Aller au contenu

Tableau de Paris/239

La bibliothèque libre.

CHAPITRE CCXXXIX.

Courtisannes.


On appelle de ce nom celles qui, toujours couvertes de diamans, mettent leurs faveurs à la plus haute enchere, sans avoir quelquefois plus de beauté que l’indigente qui se vend à bas prix. Mais le caprice, le sort, le manege, un peu, d’art ou d’esprit mettent une énorme distance entre des femmes qui n’ont que le même but.

Depuis l’altiere Laïs qui vole à Long-Champ dans un brillant équipage (que sans sa présence licencieuse on attribueroit à une jeune duchesse), jusqu’à la raccrocheuse qui se morfond le soir au coin d’une borne, quelle hiérarchie dans le même métier ! Que de distinctions, de nuances, de noms divers, & ce pour exprimer néanmoins une seule & même chose ! Cent mille livres par an, ou une piece d’argent ou de monnoie pour un quart d’heure, causent ces dénominations qui ne marquent que les échelles du vice ou de la profonde indigence.

On peut placer les courtisannes entre les femmes décemment entretenues & les filles publiques. Un auteur les a très-bien définies. « On les prendroit, dit-il, pour les femelles des courtisans ; elles ont effectivement tous les mêmes vices, emploient les mêmes ruses & les mêmes moyens, font un métier aussi désagréable, ont autant de fatigues, sont aussi insatiables ; en un mot, leur ressemblent beaucoup plus que les femelles de certaines especes ne ressemblent à leurs mâles. »