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— Si vous m’aimez autant que vous voulez me le faire croire, allez trouver mon père et demandez-moi en mariage.

— J’ai déjà fait la demande ; votre père l’a repoussée. Décidez-vous vous-même, et venez avec moi.

— Je, pourrais bien me décider ; mais les hommes ont si peu de bonne foi. Si vous m’abandonniez, je resterais sans amis.

— Je ne vous abandonnerai qu’à la mort. Vous êtes une fille de roi ; vous êtes une rose si fraîche. »

Tous deux se prennent par la main, s’en vont sous les tilleuls, et la jeune fille devient mère.

« Me voilà faible et malade, dit-elle ; je prie la vierge Marie de venir à mon secours. »

Son amant lui répond :

« Je voudrais que vous fussiez délivrée de votre enfant, et enterrée sous le tilleul vert.

— Si vous désirez me voir enterrée, moi, je voudrais vous voir pendu par le cou. »

Le chevalier lève la main, et lui donne un soufflet s fort qu’il la fait tomber par terre.

« Vous m’avez frappée à tort, lui dit-elle ; dans sept ans d’ici vous aurez recours à moi. »

Au bout de sept ans, le chevalier, portant la crécelle de lépreux, vient lui demander l’aumône, car il était dans le besoin. La jeune femme appelle son enfant.

« O mon enfant ! dit-elle, donne une chaise à ton père, j’ai vu le jour où c’était un hardi chevalier.

« O mon enfant ! apporte-lui du pain ; j’ai vu le jour où il n’avait besoin de rien.

« O mon enfant ! apporte-lui de la bière ; j’ai vu le jour où c’était un fier gentilhomme.

« O mon enfant ! apporte-lui du vin, apporte-lui du vin ; j’ai vu le jour où il était mon bien-aimé. »

Le père de la jeune femme, caché derrière la porte, entend ces paroles il tire son épée du fourreau, s’élance sur le chevalier, et lui tranche la tête.

Puis, la prenant par les cheveux, et la jetant à sa fille « Tiens, lui dit-il, pleure là-dessus.

— Hélas ! répond la malheureuse, si je voulais pleurer autant que je le dois, j’aurais assez à faire de pleurer tous les jours de l’année. »


X. MARMIER