Aller au contenu

« Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/41 » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
Balise : Corrigée
Elyes.BE (discussion | contributions)
correction
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
souffrirai point qu’elle épouse celui-ci pour aimer celui-là, & j’aime mieux compromettre mon autorité que sa vertu.
souffrirai pas qu’elle épouse celui-ci pour aimer celui-là, & j’aime mieux compromettre mon autorité que sa vertu.


Je crois donc que je vais prendre le parti le plus sage, de retirer la parole que j’ai donnée à M. de Gercourt. Vous venez d’en voir les raisons ; elles me paraissent devoir l’emporter sur ma promesse. Je dis plus ; dans l’état où sont les choses, remplir mon engagement, ce serait véritablement le violer. Car enfin, si je dois à ma fille de ne pas livrer son secret à M. de Gercourt, je dois au moins à celui-ci de ne pas abuser de l’ignorance où je le laisse, & de faire pour lui tout ce que je crois qu’il ferait lui-même, s’il était instruit. Irai-je, au contraire, le trahir indignement, quand il se livre à ma foi, et, tandis qu’il m’honore en me choisissant pour sa seconde mère, le tromper dans le choix qu’il veut faire de la mère de ses enfants ? Ces réflexions si vraies & auxquelles je ne peux me refuser, m’alarment plus que je ne puis vous dire.
Je crois donc que je vais prendre le parti le plus sage, de retirer la parole que j’ai donnée à M. de Gercourt. Vous venez d’en voir les raisons ; elles me paraissent devoir l’emporter sur ma promesse. Je dis plus ; dans l’état où sont les choses, remplir mon engagement, ce serait véritablement le violer. Car enfin, si je dois à ma fille de ne pas livrer son secret à M. de Gercourt, je dois au moins à celui-ci de ne pas abuser de l’ignorance où je le laisse, & de faire pour lui tout ce que je crois qu’il ferait lui-même, s’il était instruit. Irai-je, au contraire, le trahir indignement, quand il se livre à ma foi, et, tandis qu’il m’honore en me choisissant pour sa seconde mère, le tromper dans le choix qu’il veut faire de la mère de ses enfants ? Ces réflexions si vraies & auxquelles je ne peux me refuser, m’alarment plus que je ne puis vous dire.

Version du 31 octobre 2023 à 19:02

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souffrirai pas qu’elle épouse celui-ci pour aimer celui-là, & j’aime mieux compromettre mon autorité que sa vertu.

Je crois donc que je vais prendre le parti le plus sage, de retirer la parole que j’ai donnée à M. de Gercourt. Vous venez d’en voir les raisons ; elles me paraissent devoir l’emporter sur ma promesse. Je dis plus ; dans l’état où sont les choses, remplir mon engagement, ce serait véritablement le violer. Car enfin, si je dois à ma fille de ne pas livrer son secret à M. de Gercourt, je dois au moins à celui-ci de ne pas abuser de l’ignorance où je le laisse, & de faire pour lui tout ce que je crois qu’il ferait lui-même, s’il était instruit. Irai-je, au contraire, le trahir indignement, quand il se livre à ma foi, et, tandis qu’il m’honore en me choisissant pour sa seconde mère, le tromper dans le choix qu’il veut faire de la mère de ses enfants ? Ces réflexions si vraies & auxquelles je ne peux me refuser, m’alarment plus que je ne puis vous dire.

Aux malheurs qu’elles me font redouter, je compare ma fille, heureuse avec l’époux que son cœur a choisi, ne connaissant ses devoirs que par la douceur qu’elle trouve à les remplir ; mon gendre également satisfait & se félicitant, chaque jour, de son choix ; chacun d’eux ne trouvant de bonheur que dans le bonheur de l’autre, & celui de tous deux se réunissant pour augmenter le mien. L’espoir d’un avenir si doux doit-il être sacrifié à de vaines considérations ? Et quelles sont celles qui me retiennent ? uniquement des vues d’intérêt. De quel avantage sera-t-il donc pour