
sa voix m’a dit ces choses.
Aux branches, l’oiseau jase,
Mais nul ne le comprend :
Comment as-tu fait pour bien l’entendre ?
C’est grâce au sang
d’un cruel dragon
que j’ai, à Neidhol, su vaincre.
Ma langue à peine
a goûté ce sang,
je devine le chant des oiseaux.
Par toi le géant est mort,
mais qui te pressa
au fort dragon de courir ?
Conduit par Mime,
ce nain menteur,
voulait m’apprendre la crainte.
Du fer terrible ;
si je frappai,
Fafner me pressa seul,[3]
car sa gueule
s’ouvrait pour moi.
Qui fit ce glaive
au dur tranchant
dont le fort dragon mourut ?
Moi-même l’ai fait
à défaut de Mime :
l’arme autrement m’eût manqué.
Mais qui fit les rudes pièces
dont tu forgeas le glaive entier ?
Qu’en puis-je savoir ?
Je sais du moins
que les pièces point ne servent
qu’on n’en ait fait glaive neuf.
Sûr, c’est mon avis !
Qu’as-tu à railler ?
Vieux loquace !
Cesse à la fin
et n’attends plus que je jase.
Sais-tu quelle est ma route ?
Eh ! parle.
N’en sais-tu rien ?
Referme ton bec !
Holà ! jeune homme,
suis-je si vieux ?
Eh bien, respecte mon âge.
Belle trouvaille !
Dès ma naissance,
un vieux m’a toujours
barré la route,
mais je l’ai su mettre à bas.
Si, toi, tu restes
et si tu me braves,
gare à toi, dis-je,
et crains de Mime le sort !
Quel air as-tu donc ?
Pourquoi porter
un si grand chapeau ?
Sur tes traits, pourquoi
baisser ses bords ?
C’est en marchant l’usage,
quand on a le vent contre soi.
Mais je crois qu’un œil te manque ?
Quelqu’un, bien sûr, te l’a fait sauter,
que ton aplomb, en chemin bravait ?
Pars maintenant,
sans quoi tu pourrais
de même perdre aussi l’autre.
Je vois, mon fils :
bien qu’ignorant,
tu sais t’aider toi-même.
L’œil qui me manque,
c’est par lui qu’à présent,
tu vois toi-même cet autre
qui m’est pour guide resté.
Ha ! ha ! ha ! ha !
Tu sais vraiment faire rire !
Pourtant, assez de paroles :
Allons, dis mon chemin.
Suis ta route, après, sans délai ;
Tu n’as rien à faire de mieux :
Donc, parle, ou gare à mes poings !
Si ta fierté m’eût connu,
l’affront m’eût épargné.
Toi qui m’es cher,
triste dois-je à t’entendre.
Si, dès longtemps,
j’ai chéri ton sang,
mainte douleur
par moi vint l’accabler.
Quand moi, je t’aime,
Moi, l’auguste,
prends garde à mon courroux,
redoutable pour toi et moi !
Te tairas-tu,
drôle obstiné ?
Cède la place
car, certes, là-haut,
est une vierge qui dort.
L’oiseau fut mon guide ;
il volait là quand il m’a fui.
Il t’a fui pour son salut !
Il craint le maître
des noirs corbeaux :
Tremble s’ils l’ont atteint !
La route qu’il te montre
n’est point pour toi !
Ho ! ho ! tu commandes !
Qui donc es- tu ?
pour m’arrêter ici ?
Crains du rocher le maître !
Je tiens captive là-haut
la vierge qui dort.
Qui la réveille,
qui la possède,
jette à bas ma puissance.
D’un flot de feu
la vierge est cernée,
vagues de flammes
léchant le roc.
Qui vers elle court
se heurte au fauve brasier.
Lève les yeux !
Vois-tu ces clartés ?
L’éclat grandit,
le feu redouble ;
rouges fumées,
trombes de flammes,
roulent, et brûlent,
et grondent vers nous.
L’ardente mer
empourpre ton front.
Bientôt son feu mortel
va t’étreindre.
Arrière, jeune insensé !
Arrière, toi-même, bavard !
Là où les flammes flambent,
vers Brunnhild je dois m’élancer !
Si du brasier, tu n’as peur,
j’oppose ma lance à tes pas !
Je garde en mes mains
l’entier pouvoir.
Le fer que tu tiens
ce bois l’a pu briser.
Qu’ici encor
le brise l’antique lance !
De mon père,
C’est toi l’ennemi ?
Joie des vengeances
que j’ai enfin !
Pousse l’épieu :
qu’il vole en deux sous mon fer !
Va donc ! Je quitte la place !
Ramassant son arme,
prompt, il m’échappe ?
Ah ! Feu radieux !
Claire splendeur !
Large et brillante
s’ouvre ma route.
Plonger en ces flammes !
Aux flammes trouver
la fiancée !
Ho ! ho ! Ha hei !
J’appelle un bon ami !
Scène III.
Paix solitaire
Des monts bienheureux !
Qui dort là, calme,
au bois de sapins ?
Un cheval gît
dans un profond sommeil.
Quel vif éclat me frappe ?
Quels riches reflets d’acier ?
Suis-je ébloui
toujours par le feu ?
Quelles armes !
Vais-je y toucher ?
Ah ! un homme, un guerrier ?
Combien me charment ses traits !
Au front si pur pèse le heaume ?
Mieux vaudrait d’abord l’enlever ?
Oh ! c’est beau !
Maints clairs nuages
parent d’écumes.
les flots d’azur du ciel.
Rire et splendeur,
l’éclat du soleil
brille en ces vagues de l’air !…
Le rythme du souffle
gonfle son sein :
vais-je briser la cuirasse !
Viens, mon fer,
romps cette armure !
Ce n’est pas un homme !
Charme qui brûle
gagne mon cœur…
Trouble embrasé
règne en ma vue.
Tout flotte et tourne
sous mon front !
Qui puis-je appeler
qui me seconde ?
Mère ! mère !
entends ma voix !
Comment l’éveiller
pour que ses yeux
sur moi s’ouvrent ?…
— Ses yeux sur moi s’ouvrent ?
Vont-ils m’éblouir, ces yeux ?…
Puis-je affronter ?… subir cet éclat ?…
Tout flotte, et tourne.
et croule en moi !
D’âpres désirs
consument mon être ;
mon cœur qui défaille
trouble ma main !
Serais-je un lâche ?
C’est donc la crainte ?…
O mère ? mère ?
ton fils valeureux !…
Paisible, dort une femme
qui va lui apprendre la peur !…
Comment s’enhardir ?
comment oser ?
M’éveillant moi-même
Que ma voix la réveille !
Fraîche à mes yeux
sa bouche fleurit…
Quel doux frisson d’effroi
vibre en mon sein !
Ah ! cette haleine !
tendre et tiède senteur !
Eveille-toi !
Eveille-toi !
Femme sacrée !
J’appelle en vain !…
Puisons donc la vie
aux fleurs de ses lèvres
quand j’en devrais mourir !
Gloire à l’astre !
Gloire au ciel ![4]
Gloire, Flamme du jour !
D’un long repos,
c’est mon réveil.
Quel est le fort
qui m’éveilla ?
Franchissant la flamme
qui cernait le roc.
ton armure, j’ai su l’ouvrir !
Siegfried suis-je
qui t’éveillai !
Gloire, Dieux saints !
Gloire, monde !
Gloire, Terre splendide !
Je sors de mon sommeil ;
mes yeux s’ouvrent.
Siegfried,
seul m’a porté l’éveil.
O gloire à celle
qui m’enfanta !
Gloire au sol
qui m’a vu grandir,
puisque tes yeux m’ont lui
qui, là, m’enivrent joyeux !
O gloire à celle
qui t’enfanta !
Gloire au sol
qui t’a vu grandir !
Tes yeux seuls
devaient m’éclairer.
L’éveil me dut venir de toi !
O Siegfried ! Siegfried !
Noble héros !
Réveil de la vie,
jour triomphant !
Oh ! sache donc,
joie qui nous luit,
d’où date mon amour.
Tu fus mon rêve,
mon seul souci !
Ta tendre enfance,
je la préservai.
Au sein maternel
mon bras t’a sauvé.
Je t’aimais dès lors,
Siegfried !
Ma mère n’est donc morte ?
elle dort seulement ?
Sublime enfant !
Rien ne peut te rendre ta mère…
je suis toi-même
si, toi, tu me donnes ton amour.
Ton cœur ne sait,
mais, moi, je sais.
Or, sachante si je suis,
c’est que je t’aime.
O Siegfried ! Siegfried !
Jour triomphant !
C’est toi que j’aime,
car, pour moi seule,
s’ouvrit de Wotan l’idée, —
cette idée que je sus
sans la dire,
jamais comprise,
mais devinée,
— pour qui, vaillante,
j’ai combattu,
osant braver le dieu
qui l’avait eue ;
— pour qui me vinrent
tels châtiments,
ne l’ayant comprise,
l’ayant sentie !
Mais, cette idée,
toi, tu l’éclairés.
Moi je n’y vis qu’amour pour toi.
Merveille et joie,
emplissent ton chant.
Pourtant, il reste obscur.
De tes yeux si clairs
je vois l’éclat ;
de ton souffle pur
je sens l’ardeur ;
de ta voix, l’accent
me vient ravir ;
mais ce que disent tes chants,
simple, j’y suis fermé.
Mon cœur ne comprend
ces choses lointaines
quand tous mes sens te voient,
toi seule, et r/ assiègent !
D’un sombre effroi,
tu m’as rempli.
Toi seule as su
m’enseigner la frayeur ;
à moi, qu’étreignent
tes chaînes puissantes,
rends le courage oublié !
Là bas, c’est Grane,
mon fier cheval.
Joyeux, il pâture,
ayant dormi.
Lui même doit
à Siegfried l’éveil !…
Des joies de ta bouche
mes yeux se repaissent
Brûlante, une soif
dessèche mes lèvres,
que le don des tiennes l’apaise !
Je vois le bouclier,
secours de braves…
Le heaume est ici
qui couvrait mon front.
Sans eux, soudain, me voici.
Une vierge bénie
transperce mon cœur.
Elle a blessé
mon front de ses coups,
je n’ai bouclier, ni heaume !
Je vois la cuirasse
où brille l’acier ;
un glaive aigu l’ouvre en deux,
et du corps virginal
l’armure s’en va !
Je suis sans soutien,
sans force, à merci,
et rien qu’une femme !
Du fauve brasier
j’arrive vers toi.
armure, cuirasse,
moi, je n’ai rien.
Aussi, la flamme
pénètre en mon sein.
Mon sang bondit
et roule, embrasé.
Un rouge incendie
en moi se déchaîne.
Du feu qui, là bas,
garde ton roc,
l’ardeur a brûlé mon cœur !
O femme, éteins ce brasier !
calme sa folle fureur !
Nul dieu ne m’approcha !
Le front courbé, les braves m’honorent.
Sainte, j’ai quitté le Walhall !
Las ! las !
Honte pour moi !
Détresse et mépris !
Par lui, je souffre,
lui, l’éveilleur.
Il rompit armure et heaume.
Brunnhilde est loin de moi !
O vierge, ici,
tu rêves toujours.
Brunnhilde encore
songe en sommeil…
Réveille-toi,
sois une femme !
Mes sens me trahissent !
Ma science fuit.
Sans elle vais-je vivre ?
Toi-même n’as-tu pas dit
qu’elle est l’éclat de ton amour pour moi ?
L’ombre funèbre
voile mes yeux.
Ma vue se trouble :
mon jour s’éteint.
L’ombre est sur moi.
De nuit et d’horreur
monte et surgit un effroi confus.
Peur sans trêve
se dresse et bondit.
L’ombre pèse
aux yeux qu’on ferme.
Les ouvrir
en chasse l’obscur effroi.
Sors des ténèbres, et vois !
Clair et beau brille le jour !
Clair et beau
brille le jour pour ma honte !
O Siegfried ! Siegfried !
Vois ma terreur !
Dès l’origine
comme à cette heure
j’ai fait le rêve
d’ardentes délices,
mais toutes pour ton salut !
O Siegfried.
pur héros ! trésor du jour !
vie de la terre,
joie des héros !
laisse, ah ! laisse,
laisse moi !
Garde mon corps de l’approche farouche ;
grâce d’étreintes
qui brisent et domptent ;
épargne l’amour de ton cœur !
Vis-tu tes traits au clair ruisseau ?[5]
Fut-ce point pour toi plaisir ?
Mais si ta main
à cette onde a touché,
ridant le miroir
si pur du courant,
l’image a disparu,
s’effaçant au trouble de l’eau !
Ne m’effleure donc pas,
laisse-moi pure !
Douce sans fin,
doit sourire en moi
ta claire image,
gai et jeune héros !
O Siegfried !
fier adolescent !
Aime-toi
et laisse-moi.
Ne tue point ton propre amour !
Je t’aime !…
Si, toi, tu m’aimais !
Mon cœur, je ne l’ai plus…
Oh ! si je t’avais !
Un flot large et pur
séduit mes yeux
et tout mon être
vibre à le voir,
aux joies mouvantes des vagues !
Loin mon reflet !
Je brûle moi-même
et veux éteindre
en ces flots mes flammes.
Moi-même m’élançant,
j’entre au ruisseau.
Ah ! que, dans ses vagues heureuses, je plonge !
Mes fièvres soudain s’y noieront.
Eveille-toi, Brunnhilde parle, enfant !
Ris à la vie,
joie enivrée !
Sois mienne !… sois mienne !… sois mienne !…
Oh ! Siegfried !
tienne fus-je toujours !
Si tu l’étais, montre le donc !
Tienne à tout jamais,
je le suis !
A tout jamais, dès ce moment !
Prise en mes bras,
étreinte par moi,
cœur contre cœur,
lorsque tout brûle,
feu des regards,
flamme du souffle ardent,
bouche à bouche,
lèvre à lèvre,
à moi te voici,
ainsi que jadis et toujours !
J’ai dompté le souci de savoir
si déjà Brunnhild est à moi.
A toi déjà ?
Calme divin, rugis en tempête !
Chaste clarté, brûle en fournaise !
Science des cieux, tu fuis loin de moi !
Ivre, l’amour te chasse à jamais.
A toi déjà ?
Siegfried ! Siegfried !
Ouvre les yeux !
Mon regard tout en feu
t’aveugle-t-il pas ?
Quand mon bras t’étreint,
t’embrases-tu pas ?
Quand mon sang transporté
vers toi se rue,
ces flammes sauvages,
les sens-tu pas ?
Crains-tu pas, Siegfried,
crains-tu donc pas
la folle femme en furie ?
Ah ! — Quand le sang
bouillonne et s’embrase,
quand les yeux en feu
se dévorent,
quand les bras
brûlent d’étreindre,
en moi renaît ma fière ardeur
et la crainte, ah ! que jamais je n’ai sue,
la crainte ! Je crois, moi simple,
l’avoir oubliée !
Oh ! jeune héros,
enfant magnifique !
D’exploits sacrés trésor naïf !
En riant je t’adore,
en riant je m’aveugle,
en riant courons
nous perdre au gouffre ouvert !
Rire, c’est là ce qu’éveille ta joie !
Péris, Walhall, monde éclatant !
Que tombe en poudre
le fier palais !
Brunnhilde vit,
Brunnhilde rit !
Gloire au jour
qui, sur notre front, rayonne !
Gloire à l’œil ardent du soleil !
Gloire à l’aube
qui sort de la nuit !
Adieu, règne
éblouissant des dieux !
Meurs en joies,
ô pouvoir éternel !
Brisez, ô Nomes,
le fil sacré !
Soir des dieux
du gouffre surgis !
Nuit du néant,
submerge tout !
Pour moi l’étoile en feu
de Siegfried luit !
Gloire au monde
où Brunnhilde vit !
Debout ! vivante !
Son rire m’accueille !
Claire étoile,
Brunnhilde luit !
Elle est à moi, à tout jamais,
mon bien suprême,
seule, et toute !
Il est à moi, à tout jamais,
mon bien suprême,
seul, et tout !
Flamme d’amour !
joie de la mort !