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Sur la religion/Sur le christianisme

La bibliothèque libre.
Traduction par Auguste Dietrich.
Félix Alcan (Parerga et Paralipomena, vol. 2p. 74-96).

SUR LE CHRISTIANISME


Pour le juger équitablement, il faut considérer ce qui était avant lui et ce qu’il a remplacé ; avant tout, le paganisme gréco-romain. Envisagé comme métaphysique populaire, celui-ci était une manifestation des plus insignifiantes, sans dogme proprement dit ni déterminé, sans éthique nettement définie, sans véritable tendance morale ni garants sacrés. Il mérite donc à peine le nom de religion. C’est bien plutôt un jeu de la fantaisie et un mauvais remaniement de contes populaires, et, dans ce qu’il a de mieux, une personnification évidente des forces de la nature. On peut à peine s’imaginer que des hommes aient jamais pris au sérieux cette religion enfantine. Cependant il en est ainsi, comme le témoignent maintes pages des anciens, principalement le livre Ier de Valère Maxime, et aussi de nombreux passages d’Hérodote, parmi lesquels je me bornerai à signaler le chapitre lxv du dernier livre, où il exprime son opinion personnelle et parle comme une vieille femme. Plus tard et avec le progrès de la philosophie, cette prise au sérieux ne persista pas ; ce qui permit au christianisme de renverser cette religion d’État, en dépit de ses soutiens extérieurs. Cependant, même à la plus belle époque de la Grèce, cette religion n’a jamais été acceptée avec le même sérieux que, dans les temps modernes, le christianisme, ou, en Asie, le bouddhisme, le brahmanisme et le mahométisme ; par conséquent, le polythéisme des anciens a été quelque chose de tout autre que le simple pluriel du monothéisme ; c’est ce dont témoignent suffisamment Les Grenouilles d’Aristophane, où Dionysos est présenté comme un niais et un poltron des plus pitoyables, et est livré aux railleries. Or, on les jouait publiquement à sa fête, les Dionysiaques. En second lieu, le christianisme dut refouler le judaïsme, dont le dogme grossier fut sublimé et silencieusement allégorisé par le dogme chrétien. Le christianisme est d’ailleurs purement de nature allégorique : ce qu’en matière profane on nomme allégorie, se nomme mystère dans la religion. On doit accorder que le christianisme est de beaucoup supérieur aux deux religions précédentes non seulement en morale, où les préceptes de charité, de mansuétude, de pardon, de résignation et de renoncement à soi-même lui sont exclusivement propres, en Occident, inutile de l’ajouter, mais même en matière de dogme. Or, qu’y a-t-il de mieux pour la masse, incapable de saisir la vérité directement, qu’une belle allégorie suffisant amplement comme guide de la vie pratique et comme source de consolation et d’espoir ? Une légère dose d’absurdité est toutefois un ingrédient nécessaire, en ce qu’elle a pour effet de marquer la nature allégorique de la religion. Si l’on conçoit le dogme chrétien sensu proprio, alors Voltaire a raison. Si, au contraire, on l’interprète allégoriquement, c’est un mythe sacré, un véhicule transmettant au peuple des vérités qui, autrement, lui seraient inaccessibles. On pourrait le comparer aux arabesques de Raphaël, et aussi à celles de Runge[1], qui représentent des choses absolument hors nature et des impossibilités, d’où s’exhale pourtant un sens profond. Si l’Église affirme que, en matière de dogmes religieux, la raison est absolument incompétente, aveugle et condamnable, cela signifie au fond que ces dogmes sont de nature allégorique et ne doivent pas, en conséquence, être jugés d’après la mesure que la raison, prenant tout sensu proprio, peut seule appliquer. Les absurdités d’un dogme sont précisément la marque et le signe de ce qu’il renferme d’allégorique et de mythique. Dans le cas actuel, toutefois, ces absurdités résultent de ce qu’on a voulu unir deux doctrines aussi hétérogènes que celles de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cette grande allégorie ne s’est développée que graduellement, par suite de circonstances extérieures et fortuites, et de l’interprétation donnée à celles-ci, sous la forme innocente de vérités profondes imparfaitement comprises. Elle fut définitivement achevée par Augustin, qui pénétra le plus intimement son sens, et put ainsi la concevoir comme un tout systématique et combler ses lacunes. C’est donc la doctrine d’Augustin, fortifiée par Luther, qui est la forme complète du christianisme ; ce n’est pas le christianisme primitif, comme le pensent les protestants d’aujourd’hui, qui, prenant la « révélation » sensu proprio, la bornent à un seul individu. Ce n’est pas le germe qui est délectable, mais le fruit. Le côté fâcheux de toutes les religions, c’est qu’elles ne peuvent être allégoriques que secrètement, et jamais ouvertement ; en conséquence, elles doivent étaler leurs doctrines comme vraies sensu proprio ; et comme elles sont inséparables d’un fond essentiel d’absurdités, cela constitue une fraude perpétuelle et un grand mal. Puis, ce qui est pire, on a un beau jour la preuve qu’elles ne sont pas vraies sensu proprio ; et ce jour-là c’en est fait d’elles. Il serait donc préférable d’avouer sans hésiter leur nature allégorique. Seulement, comment enseigner au peuple que quelque chose est à la fois vrai et non vrai ? Comme toutes les religions sont plus ou moins de cette nature, nous devons reconnaître que l’absurdité est conforme jusqu’à un certain point au caractère humain, qu’elle est un élément vital, et que l’homme a besoin d’être trompé. D’autres faits le témoignent.

La combinaison de l’Ancien et du Nouveau Testament, ai-je dit plus haut, est une source d’absurdités. Nous en avons un exemple dans la doctrine chrétienne de la prédestination et de la grâce, formulée par Augustin et suivie aveuglément par Luther. D’après cette doctrine, un homme possède la grâce, tandis qu’un autre homme ne la possède pas. Celle-ci devient alors un privilège reçu à la naissance et apporté complet au monde, et cela dans l’affaire la plus importante de toutes. L’inconvenance et l’absurdité de cette doctrine proviennent uniquement de la supposition de l’Ancien Testament, que l’homme est l’œuvre d’une volonté étrangère qui l’a appelé du néant à l’existence. Il est très vrai que les véritables qualités morales sont réellement innées ; mais la chose revêt déjà une signification tout autre et plus raisonnable dans la doctrine de la métempsycose, commune aux brahmanes et aux bouddhistes. Suivant cette doctrine, ce qu’un homme apporte à sa naissance et possède de supérieur à son semblable provient d’un autre monde et d’une vie antérieure ; ce n’est pas un don étranger de la grâce, mais le fruit des actes accomplis dans cet autre monde. Le dogme d’Augustin, lui, est complété par celui-ci : dans la masse humaine corrompue et condamnée par conséquent à l’éternelle damnation, un extrême petit nombre d’individus sera trouvé juste et sera sauvé en vertu du don de grâce et de prédestination ; le reste sera atteint par le châtiment mérité, c’est-à-dire condamné aux tortures éternelles de l’enfer[2]. Pris sensu proprio, le dogme est ici révoltant. Non seulement il fait expier par ses tortures sans fin les erreurs ou même l’incrédulité d’une existence qui parfois n’a pas même atteint vingt ans ; mais il va jusqu’à faire de cette damnation presque universelle l’effet naturel du péché originel, c’est-à-dire la conséquence de la première chute. Or, il aurait dû en tout cas la prévoir, celui qui ne créa pas au début les hommes meilleurs qu’ils sont, puis ensuite leur tendit un piège dans lequel il savait qu’ils tomberaient, puisque toute chose est son œuvre et que rien ne lui reste caché. Il en résulte qu’il appela du néant à l’existence une race soumise au péché, pour la livrer ensuite à des tourments éternels. Ajoutons que le Dieu qui prescrit la clémence et le pardon des fautes, même envers les ennemis, loin de les pratiquer lui-même, fait plutôt l’opposé : car un châtiment qui vient à la fin des choses, quand le monde a cessé à jamais d’exister, ne peut avoir en vue ni de corriger ni d’effrayer, et n’est qu’une pure vengeance. Ainsi, la race humaine tout entière paraît expressément condamnée par essence à la damnation et aux tortures éternelles, sauf les rares exceptions qui sont sauvées par le don de la grâce, on ignore pourquoi.

En laissant ces exceptions de côté, il semble que le bon Dieu ait créé le monde au profit du diable ; il aurait mieux fait de s’abstenir. C’est ainsi qu’il en va des dogmes pris sensu proprio ; conçus sensu allegorico, au contraire, ils sont encore susceptibles d’une explication satisfaisante. Mais le caractère absurde, révoltant même de cette doctrine, n’est que la conséquence du théisme juif, avec sa création sortie du néant et sa négation réellement paradoxale et inepte de la doctrine de la métempsycose, doctrine naturelle, en quelque sorte évidente par elle-même, et conséquemment admise de tout temps par l’humanité à peu près entière, excepté par les Juifs. Pour obvier au mal énorme résultant de cet état de choses, et pour adoucir le côté révoltant du dogme, le pape Grégoire Ier, au vie siècle, introduisit très sagement la doctrine du purgatoire, qui se trouve déjà en principe chez Origène (Dictionnaire de Bayle, au mot Origène, note B), et en fit un article de foi. Cette disposition modifia beaucoup les choses et tint lieu jusqu’à un certain point de la métempsycose ; les deux doctrines subirent ainsi une épuration. Dans le même dessein fut établie aussi la doctrine de la restauration de toutes choses (ἀποκατάστασις πάντων), en vertu de laquelle, au dernier acte de la comédie humaine, les pécheurs eux-mêmes, sans exception aucune, seront rétablis in integrum. Les protestants seuls, avec leur foi obstinée dans la Bible, persistent à croire aux châtiments éternels de l’enfer. Grand bien leur fasse, pourrait dire un esprit malicieux. Ce qu’il y a de consolant, c’est qu’eux non plus n’y croient pas, et se désintéressent provisoirement de la chose en pensant dans leur cœur : « Bah ! cela n’ira pas jusqu’à ce point ! »

Le caractère rigide et systématique de l’esprit d’Augustin l’amena, dans son austère dogmatisme et sa recherche d’une solution arrêtée des doctrines simplement indiquées dans la Bible et ne reposant que sur une base vague et chancelante, à donner à ces doctrines des contours si durs et au christianisme une facture si lourde, que tout cela nous répugne aujourd’hui ; et de même que, de son temps, le pélagianisme le combattit, le rationalisme le fait du nôtre. Dans la Cité de Dieu (livre XII, chap. xxi), par exemple, la chose, prise in abstracto, revient à ceci : un Dieu crée un être de rien, lui fait des défenses et lui enjoint des ordres, et, parce que ceux-ci ne sont pas suivis, il lui inflige pour l’éternité entière toutes les tortures imaginables ; dans ce dessein il lie inséparablement le corps et l’âme (Cité de Dieu, livre XIII, chap. ii ; chap. xi et xxiv, à la fin), de façon que le tourment ne puisse jamais anéantir cet être en le dissolvant, et lui accorder enfin le repos. Non, il doit vivre pour la peine éternelle, ce pauvre diable créé de rien, qui a tout au moins droit à son néant originel. Cette dernière « retraite[3] » qui, en aucun cas, ne peut être un grand mal, devrait donc lui rester assurée en droit comme sa part d’héritage. Quant à moi, je ne puis m’empêcher de sympathiser avec lui.

Si l’on ajoute aux autres doctrines d’Augustin que tout cela ne dépend pas proprement des actions et des omissions de l’homme, mais doit arriver en vertu de la prédestination, alors on ne sait plus que penser. Sans doute, nos savants rationalistes disent : « Tout cela n’est pas vrai et n’est qu’un vain épouvantail. Nous parvenons de degré en degré, par un progrès constant, à une perfection toujours plus grande. » Quel dommage que nous n’ayons pas commencé plus tôt ! Nous aurions atteint déjà le but.

De pareilles assertions augmentent encore notre trouble, quand nous entendons ce que dit à ce sujet un audacieux hérétique qui périt même sur le bûcher, Jules-César Vanini. « Si Dieu ne voulait pas d’actions mauvaises et impies dans l’univers, il lui suffirait sans aucun doute d’un seul mouvement de tête pour anéantir et supprimer tout le mal jusqu’aux confins du monde, Qui de nous en effet peut résister à la volonté divine ? Comment donc les crimes s’accomplissent-ils malgré Dieu, si lui-même donne aux criminels la force pour les commettre ? Et de plus, si l’homme pèche contre la volonté de Dieu, Dieu sera donc inférieur à l’homme qui la combat, et l’emporte ? De là on conclut que le monde est tel que Dieu le désire, et qu’il serait meilleur s’il le voulait meilleur. » Vanini avait déjà dit un peu plus haut « Si Dieu veut des fautes, c’est lui qui les crée ; s’il n’en veut pas, on n’en commet pas moins. Il faut donc dire de lui ou qu’il est imprévoyant, ou impuissant, ou cruel, puisqu’il ne sait ou qu’il ne peut pas réaliser sa volonté, ou qu’il néglige de le faire[4]. » Ceci explique pourquoi l’on est resté attaché mordicus, jusqu’à nos jours, au dogme du libre arbitre. Cependant tous les penseurs sérieux et sincères, depuis Hobbes jusqu’à moi, l’ont rejeté comme absurde. On n’a qu’à lire à ce sujet mon mémoire couronné Sur le libre arbitre.

Il était d’ailleurs plus facile de brûler Vanini que de le réfuter. C’est ce qu’on fit, après lui avoir au préalable coupé la langue. Mais chacun peut encore le réfuter, et il ne s’agit que d’essayer. Seulement il faut le faire sérieusement, en penseur, et non avec un verbiage vide.

La théorie d’Augustin sur le très grand nombre des pécheurs et sur la quantité infinitésimale des élus, juste en elle-même, se retrouve dans le brahmanisme et le bouddhisme ; mais ici elle ne choque pas, par suite de la métempsycose. En effet, le brahmanisme n’admet l’émancipation finale et le bouddhisme le nirvana (qui sont l’équivalent de notre félicité éternelle), que pour un très petit nombre d’êtres aussi ; ceux-ci toutefois ne sont pas spécialement privilégiés, mais sont venus au monde avec des mérites déjà amassés dans une vie antérieure, et ils continuent dans cette voie. En outre, tous les autres ne sont pas précipités dans l’enfer où l’on brûle éternellement, mais transférés dans les mondes adéquats à leurs actions. Si donc l’on demandait aux prêtres de ces religions où sont et ce que sont devenus tous ceux qui ne jouissent pas de la félicité éternelle, ils répondraient : « Regardez autour de vous, les voici. Ici est leur lieu de rassemblement, ici est le sansara, c’est-à-dire le monde du désir, de la naissance, de la douleur, de la vieillesse, de la maladie et de la mort. » Si nous comprenons le dogme d’Augustin sur le si petit nombre des élus et le si grand nombre des réprouvés seulement in sensu allegorico, pour l’expliquer dans le sens de notre philosophie, il s’accorde avec cette vérité qu’en effet bien peu d’êtres parviennent à la négation de la volonté, et par là au salut hors de ce monde (comme les bouddhistes au nirvana). Ce qu’au contraire le dogme personnifie comme damnation éternelle, c’est seulement notre monde à nous : le reste des êtres lui échoit en partage. Ce monde est suffisamment mauvais : c’est le purgatoire, c’est l’enfer, et les démons ne lui manquent pas non plus. On n’a qu’à voir comment, à l’occasion, les hommes traitent les hommes, à l’aide de quels tourments raffinés l’un tue lentement l’autre, et l’on peut ensuite se demander si des démons pourraient faire plus. De même, le séjour en ce monde est éternel aussi pour tous ceux qui, ne revenant pas à de meilleures idées, persistent dans l’affirmation de la volonté de vivre.

Mais vraiment, si un honorable Asiatique me demandait ce qu’est l’Europe, je devrais lui répondre : « C’est la partie de la terre complètement et follement imbue de cette sotte idée, que la naissance de l’homme est le commencement absolu de celui-ci, et qu’il est sorti de rien ».

Tout au fond et indépendamment des deux mythologies, le sansara et le nirvana de Bouddha sont identiques aux deux civitates d’Augustin, qui constituent le monde, la civitas terrena et la civitas cœlestis, comme il les représente dans son livre de la Cité de Dieu (particulièrement livre XIV, chap. iv ; livre XV, chap. i et xxx ; livre XVIII, à la fin ; livre XXI, chap. i).

Le diable est, dans le christianisme, une personne des plus nécessaires, en ce qu’il fait contrepoids à la toute-bonté, toute-sagesse et toute-puissance de Dieu. On ne pourrait s’expliquer, avec celles-ci, d’où viennent les maux prédominants et infinis de l’univers, si le diable n’était pas là pour les endosser à son compte. Aussi, depuis que les rationalistes ont supprimé le diable, le désavantage résultant de l’autre partie est-il devenu de plus en plus sensible ; cela était à prévoir, et avait été prévu par les orthodoxes. On ne peut retirer un pilier d’une construction, sans mettre l’ensemble en danger. Ceci confirme ce qui a été établi ailleurs, que Jéhovah est une transformation d’Ormazd[5] et Satan une transformation d’Ahriman, l’inséparable compagnon d’Ormazd ; et ce dernier même est une transformation d’Indra.

Le christianisme a ce désavantage particulier de n’être pas, comme les autres religions, une pure doctrine ; son caractère essentiel et principal est d’être une histoire, une série d’événements, une collection de faits, d’actions et de souffrances d’êtres individuels ; et c’est cette histoire qui constitue le dogme, auquel il faut croire pour être sauvé. D’autres religions, le bouddhisme notamment, ont bien aussi un accessoire historique : la vie de leur fondateur. Mais celle-ci n’est pas partie intégrante du dogme même, elle le côtoie simplement. La Lalitavistara, par exemple, peut être comparée à l’Évangile, en ce qu’elle contient la vie de Çakya Mouni, le Bouddha de la présente période de l’histoire du monde : mais ceci reste une chose tout à fait séparée et différente du dogme, par conséquent du bouddhisme. Une des raisons en est que l’existence des anciens Bouddhas était tout autre, et que l’existence des futurs Bouddhas sera également tout autre que celle du Bouddha actuel. Le dogme, ici, n’est nullement lié à la vie du fondateur, et ne repose pas sur des personnes et des faits individuels ; il est quelque chose d’universel, également valable en tout temps. La Lalitavistara n’est donc pas un Évangile dans le sens chrétien du mot, le joyeux message d’un acte de rédemption ; elle raconte la carrière de celui qui a montré comment chacun peut se rédimer soi-même. C’est par suite du caractère historique du christianisme, que les Chinois se moquent des missionnaires comme de conteurs de fables.

Un autre défaut fondamental du christianisme, que je signalerai à cette occasion, défaut qu’on ne peut s’expliquer et dont les conséquences déplorables se manifestent chaque jour, c’est qu’il a violemment séparé, contrairement à la nature, l’homme du monde animal dont il fait pourtant partie essentielle ; il isole complètement l’homme, et voit dans l’animal une simple chose. Le brahmanisme et le bouddhisme, au contraire, d’accord avec la vérité, reconnaissent d’une manière positive la parenté incontestable de l’homme avec toute la nature en général et tout spécialement avec la nature animale ; et ils le représentent toujours, par la métempsycose et les autres systèmes, en étroite relation avec celle-ci. Le rôle important joué par les animaux dans le brahmanisme et le bouddhisme, comparé à sa nullité totale dans le judéo-christianisme, condamne irrévocablement ce dernier au point de vue de la perfection, si accoutumé que l’on puisse être en Europe à une pareille absurdité. En vue de pallier ce défaut fondamental, tout en le renforçant en réalité, nous trouvons ce procédé, aussi misérable qu’éhonté (je l’ai déjà fustigé dans mon Éthique[6]), qui consiste à nommer par de tout autres noms que chez l’homme les fonctions naturelles que les animaux partagent avec nous et qui prouvent absolument l’identité de notre nature avec la leur, telles que le manger, le boire, la grossesse, la naissance, la mort, le cadavre, etc. C’est réellement là un bien vilain artifice. Quant au défaut indiqué, il est une conséquence de la création du néant, à la suite de laquelle le créateur (Genèse, chap. i et ii) livre à l’homme tous les animaux, afin qu’il règne sur eux, c’est-à-dire fasse d’eux ce que bon lui semble ; il les lui livre absolument comme des choses, sans lui recommander en rien de les bien traiter, ce que fait d’ordinaire même un marchand de chiens, quand il se sépare d’un de ses élèves. Puis, dans le chapitre ii, il fait de l’homme le premier professeur de zoologie, en le chargeant de donner aux animaux les noms qu’ils porteront désormais : voilà un nouveau symbole de leur complet assujettissement à lui, c’est-à-dire de leur absence de droits. Gange sacré ! père de notre race ! de pareilles histoires exhalent pour moi une mauvaise odeur juive. Malheureusement, les conséquences s’en font sentir jusque de nos jours. Puisqu’elles se sont transmises au christianisme, on devrait cesser une bonne fois de vanter la morale de ce dernier comme la plus parfaite de toutes. C’est une grande et essentielle imperfection pour elle, de borner ses prescriptions à l’homme et de n’accorder aucun droit aux animaux. Aussi, pour les protéger contre les masses brutales et dépourvues de sentiment, souvent même plus que bestiales, la police doit remplir le rôle de la religion ; et comme cela ne suffit pas, il se forme aujourd’hui partout, en Europe et en Amérique, des sociétés protectrices des animaux, qui seraient dans toute l’Asie non circoncise la chose la plus superflue du monde. Ici, en effet, la religion protège suffisamment les animaux et en fait même un objet de charité positive. Nous en avons un exemple dans le grand hôpital pour animaux de Surate, où chrétiens, mahométans et juifs peuvent envoyer leurs bêtes malades, lesquelles, à très juste titre, ne leur sont pas rendues après la guérison. De la même façon, quand un brahmane ou un bouddhiste est favorisé par une chance quelconque, réussit dans une affaire, au lieu de piailler un Te Deum, il s’en va au marché acheter des oiseaux dont il ouvre la cage devant la porte de la ville ; on peut observer cela fréquemment déjà à Astrakan, où se rencontrent les adeptes de toutes les religions ; et dans cent autres cas analogues. Voyez, par contre, la façon scélérate dont notre populace chrétienne se comporte envers les animaux. Elle les tue sans la moindre raison et en riant, ou les mutile, les martyrise ; et même ses aides immédiats, ses chevaux, elle les éreinte à l’extrême dans leur vieillesse, pour tirer la dernière moelle de leurs pauvres os, jusqu’à ce qu’ils succombent sous ses coups de fouet. On pourrait dire à juste titre les hommes sont les démons terrestres, et les animaux les âmes torturées par ceux-ci.

Ce sont les conséquences de la scène d’installation dans le jardin du paradis. On ne peut venir à bout de la populace que par la force ou par la religion ; mais, ici, le christianisme nous laisse honteusement en plan. J’ai appris de source certaine qu’un prédicateur protestant, prié par une société protectrice des animaux de s’élever en chaire contre les tortures infligées à ceux-ci, répondit que, malgré toute sa bonne volonté, cela lui était impossible, la religion ne lui offrant aucun point d’appui à cet égard. C’était un honnête homme qui proclamait la vérité. Un avis de la si estimable société protectrice des animaux de Munich, en date du 27 novembre 1852, s’efforce, dans les meilleures intentions, de tirer de la Bible les « prescriptions relatives à la protection des animaux », et se réfère à ces passages : Proverbes de Salomon, xii, 10 ; Sirach, vii, 24 ; Psaumes, cxlvii, 9 ; civ, 14 ; Job, xxxix, xli ; Matthieu, x, 29. Mais ces indications ne sont qu’une pia fraus, calculée dans l’espoir qu’on ne les vérifiera pas. Le premier passage seul, bien connu, dit quelque chose à ce sujet, quoique faiblement ; quant aux autres, ils parlent bien d’animaux, mais sans recommander de les protéger. Et que dit le premier passage ? « Le juste a miséricorde de sa bête. » « Miséricorde » ! quelle expression ! On a miséricorde d’un pécheur, d’un criminel, mais non d’une fidèle bête innocente qui souvent est le soutien de son maître, dont elle ne reçoit en revanche qu’une maigre pitance. « Miséricorde » ! Ce n’est pas miséricorde, mais justice qui est due à l’animal, et cette justice, on la lui refuse le plus souvent en Europe, cette partie du monde si infectée par l’esprit de la Bible, que l’émission de cette simple vérité : « L’animal est dans son essence le même que l’homme », semble un paradoxe choquant. La protection des animaux échoit donc aux sociétés qui se la proposent comme but, et à la police ; mais celles-là et celle-ci sont bien impuissantes contre cette cruauté universelle de la populace à l’égard d’êtres qui ne peuvent se plaindre ; de plus, sur cent actes de barbarie on en punit à peine un seul, et les punitions sont aussi trop douces. En Angleterre, on a récemment proposé de châtier à coups de bâton les délinquants, ce qui me paraît tout à fait logique. Mais que peut-on attendre de la populace, quand on trouve des savants et même des zoologistes qui, au lieu d’avouer franchement l’identité essentielle si intime de l’homme et de l’animal, sont assez bigots et bornés pour s’élever fanatiquement contre d’honnêtes et raisonnables confrères qui rangent l’homme dans la classe animale, ou démontrent sa grande ressemblance avec le chimpanzé et l’orang-outang ? C’est chose vraiment révoltante, par exemple, de trouver chez un écrivain aussi chrétien et aussi pieux que Jung Stilling une comparaison comme celle-ci, dans ses Scènes du royaume des esprits[7] : « Soudainement le squelette se contracta en une petite figure de nain indescriptiblement hideuse, absolument comme lorsqu’on porte une grosse araignée au foyer d’un verre brûlant, et que son sang purulent siffle et bout dans la chaleur ». Ainsi, cet homme de Dieu s’est rendu coupable d’une telle infamie, ou a tranquillement assisté à cette infamie commise par un autre ! ce qui, dans les deux cas, revient au même. Et elle lui semble si naturelle, qu’il la raconte en passant, tout bonnement. Ce sont les effets du premier chapitre de la Genèse et de toute la conception de la nature par les Juifs en général. La règle des actions, chez les Indous et les bouddhistes, est au contraire la mahavakya : Tat tvam asi (la grande parole : c’est toi-même), qui peut toujours être dite de chaque animal, pour nous rappeler l’identité de son essence intime avec la nôtre. Ainsi donc, laissez-moi tranquille avec votre morale chrétienne, soi-disant la plus parfaite de toutes !

Quand j’étudiais à Gœttingue, Blumenbach[8] nous parlait très gravement, dans son cours de physiologie, de la cruauté des vivisections, et nous représentait combien elle était une horrible chose. Il disait qu’on devait en conséquence y recourir le plus rarement possible et seulement dans le cas de recherches importantes destinées à produire des résultats immédiats ; qu’alors l’expérience devait se faire avec la plus grande publicité, dans le grand amphithéâtre, après une invitation adressée à tous les médecins, afin que le cruel sacrifice opéré sur l’autel de la science rapportât le plus grand profit. De nos jours, au contraire, chaque médicastre se croit autorisé pratiquer dans sa chambre de torture les plus affreux tourments contre les animaux, en vue de résoudre des problèmes dont la solution se trouve depuis bien longtemps dans des livres où sa paresse et son ignorance l’empêchent de fourrer le nez. Nos médecins n’ont plus la culture classique d’autrefois, qui leur conférait un certain humanisme et une certaine noblesse d’allure. Maintenant ils entrent le plus tôt possible à l’Université, uniquement pour apprendre à préparer leur cataplasme, et pour faire avec cela leur chemin sur la terre.

Il convient de signaler particulièrement l’acte horrible commis à Nuremberg par le baron Ernest de Bibra[9], qui l’a conté au public avec une incroyable naïveté, tanquam re bene gesta (comme une belle chose), dans ses Recherches comparées sur le cerveau de l’homme et des animaux vertébrés (Mannheim, 1854, pp. 131 et suiv.) il a laissé mourir de faim à dessein deux lapins, pour rechercher d’une façon bien inutile si la mort par la faim modifie les proportions des parties chimiques du cerveau ! Dans l’intérêt de la science, n’est-ce pas ? Ces messieurs du scalpel et du creuset ne songent-ils donc pas qu’ils sont d’abord des hommes, et seulement ensuite des chimistes ? Comment peut-on dormir tranquille, quand on détient sous les verrous d’innocents animaux nourris par leur mère, auxquels on apprête la mort lente et horrible par la faim ? Ne s’éveille-t-on pas en sursaut, sous une sensation d’effroi ? Et cela se passe en Bavière, où, sous les auspices du prince Adalbert, le respectable et si méritant conseiller aulique Perner donne l’exemple à toute l’Allemagne, en protégeant les animaux contre la brutalité et la cruauté ! N’y a-t-il pas à Nuremberg de succursale de la Société si bienfaisante de Munich ? L’acte cruel de Bibra, si on n’a pu l’empêcher, est-il du moins resté impuni ? C’est surtout un homme qui a encore tant à apprendre des livres, comme ce M. de Bibra, qui devrait, le dernier, songer à arracher les réponses finales par la voie de la cruauté, à mettre la nature à la torture, pour enrichir son savoir ; il dispose encore de sources assez nombreuses et innocentes, sans avoir besoin de martyriser jusqu’à la mort de pauvres animaux dépourvus de défense. M. de Bibra se livre, par exemple, à des recherches étendues sur le poids du cerveau par rapport à celui du reste du corps. Or, depuis les démonstrations lumineuses de Sömmerring[10], tout le monde sait et admet qu’il faut évaluer le poids du cerveau non comparativement à celui du corps entier, mais comparativement à celui de tout l’ensemble du système nerveux (Voir Blumenbachii Institutiones physiologie, 4e édit., 1821, p. 173). Et cette connaissance fait manifestement partie des connaissances préliminaires que l’on doit posséder, avant d’entreprendre des recherches expérimentales sur le cerveau des homines et des animaux. Mais tuer dans une longue torture de pauvres animaux, est évidemment plus facile que d’apprendre quelque chose. Quel crime a donc commis le pauvre lapin, pour que l’on commence à le condamner à la mort lente par la faim ? Celui-là seul est autorisé à une vivisection, qui sait déjà tout ce que disent les livres sur le cas à examiner. Les biologistes français semblent ici avoir pris les devants, et les Allemands s’efforcent de les imiter, en soumettant aux plus affreuses tortures de pauvres bêtes, souvent en grand nombre, pour résoudre des questions purement théoriques, fréquemment très futiles. Voici encore un fait qui m’a particulièrement révolté : le professeur Ludwig Fick, de Marbourg, rapporte dans son livre Des causes des formes osseuses, 1857 (Ueber die Ursachen der Knochenformen), qu’il a extirpé le globe de l’œil à de jeunes animaux, pour obtenir une confirmation de son hypothèse que les os poussent dans l’espace vide ! (Centralblatt du 24 octobre 1857).

Espérons que nous sommes au temps où la conception juive de la nature, du moins en ce qui concerne les animaux, touche à sa fin en Europe, et que l’on reconnaîtra et honorera l’essence éternelle qui vit dans tous les animaux comme en nous-mêmes. Il faut être obtus des cinq sens ou complètement chloroformé par l’esprit judaïque, pour ne pas voir que l’animal est dans son essence absolument ce que nous sommes, et que la différence gît seulement dans l’accidence l’intellect, et non dans la substance : la volonté. Le monde n’est pas un bousillage, ni les animaux une fabrication à notre usage. Cette façon de voir devrait rester bornée aux synagogues et aux auditoires philosophiques, qui au fond ne diffèrent pas tant. La constatation que nous venons de faire, par contre, nous donne la véritable règle à suivre dans le traitement des animaux. Je conseille aux fanatiques et aux prêtres de ne pas trop nous contredire à ce sujet ; car, cette fois, nous n’avons pas seulement pour nous la vérité, mais aussi la morale[11].

Le plus grand bienfait des chemins de fer est d’empêcher des millions de chevaux de trait de mener une déplorable existence.

Il est malheureusement vrai que l’homme poussé violemment vers le Nord, et ainsi devenu blanc, a besoin de la chair des animaux, — quoiqu’il y ait en Angleterre des végétariens ; mais alors on doit tuer ceux-ci sans qu’ils le sentent, à l’aide du chloroforme, en atteignant directement le siège de la vie ; et cela non par « miséricorde », comme le dit l’Ancien Testament, mais par obligation absolue envers l’essence éternelle qui vit dans les animaux comme en nous. On devrait, dis-je, chloroformer au préalable tous les animaux à tuer : ce serait une noble façon de faire qui honorerait les hommes. La haute science de l’Occident et la haute morale de l’Orient se donneraient ainsi la main, puisque le brahmanisme et le bouddhisme, loin de limiter leurs prescriptions au « prochain », prennent sous leur protection « tous les êtres vivants ».

C’est seulement quand cette vérité simple et hors de toute espèce de doute : « l’animal est dans son essence absolument ce que nous sommes », aura pénétré dans la masse, que les animaux ne seront plus des êtres privés de droits et livrés en conséquence à la mauvaise humeur et à la cruauté du premier mauvais drôle venu ; et chaque médicastre ne pourra plus satisfaire les caprices aventureux de son ignorance, en leur infligeant les plus odieuses tortures, comme c’est le cas aujourd’hui. Notons d’ailleurs que, de nos jours, on chloroforme en général les animaux, ce qui leur épargne la souffrance pendant l’opération et peut les tuer rapidement après celle-ci. Malheureusement, dans les recherches actuellement si fréquentes sur l’activité du système nerveux et sur sa sensibilité, ce moyen ne peut être employé, puisqu’il supprimerait ce qu’il s’agit précisément d’observer. Et le pire, c’est que l’on prend le plus souvent pour la vivisection l’animal qui l’emporte en noblesse morale sur tous les autres : le chien[12], que son système nerveux très développé rend en outre plus accessible à la douleur.

Les Sociétés protectrices d’animaux continuent à recourir, dans leurs exhortations, à ce mauvais argument : la cruauté envers les animaux mène à la cruauté envers les hommes. Comme si l’homme seul était un objet immédiat de devoir moral, et l’animal seulement un objet médiat, une simple chose en soi ! Fi !


  1. Philippe Otto Runge, né à Hambourg en 1777, mort en 1810. Rompant avec le classicisme banal du xviiie siècle, il s’inspira de la nature, mais en enveloppant ses conceptions dans un symbolisme souvent obscur qui lui valut de son temps le nom railleur de « peintre d’hiéroglyphes ». Il fut le premier maître d’Overbeck. Richard Muther, dans son Histoire de la peinture (t. II, pp. 1 et suiv.), lui assigne un rang très haut comme précurseur de l’art moderne. (Le trad.)
  2. Voir Wigger, Augustinismus und Pelagianismus, p. 335.
  3. En français dans le texte.
  4. « Si nollet Deus pessimas ac nefarias in orbe vigere actiones, procul dubio uno nutu extra mundi limites omnia flagitia exterminaret profligaretque : quis enim nostrum divinæ potest resistere voluntati ? quomodo invito Deo patrantur scelera, si in actu quoque peccandi scelestis vires subministrat ? Ad hæc, si contra Dei voluntatem homo labitur, Deus erit inferior homine, qui et adversatur, et prævalet. Hinc deducunt, Deus ita deside. rat hunc mundum qualis est ; si meliorem vellet, meliorem haberet »… « Si Deus vult peccata, igitur facit : si non vult, tamen committuntur ; erit ergo dicendus improvidus, vel impotens, vel crudelis, cum voti sui compos fieri aut nesciat, aut nequeat, aut negligat. » Amphitheatrum mundi, Exercit. XVI.
  5. On dit ordinairement « Ormuzd », et, en écrivant « Ormazd », nous nous conformons à la prononciation adoptée par le savant et regretté orientaliste James Darmesteter dans son livre sur Ormazd et Ahriman (1876). (Le trad.)
  6. Die Grundlage der Moral (Le fondement de la morale), § 19, 7 (T. VII, p. 263, édition Rudolf Steiner), trad. franç. chez F. Alcan.
  7. Scenen aus dem Geisterreich, t. II, scène 1, p. 15. — Jean-Henri Jung, dit Stilling, né en 1740, successivement tailleur, maître d’école, médecin-oculiste, puis professeur d’économie politique ; il mourut à Carlsruhe, en 1817. C’était un mystique qui voyait dans tout événement, dans le moindre accident, le doigt de Dieu, avec qui il croyait avoir des relations particulières. Parmi une foule d’ouvrages bizarres et incohérents, il a laissé une autobiographie extrêmement curieuse, qui renferme d’intéressants détails sur le jeune Gœthe, qu’il avait connu à Strasbourg. (Le trad.)
  8. Célèbre naturaliste allemand, le créateur de l’anthropologie, mort en 1840 à Gœttingue, à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Flourens a écrit son Éloge. (Le trad.)
  9. En dépit de cet anathème lancé par Schopenhauer contre le baron Ernest de Bibra, celui-ci était un homme de valeur. Il voyagea beaucoup et écrivit de nombreux ouvrages de science, de médecine, d’archéologie, ainsi que des récits de voyages et des romans pleins d’intérêt. Né en 1806, il mourut en 1878 à Nuremberg.(Le trad.)
  10. Un des plus grands anatomistes de l’Allemagne (1755-1830). Il étudia sous Boerhave, et exerça la médecine à Mayence, puis à Francfort. Dans la première de ces deux villes il connut Georges Forster, l’enthousiaste admirateur de notre Révolution, et devint son ami intime. Il est un des créateurs de l’anatomie chirurgicale et s’est beaucoup occupé de l’étude du cerveau. Il a en outre éclairé par ses recherches, comme Blumenbach, la question des races humaines. Il a publié un opuscule sur les Effets nuisibles des corsets, qui contribua bien plus que tous ses grands travaux à répandre son nom. (Le trad.)
  11. Ils envoient des missionnaires aux brahmanes et aux bouddhistes, pour leur apporter la « vraie foi ». Mais quand ceux-ci apprennent de quelle façon on traite en Europe les animaux, ils éprouvent le plus profond dégoût pour les Européens et leurs doctrines religieuses.
  12. Ce véritable et unique compagnon de l’homme, son plus fidèle ami, la plus noble conquête que celui-là ait jamais faite, comme dit Cuvier, avec cela un être si hautement intelligent et sensible, l’attacher du matin au soir à la chaîne comme un malfaiteur ! Il y éprouve le besoin constant et jamais satisfait de la liberté et du mouvement, sa vie est un long martyre, et cette cruauté finit par lui faire perdre ses qualités de chien ; il se transforme en un animal sauvage et infidèle, dépourvu d’affection, sans cesse tremblant et rampant devant l’homme-démon ! J’aimerais mieux être volé qu’avoir sous les yeux ce tableau de désolation dont je serais la cause. Il devrait être interdit de tenir les chiens à la chaîne, et la police devrait sur ce point aussi veiller aux lois de l’humanité. Les cages à oiseaux constituent également une cruauté honteuse et sotte.