« La Menace bolcheviste et la Pologne » : différence entre les versions

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Version du 9 octobre 2014 à 20:50

présenter, permet de comprendre le but que les Russes poursuivent par leur avance en Perse. Sans tenir compte de ce que la défection de la Russie avait libéré ses alliés de tous leurs engagements envers elle, les Russes voudraient appliquer en Perse un accord, rendu caduc par cette défection, mais qui assurait à la Russie des avantages sérieux dans ce pays.

À l’exception d’une seule province (Karman) où, en principe l’influence russe ne pouvait s’exercer, et de trois autres provinces (Arabistan, Fars et Kuhistan) où cette influence devait se partager avec celle de la Grande-Bretagne, la Russie s’était réservé, dans cet accord, plus des trois quarts de la Perse (15 provinces sur 19). Et de par le fait que la capitale, Téhéran, était comprise dans sa sphère d’influence, la Russie disposait réellement de la Perse entière. C’était le protectorat russe étendu sur la Perse.

Élisée Reclus, dans sa géographie universelle (Tom IX, page 312), s’exprime ainsi sur la situation politique de la Perse :

« Il (le gouvernement persan) a surtout à tenir compte des conseils de l’ambassadeur russe, car il ne saurait oublier que le maintien de son pouvoir dépend uniquement de la volonté de son puissant voisin. Le royaume se transforme graduellement, mais sûrement en une province russe. Les nouveaux maîtres n’ont à supporter ni les frais ni les responsabilités de la conquête. Les avantages de la domination ne leur en appartiennent pas moins. »

Le traité du 31 août 1907 confirmant ces paroles, écrites en 1884, marquait la dernière étape de cette transformation. Il livrait la Perse à la Russie.

Si les hommes d’État anglais acceptèrent de signer un accord tellement peu conforme aux intérêts de la Grande-Bretagne, c’est qu’ils y furent amenés par les difficultés d’une situation politique générale avec laquelle celle d’aujourd’hui présente une certaine analogie.

En effet, aujourd’hui comme alors, on se trouve en face d’une Russie qui, en dépit d’une guerre malheureuse et d’une révolution dont elle sort fortement ébranlée et malgré son changement de régime qu’elle appelle démocratique, n’a rien perdu de ses idées de conquêtes et qui, comme autrefois, n’hésiterait pas, pour arriver à son but, à s’appuyer sur l’Allemagne, prête à tirer son épée contre la France et contre l’Angleterre, épée qu’on eut la faiblesse de lui laisser en mains, se bornant à lui enlever ses défenses navales.

Pour parer à ce danger on prévoit la reprise des relations commerciales avec la Russie. Ce moyen qui équivaudrait à vouloir désarmer l’adversaire en lui fournissant tout ce qu’il faut pour se défendre ou pour attaquer, présente dans le cas actuel, sans parler de son efficacité sur laquelle il est inutile d’insister, des difficultés sérieuses d’application. Comment entrer en relations commerciales avec un pays où par ordre du gouvernement aurait été supprimé dans sa conception la plus élémentaire tout espèce de capital, sans l’intervention duquel nul commerce ne saurait se pratiquer. Peut-il y avoir du commerce sans marchandises ? Et la marchandise est du capital. Ce serait donc, dans ces conditions, aller au devant d’un échec certain et le conflit qu’on croirait éviter par cette voie ne serait que partie remise, comme l’était celui que cherchait à conjurer le traité du 31 août 1907.

Mais depuis un facteur a surgi, qui manquait alors, capable de se dresser entre la Russie et l’Allemagne en obstacle contre lequel l’épée de cette dernière pourrait se briser, supprimant ainsi le seul appui que la Russie trouverait en Europe contre la Grande-Bretagne. Ce facteur, c’est la Pologne, que la France et l’Angleterre ont un intérêt égal à soutenir. L’une pour trouver en elle une défense sûre de sa frontière de l’Est et un appui pour ses revendications financières, aussi bien en Russie qu’en Allemagne. L’autre, une double garantie de sécurité, à la fois à Londres et aux Indes.

Cependant, vis-à-vis de certains faits, on pourrait se demander si tout le monde, sur les bords de la Seine et de la Tamise, comprend bien la situation. On entend des voix s’élever contre la Pologne qui, au prix de son sang, défend sur les rives du Dnieper et de la Duna, indépendamment de ses propres intérêts et de ceux des peuples qu’elle libère, les intérêts français et anglais. La défaite de la Pologne dans sa lutte contre les Bolchevicks aurait pour résultat immédiat la jonction de l’Allemagne et de la Russie avec toutes ses conséquences, parmi lesquelles : les Russes en Perse, à la porte des Indes, et les Allemands en route pour Paris.

En présence de ces voix trompeuses qui, dans un but intéressés, tachent d’induire en erreur l’opinion publique, en l’indisposant contre la Pologne, nous n’hésitons pas à faire appel au bon sens et à l’esprit de conservation de nos amis Français et Anglais pour les mettre en garde devant ce danger. Si, en cédant aux suggestions de ces voix, ils allaient au cours des pourparlers qui vont s’entamer soit à Londres, soit à Spa, négliger les intérêts de la Pologne, ou chercher à sauver la situation aux dépens de cette dernière, ils commettraient une faute que la France et l’Angleterre seraient les premières à expier un jour cruellement.

La Pologne défend aujourd’hui l’Occident contre un nouveau fléau venant de l’Est comme elle le défendait jadis contre la menace des hordes asiatiques, en arrêtant à Lignica (Silésie), en 1241, le flot envahisseur des Mongols, dont elle eut à subir encore quatre-vingt-dix assauts, et à Vienne, en 1683, en brisant la puissance Ottomane.

La Pologne qu’on accuse d’impérialisme lutte pour son existence, pour la sécurité de l’Europe et pour celle des peuples liés à elle dans l’Histoire. Elle combat pour l’indépendance de ces peuples contre ceux qui voudraient les réasservir. C’est donc à la Pologne que doivent aller dans cette lutte les sympathies, l’aide et le soutien de toutes les vraies démocraties.

Comte J. TARNOWSKI.