Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau/Chapitre 4

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Texte établi par Henri MartineauLe Divan (Ip. 42-43).

CHAPITRE IV


Dans une âme parfaitement indifférente, une jeune fille habitant un château isolé au fond d’une campagne, le plus petit étonnement peut amener une petite admiration, et, s’il survient la plus légère espérance, elle fait naître l’amour et la cristallisation.

Dans ce cas, l’amour plaît d’abord comme amusant.

L’étonnement et l’espérance sont puissamment secondés par le besoin d’amour et la mélancolie que l’on a à seize ans. On sait assez que l’inquiétude de cet âge est une soif d’aimer, et le propre de la soif est de n’être pas excessivement difficile sur la nature du breuvage que le hasard lui présente.

Récapitulons les sept époques de l’amour ; ce sont :

1o L’admiration.

2o Quel plaisir, etc.

3o L’espérance.

4o L’amour est né.

5o Première cristallisation.

6o Le doute paraît.

7o Seconde cristallisation.

Il peut s’écouler un an entre le n° 1 et le n° 2.

Un mois entre le n° 2 et le n° 3 ; si l’espérance ne se hâte pas de venir, l’on renonce insensiblement au n° 2, comme donnant du malheur.

Un clin d’œil entre le n° 3 et le n° 4.

Il n’y a pas d’intervalle entre le n° 4 et le n° 5. Ils ne sauraient être séparés que par l’intimité.

Il peut s’écouler quelques jours suivant le degré d’impétuosité et les habitudes de hardiesse du caractère entre les nos 5 et 6 ; et il n’y a pas d’intervalle entre le 6 et le 7.