Souvenirs d'un aveugle : voyage autour du monde/01/27

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Texte établi par François Arago, ed. ; Jules Janin, préf., H. Lebrun (1p. 340-348).

XXVII

SUITE DES EXPLORATEURS

Et maintenant, si nous analysons le caractère de ces hardis explorateurs qui, sans avoir fait le tour du monde, n’en ont pas moins bravé les périls les plus imminents, nous les trouvons encore en parfaite harmonie avec la couleur de leur livre, où pointe cependant presque toujours cette idée première et dangereuse : Nul ne viendra me démentir.

Mongo-Park est audacieux ; il sait qu’il ouvre une route nouvelle à ses successeurs ; il n’a pas besoin d’appeler à son secours le mensonge et le merveilleux ; car le premier il dira ce que nul n’a vu avant lui.

Belzoni, Houtin, Clapperton, s’enfonceront dans les solitudes africaines et mourront martyrs de la science sous le fer des Arabes ou des Maures, ou sous les atteintes des plus horribles privations.

Puis vous retrouvez ce pauvre Caillé, aventureux jeune homme, sans instruction, sans talent, sans mémoire ni intelligence, qui marche, marche de caravane en caravane, longe les fleuves, se glisse dans les huttes, tantôt sans nourriture, sans vêtements, sans guide ; tantôt sans eau pour sa soif, sans armes pour sa défense ; avance encore, se trouve porté de revers en revers, de chute en chute, au centre de l’Afrique sauvage ; entre peut-être à Tombouctou, qu’il nous assure être une ville ronde, tandis qu’il nous la dessine carrée ; se sauve de cette capitale mystérieuse sans qu’on daigne le punir de son audace, franchit dans sa plus longue étendue le vaste désert, et arrive enfin à Tunis ou à Tripoli, où le consul français n’ose pas même constater la vérité de ses récits.

Et Bompland, ce patient et intrépide compagnon de voyage de Humbolt ; Bompland que les déserts impénétrables de l’Amérique ont si longtemps caché à l’Europe savante et attristée ; Bompland qui a consacré tant d’années de son douloureux esclavage à la recherche des richesses botaniques et minéralogiques des grandes Cordillères et des immenses plaines du Paraguay, n’y aurait-il pas de ma part injustice et ingratitude à la fois à ne pas placer son nom à côté de ceux que je viens de citer ?

Puis encore vous voyagez avec les frères Landers, matelots infatigables, amis fermes et dévoués, qui écrivent leurs curieuses relations comme le ferait un paysan du Danube, et qui forcent votre croyance, tant la sincérité perce dans chacune de leurs paroles.

Colnett s’enfonçant au milieu des glaces polaires et ne s’arrêtant que là où les forces humaines succombaient sous la puissance d’un ciel sans soleil et d’une terre sans végétation ; Colnett est encore au-dessus de la haute réputation qu’on lui a faite.

L’Espagne, qui passe presque inaperçue au milieu de toutes les illustrations, nous dénonce enfin Quiros, ardent écumeur, audacieux pilote, s’élançant partout où les flots mugissent, et enrichissant les cartes marines d’un grand nombre de récifs inconnus jusqu’à lui. Quiros a bien mérité du monde entier, qui doit placer son nom célèbre bien près de celui de Cook.

L’Anglais Sébastien Cabot ne doit pas plus être oublié dans cette nomenclature que Quiros, car lui aussi s’est distingué par d’utiles et périlleuses découvertes et des cartes d’une exactitude au-dessus de tout éloge.

Tristan da Cunha a donné Madagascar à l’univers.

Jacques Cartier vit le premier le Canada.

Cortès et Pizarre faisant, celui-ci la conquête du Pérou, découvert par Pérez de La Rua, celui-là, de la Californie, ont placé leurs noms impérissables parmi ceux des grands hommes de cette époque si féconde en merveilles.

Et cet intrépide et savant ingénieur Oxley, qui m’accueillit avec tant de bienveillance à Sidney, et avec lequel je fis, au delà du torrent de Kinkham, une course si pénible, si longue, si hasardeuse ; cet Oxley jeune, infatigable, à qui l’Angleterre est redevable des documents les plus curieux sur l’intérieur de la Nouvelle-Hollande, au delà des montagnes Bleues, jusqu’alors inaccessibles : cet Oxley qui a tracé avec tant de fidélité la direction des courants d’eau et des rivières intérieures de ce vaste continent, dont la source et l’embouchure sont encore ignorées ; cet Oxley qui, dans l’intérêt seul de la science, a bravé tant de périls, étudié tant de peuplades sauvages, ne trouvera-t-il point aussi sa place dans cette honorable nomenclature ?

Mais de tous ces audacieux explorateurs à qui la science géographique doit tant de précieux documents, celui dont on aurait dû recueillir le plus ardemment les paroles sacramentelles est, sans contredit, ce Mac-Irton, Irlandais dont la vie miraculeuse a dû courir tant de dangers et dû éprouver tant de misère. Le consul anglais au Cap me dit les recherches que lui-mème avait ordonnées pour qu’on se saisît du fugitif ; mais il m’a dit aussi les craintes qu’il éprouvait de voir ses efforts couronnés de succès.

C’est par Mac-Irton qu’on a reçu les premières notions vraies de cette inconnue Tombouctou, sur laquelle bien des siècles passeront peut-être encore sans que de nouveaux et précis renseignements nous arrivent. Les hommes de l’intérieur de l’Afrique sont bien plus à craindre que leurs déserts, et les passions humaines plus redoutables que les colères des tigres et des lions.

Le matelot Mac-Irton montait un navire irlandais, mouillé alors en rade du cap de Bonne-Espérance ; son lieutenant, dans une manœuvre, l’ayant rudement frappé d’un trop violent coup de garcette, le matelot furieux lui répondit à l’instant même par un soufflet. Mac-Irton fut d’abord mis aux fers, jugé peu de jours après et condamné à mort. La sentence devait s’exécuter sur le pont du navire dans les vingt-quatre heures, et Mac-Irton, le pied rivé à un anneau de fer, attendait sur le gaillard d’avant le moment fatal. Déjà le coup de sifflet du maître avait appelé tout l’équipage, déjà un ministre protestant avait fait son office consolateur, quand un mugissement profond appela tous les regards vers la côte. Elle avait pris une teinte blafarde qui blessait la vue, la mer s’agitait sans rafales, des flots épais de poussière voilaient la ville comme dans une tombe, et sur le sommet de la Table passaient, terribles et menaçants, des flocons de nuages cuivrés qui roulaient, tombaient et remontaient, incessamment zigzagués par les éclairs et d’éclatantes étincelles ; l’ouragan élevait la voix, la grève attendait les victimes, et l’Océan ouvrait ses profondeurs, et les navires de la rade invoquaient le ciel ; tout à coup encore les éléments se déchaînent, et le chaos et la nuit règnent seuls. Mac-Irton ne veut pas mourir sans essayer du moins d’être de quelque secours à ses camarades, dont il est tant aimé, et le lieutenant est le premier à ordonner qu’on le prive de ses fers. Toutes les ancres sont mouillées, tous les câbles, toutes les chaînes tendues par la tempête, le navire plonge, se relève, retombe et rebondit, la mer est aux nues, et par un miracle du ciel, il échappe seul à la destruction générale.

Quoique mortelle à tant de navires, la tempête fut courte ; elle n’était pas encore apaisée que Mac-Irton, rendu à sa position première se rappela sa position de la veille, qu’il avait oubliée au milieu des tourbillons et du fracas de la nature. Du haut de la vergue où il était hissé il s’élança dans les flots écumeux et s’abandonna à la lame roulante. Tous le suivent d’un œil avide, tous font pour lui des vœux ardents, hormis le lieutenant, qui voulait un exemple propre à épouvanter l’équipage. La nuit et la turbulence des nuages cachèrent bientôt le pauvre matelot, et le lendemain le lieutenant ordonna qu’un canot allât à terre et que des recherches actives fussent faites pour se saisir du fugitif. Soins inutiles ; on sut qu’en effet un homme du navire irlandais avait été poussé et vomi sur les récifs de la côte ; on apprit qu’il avait échappé à la fureur de la tourmente ; mais on ignorait depuis lors ce qu’il était devenu.

Prévoyant bien le sort qui l’attendait dans la ville, Mac-Irton, sans vêtements, sans vivres, presque sans forces, s’enfonça dans les déserts qui avoisinent Table-Bay, et il aima mieux s’exposer à la dent des bêtes féroces que de retourner à bord implorer une grâce qu’on lui aurait sans doute refusée.

Ici commence le doute ou du moins le merveilleux. Mac-Irton seul est garant de la vérité de ses récits, et malheureusement sa raison, troublée par les fatigues, les privations et les périls, crée-t-elle peut-être un monde qu’il n’a pas vu. Quoi qu’il en soit, l’Irlandais se montra un jour à Alger ; le consul anglais reçut ses premières confidences et l’envoya à Londres avec une demande en grâce. On interrogea le matelot ; on recueillit scrupuleusement ses plus douteuses paroles, et on publia le récit de ses courses de quatre ans au sein de l’Afrique.

Il se sauva d’abord chez les Hottentots : ceux-ci alors en guerre avec les Cafres, lui confièrent le commandement de leur expédition. Fait prisonnier, on l’épargna et on l’emmena dans des expéditions plus lointaines, de sorte que, tantôt vainqueur, tantôt vaincu, Mac-Irton s’éloigna de jour en jour de la colonie où il n’osait plus rentrer. Enfin, après avoir signalé avec exactitude quelques-unes des villes africaines sur l’existence desquelles le doute n’était plus permis, il parla de la grande Tombouctou, d’où il partit pour le nord avec une caravane, en compagnie de laquelle il arriva à Alger. Mac-Irton mourut peu de jours après son arrivée à Londres ; mais, quoique imparfaits, il est certain que les documents qu’il a fournis n’ont peut-être pas peu contribué à signaler au monde cette capitale sauvage et cachée, dont l’existence n’est plus un problème.

Et si après ces noms, dont quelques-uns sont une gloire, nous osons citer le plus illustre de tous, je vous montrerai celui qui le porte planant sur les plus hautes cimes des Cordillères, étudiant le Cotopaxi, les volcans d’air de Turbaco, fouillant dans les profondeurs de la terre pour y découvrir des trésors ignorés jusqu’à lui, étudiant les steppes des deux Amériques, analysant de son œil d’aigle les richesses botaniques, minéralogiques, ornithologiques, dont il grandit le domaine de la science ; suivant le cours des fleuves, s’élançant dans l’abîme avec les cataractes, entrant dans les vastes cités pour en écrire les mœurs, les progrès ou la décadence ; philosophe, historien, physicien, astronome et dépensant à tant de travaux des sommes devant lesquelles reculeraient bien des gouvernements, et vous retrouverez cet Alexandre de Humbold, institut vivant, dont l’amitié m’est si précieuse et dont la vie entière est une étude de tous les jours, de tous les instants. Mais par malheur, hélas ! peu d’hommes lisent ses immenses in-folio où sont conservées tant de découvertes, car toute haute science est lourde à qui rougit de ne pas comprendre. Il est des rayons trop éclatants pour que l’œil du vulgaire puisse les braver.

On s’explique facilement pourquoi, au milieu de noms si célèbres, je ne jette pas les noms modernes et non moins glorieux de quelques hardis et savants explorateurs, qui ont fait faire tant de progrès à la navigation et enrichi leur pays de récentes conquêtes physiques et morales. Leurs ouvrages sont là, dans toutes les mains, dans toutes les bibliothèques, et ils n’ont pas besoin de ma faible voix pour occuper la curiosité publique. Courir sur leurs traces eût été pour moi une faute que j’ai dû me garder de commettre, e tant d’espace était occupé par eux qu’il ne m’a été permis que de suivre le sentier étroit où je me suis jeté.

Il y avait trop de péril à me trouver côte à côte avec eux sur la grande route qu’ils exploitaient avec tant de supériorité ; mais les champs le mieux moissonnés ont encore des épis à qui s’arme de constance et de courage.

Ce que j’aime surtout dans la lecture des voyages, ce sont les anecdotes. Les systèmes peuvent se heurter, se combattre, se détruire tour à tour (et c’est ce qui doit toujours arriver) ; mais les faits ont une logique plus puissante : ils sont là pour dire les mœurs d’un peuple, l’esprit d’une époque. La bienveillance qui a accueilli mon livre ne me laisse aucun regret d’avoir semé dans ma route un grand nombre d’anecdotes où chacun peut puiser les conséquences de sa philosophie particulière. En second lieu, je n’aime pas à m’isoler dans mes courses aventureuses ; ce qui me plaît avant tout, c’est un brave compagnon de voyage qui soit de moitié dans mes joies ou mes douleurs. Être heureux tout seul, ce n’est pas l’être, et l’égoïste n’a que des demi-jouissances. Combien de fois, au milieu des grands et magiques tableaux qui se déroulaient à mes yeux, ne me suis-je pas écrié : « Si mes amis étaient là pour partager mes émotions ! »

Me pardonnera-t-on d’avoir souvent pris pour camarades de route ces deux braves matelots Petit et Marchais, dont les naïves saillies ont tant de fois retrempé mon courage et soutenu mes forces épuisées ? je l’espère. Ces deux abruptes intelligences, ces deux cœurs si chauds, si généreux, ces deux caractères de fer, que ni les misères ni les douleurs n’ont jamais pu flétrir, ces deux dévouements à l’épreuve des plus épouvantables catastrophes, m’ont trop souvent protégé et consolé pour que mes lecteurs ne les retrouvent point parfois avec plaisir à mes côtés. Hélas ! que sont-ils devenus aujourd’hui ? quel humble réduit abrite leur pauvreté ? quelle voix amie les dédommage de tant de périlleuses traversées ? quels flots océaniques ont reçu leur dernier soupir ? Oh ! merci, mille fois merci à qui voudra me donner des nouvelles de Petit et Marchais ! oh ! merci mille fois à la main généreuse qui leur sera tendue dans la route !

Que les quelques esprits supérieurs qui jetteraient le blâme sur l’apparente légèreté de la plupart de mes récits opposent à leur mécontentement la nature même de mes principes et de mon caractère, toujours si insouciant au sein des plus graves circonstances. Devais-je, vaincu enfin par l’horrible malheur qui me frappe, jeter à pleines mains la tristesse et l’amertume sur mes récits ? Non, car alors tout mon livre eût été un mensonge. On n’est vrai qu’alors qu’on écrit sous l’inspiration du moment. Voilà mes notes, mes esquisses ; je ne les traduis pas : je les copie ; ce que je dis aujourd’hui, c’est ce que je disais quand la tempête mugissait autour de nous, quand les anthropophages me menaçaient de leurs crics, de leurs casse-têtes, quand je traversais les vastes solitudes, quand mes lèvres altérées demandaient de l’eau au désert stérile et silencieux ; ce que je vous dis aujourd’hui, c’est l’expression la plus vraie, la plus intime de mes émotions d’alors. Je n’ai pas promis davantage.


Il n’est peut être pas inutile, après cette rapide esquisse, de trouver ici la date des principales découvertes faites par les navigateurs de tous les pays du monde. On y verra que le Portugal, aujourd’hui si simple et si mesquin, a joué le principal rôle dans ces voyages périlleux, où il fallait aux capitaines plus de courage que de science. Ainsi passent toutes les gloires, ainsi dorment et disparaissent les plus nobles souvenirs des peuples.

époques principales des découvertes
Ann. de J.-C.
Les Canaries, des navigateurs génois et catalans 
 1345
Les Ca Jean de Béthencour en fait la conquête de 
 1401 à 1405
Porto-Santo, Tristan Vaz et Zareo, Portugais 
 1418
Madère, par les mêmes 
 1419
Le Cap Blanc, Nunho Tristan, Portugais 
 1440
Les Açores, Gonzallo Vello, Portugais 
 1448
Les îles du cap Vert, Antoine Nolli, Génois 
 1449
La côte de Guinée, Jean de Santarem et Pierre Escovar, Portugais 
 1471
Le Congo, Diégo Cam, Portugais 
 1484
Le cap de Bonne-Espérance, Dias, Portugais 
 1486
L’Amérique (île San-Salvador, dans la nuit du 11 au 12 octobre), Christophe Colomb 
 1492
Les Antilles, Christophe Colomb 
 1493
La Trinité (continent de l’Amérique), Christophe Colomb[1] 
 1498
Les Indes (côtes orientales d’Afrique, côte de Malabar), Vasco de Gama 
 1498
Amérique (côtes orientales), Ojéda, accompagné d’Améric Vespuce 
 1499
Rivière des Amazones, Vincent Pinçon 
 1500
Terre-Neuve, Cortéral, Portugais. 
 1500
Le Brésil, Alvarès Cabral, Portugais. 
 1500
Île Sainte-Hélène, Jean de Nova, Portugais. 
 1502
L’île de Ceylan, Laurent Almeyda. 
 1506
Madagascar, Tristan da Cunha 
 1506
Sumatra, Siqueyra, Portugais 
 1508
Malacca, le même 
 1508
Îles de la Sonde, Abreu, Portugais 
 1511
Moluques, Abreu, Cerrano 
 1511
La Floride, Ponce de Léon, Espagnol 
 1512
La mer du Sud, Nugnez Balboa 
 1513
Le Pérou, Pérez de La Rua 
 1515
Rio-Janeiro, Dias de Solis 
 1516
Rio de la Plata, Dias de Solis 
 1516
La Chine, Fernand d’Andrada, Portugais 
 1517
Mexique, Fernand de Cordoue 
 1518
Mex Fernand Cortès en fait la conquête 
 1519
Terre de Feu, Magellan 
 1520
Îles des Ladrones, Magellan 
 1521
Les Philippines, Magellan 
 1521
Amérique septentrionale, Jean Verazani 
 1523 et 1524
Conquête du Pérou. Pizarre 
 1524
Les Bermudes, Jean Bermudez, Espagnol 
 1527
La Nouvelle-Guinée, André Vidaneta, Espagnol 
 1528
Côtes voisines d’Acapulco, par ordre de Cortès 
 1534
Le Canada, Jacques Cartier, Français 
 1534 et 1535
La Californie, Cortès 
 1535
Le Chili, Diégo de Almagro 
 1536 et 1537
Acadie, Roberval, Français, s’établit à l’Île Royale 
 1541
Camboje, Antonio Faria y Sousa, Fernand-Mendez Pinto 
 1541
Les îles Likieo, les mêmes 
 1541
Heinam, les mêmes 
 1541
Japon, à l’est, Diego Samoto et Christophe Borello ; à l’est, au Bungo, Fernand-Mendez Pinto 
 1542


Cap Mendocino, à la Californie, Ruis Cabrill 
 1542
Le Mississipi, Moscoso Alvarado 
 1543
Le détroit de Waïgats, Steven Borrough 
 1556
Îles Salomon, Mendana 
 1567
Détroit de Frobisher, sir Martin Frobisher 
 1576
Voyage de Drake 
 1579 ou 1591
Détroit de Davis, John Davis 
 1587
Côtes du Chili, dans la mer du Sud, Pedro Sarmiento 
 1589
Les îles Malouines ou Falkland, Hawkins 
 1594
Voyage de Barente à la Nouvelle-Zemble 
 1594 à 1596
Marquises de Mendosa, Mendana 
 1593
Santa-Cruz, Mendana 
 1595
Terres du Saint-Esprit, de Quiros ; Cyclades, de Bougainville ; Nouvelles-Hébrides, de Cook 
 1606
Baie de Chesapeak, John Smith 
 1607
Québec, fondé par Samuel Champlain 
 1608
Détroit de Hudson, Henri Hudson 
 1610
Baie de Baffin 
 1616
Cap Horn, Jacob Lemaire 
 1616
Terre de Diemen, Abel Tasman 
 1642
Nouvelle-Zélande, le même 
 1642
Îles des Amis, le même 
 1643
Îles des États (au nord du Japon), de Uries 
 1643
Nouvelle-Bretagne, Dampier 
 1700
Le détroit de Béring 
 1728
Taïti, Wallis 
 1767
Archipel des Navigateurs, Bougainville 
 1768
Archipel de la Louisiane, Bougainville 
 1768
Terre de Kerguelen ou de la Désolation 
 1772
La Nouvelle-Calédonie, Cook 
 1774
Îles Sandwich, Cook 
 1778

Voilà certes bien des noms illustres, bien des courages éprouvés, bien des pays longtemps inconnus et donnés à l’Europe insatiable… Dites-moi maintenant si, vainqueurs ou vaincus, maîtres ou esclaves, dominateurs ou sujets, beaucoup ont à remercier le ciel de tant de conquêtes.

À ceux-ci les haines, les jalouses persécutions des princes à qui ils octroyaient sur de nouvelles terres un droit de suzeraineté ; à ceux-là des guerres interminables et cruelles où le sang coule à flots pressés et engraisse le sol, témoin de tant de carnages.

Nulle part ou presque nulle part des victoires morales.

Nulle part ou presque nulle part la clémence assise à côté de la force

Partout, au contraire, le canon et le glaive pour asseoir la possession.

Partout aussi des meurtres, des assassinats, de sanglantes représailles.

C’est là l’histoire abrégée des deux Indes, c’est l’histoire du Nouveau-Monde ; n’est-ce pas, je vous le demande, l’histoire de l’ancien ?

Y a-t-il, oubliée encore du reste de l’univers, une toute petite île pour laquelle Dieu n’ait que des regards d’amour ?

Y a-t-il au sein de quelque vaste océan une terre presque imperceptible où l’amitié dresse ses autels, où la liberté professe son culte ?

Qui le sait ?

Nous n’avons plus de continents à découvrir ; mais les mers n’ont pas été si pleinement sillonnées que toute espérance doive s’éteindre.

Oh ! alors que le navigateur passe vite, qu’il se taise à son retour !

Il faut laisser la paix et le bonheur dans la retraite que le ciel leur a donnée. Hélas ! les Carolines, quelque peu riches qu’elles soient, ne tarderont pas à subir les destinées des archipels qui les entourent. On a si bien fait jusqu’à présent que le flambeau de la civilisation n’est plus qu’une torche incendiaire.

  1. Cette date est contestée et portée par quelques auteurs à 1497.