Suite de Joseph Delorme/« Oh ! que son jeune cœur soit paisible et repose »
Pour les autres éditions de ce texte, voir « Oh ! que son jeune cœur soit paisible et repose ».
II
Oh ! que son jeune cœur soit paisible et repose,
Que rien n’attriste plus ses yeux bleus obscurcis !
Pour Elle le sourire ou les larmes sans cause !
Pour moi les vrais soucis !
Pour moi le sacrifice et sa brûlante veille,
Le silence et l’ennui de ne rien exprimer,
Comme au novice amant qui croit que c’est merveille
Qu’on puisse un jour l’aimer !
Pour moi, lorsqu’en passant son frais regard m’attire
Et dit avec bonheur : Ami, ne viens-tu pas ?
Pour moi, comme un fardeau, d’hésiter à lui dire
Mon cœur et ses combats ;
De moins souvent mêler mon haleine à la sienne,
Et le soir, à l’abri du monde et des rivaux,
De n’oser éclairer sa tendresse ancienne
À des rayons nouveaux !
Pour moi de ne plus lire à sa face pâlie
Les signes orageux d’un céleste avenir !
Pour Elle les trésors de la mélancolie,
La paix du souvenir ;
Le bonheur souverain de gouverner une âme,
De la sentir, à soi, muette, à son côté :
Des gazons sous ses pas, et son pur front de femme
Dans la sérénité ;
Un sommeil sans remords avec l’essaim fidèle
Et les songes légers d’un amour sans effroi !
Amour ! abeille d’or ! ô tout le miel pour Elle,
Et l’aiguillon pour moi !