« Page:Stendhal - Mémoires d’un Touriste, I, Lévy, 1854.djvu/286 » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
 
(Aucune différence)

Dernière version du 25 juillet 2018 à 09:12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’aucun gouvernement ne renoncera jamais au plaisir de lire, imprimées tous les matins, les louanges des ordres qu’il a signés la veille. Il se figure que d’autres que lui les lisent, il ne voit pas qu’il alimente par là les journaux de l’opposition. Sans ses apologies explicatives, ceux-ci seraient obligés de faire eux-mêmes l’exposition de la pièce à jouer devant le public. Or, toute exposition exacte est horriblement difficile avec les Français actuels. La dose d’attention que les lecteurs accordent à une phrase imprimée a bien diminué depuis que les auteurs ne relisent plus les phrases qu’ils envoient à l’impression.

J’avais bien recommandé à l’hôtel qu’on m’éveillât à quatre heures et demie du matin afin de ne pas manquer le bateau à vapeur qui part pour Nantes. J’étais effrayé par l’histoire lamentable de toute une famille qui la veille avait dîné à table d’hôte, et qui racontait que le malin elle était arrivée sur le rivage une heure juste après le départ de la vapeur.

Par bonheur je me suis éveillé à quatre heures, et j’ai été obligé d’aller tirer par le bras le portier qui, la veille, avait sollicité avec bassesse la faveur de porter mon sac de nuit au bateau. Il m’a trouvé fort indiscret de troubler ainsi son repos, et a marqué beaucoup d’humeur, même quand je l’ai payé.

À cinq heures et demie, les roues du bateau se sont mises en mouvement ; mais ce mouvement n’a pas duré. Au bout de dix minutes, nous nous sommes bravement arrêtés sur un banc de sable qui continue l’île de la Loire, laquelle commence au-dessous du beau pont. Le chef du bateau s’est mis à jurer horriblement contre ses subordonnés, leur disant qu’ils devaient bien savoir qu’on ne devait pas passer en ce lieu, que la veille au soir encore le bateau arrivant d’en bas avait été obligé de passer le long de la rive droite.

Le plaisant, c’est que lui-même était à bord au moment du départ ; il est vrai qu’il était occupé à faire le gros dos et à donner des ordres d’un air d’empereur romain pour le placement de