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quémander. Mais ce n’est pas assez pour faire un homme de lettres, et il ne suffit pas de tourner une requête spirituelle en vers, comme savait le faire Clément Marot, ce fils de Normand, ou Corneille lui-même. Pour être écrivain il faut aborder un sujet, et l’on n’a pas encore réalisé le rêve de Flaubert, d’un livre qui ne tiendrait que par la force du style. Mais quel sujet ? Autrefois on pouvait encore rimer des sermons, ou mettre en vers le Comput ecclésiastique[1], ou les Institutes de Justienien, ou la Coutume de Normandie [2] : et cela au moins servait[3] aux clercs mal frottés de latin, aux étudiants et aux plaideurs. Mais les temps ont changés. La poésie ne se prête plus à toutes les tâches. Devenue grande dame, et fière, elle n’a plus que des paroles caressantes ou sonores, et des idées qui voltigent au-dessus de la vie quotidienne, et ne s’y posent que par instants. Comment les Normands se prêteront-ils à tout cela ? Chanteront-ils la nature ?

Mais j’y deviens plus sec, plus j’y vois de verdure[4].

« Je ne suis pas l’homme de la nature[5] » répondent-ils : d’où leur viendrait l’inspiration, à eux « que la campagne a toujours ennuyés[6] » et qui sont nés

  1. Philippe de Thaon Compost.
  2. Ce sont des Normands qui ont produit au moyen âge ces sortes d’œuvres : voy. G. Paris, La litt. franç. au moyen âge, 2e éd., et La littérature normande avant l’annexion.
  3. Vauquelin de la Fresnaye a parfois encore cette préoccupation (voy. t. I, p. 101à. cf. aussi Lemercier, Étude littéraire et morale sur les poésies de Vauquelin de la Fresnaye (Nancy, 1887), p. 202.
  4. Malherbe, I, 139.
  5. Flaubert, à G. Sand, 3 juillet 1874 (Corresp., 4e s., p. 195).
  6. Id, Corresp., 2e s., p. 157.