Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau/Chapitre 11

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Texte établi par Henri MartineauLe Divan (Ip. 62-63).

CHAPITRE XI


Une fois la cristallisation commencée, l’on jouit avec délices de chaque nouvelle beauté que l’on découvre dans ce qu’on aime.

Mais qu’est-ce que la beauté ? C’est une nouvelle aptitude à vous donner du plaisir.

Les plaisirs de chaque individu sont différents, et souvent opposés : cela explique fort bien comment ce qui est beauté pour un individu est laideur pour un autre ; (exemple concluant de Del Rosso et de Lisio, le 1er janvier 1820).

Pour découvrir la nature de la beauté, il convient de rechercher quelle est la nature des plaisirs de chaque individu ; par exemple, il faut à Del Rosso une femme qui souffre quelques mouvements hasardés, et qui par ses sourires, autorise des choses fort gaies ; une femme qui, à chaque instant, tienne les plaisirs physiques devant son imagination, et qui excite à la fois, le genre d’amabilité de Del Rosso, et lui permette de la déployer.

Del Rosso entend par amour, apparemment l’amour physique, et Lisio l’amour-passion. Rien de plus évident qu’ils ne doivent pas être d’accord sur le mot beauté[1].

La beauté que vous découvrez étant donc une nouvelle aptitude à vous donner du plaisir, et les plaisirs variant comme les individus,

La cristallisation formée dans la tête de chaque homme doit porter la couleur des plaisirs de cet homme.

La cristallisation de la maîtresse d’un homme, ou sa beauté, n’est autre chose que la collection de toutes les satisfactions de tous les désirs qu’il a pu former successivement à son égard.

  1. Ma beauté, promesse d’un caractère utile à mon âme, est au-dessus de l’attraction des sens ; cette attraction n’est qu’une espèce particulière. 1815.