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Tableau de Paris/243

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CHAPITRE CCXLIII.

Sans Titre.


Il est des vices sur lesquels la censure doit se taire, parce qu’elle risqueroit de les dévoiler sans les corriger. Que fera la morale contre ces vices déplorables & ces turpitudes destinées à mourir dans les ténebres ? Comment les complices de ces abominations secretes reviendroient-ils aux vertus dont ils sont incapables ? C’est une génération qui ne laisse plus d’espérance ; frappée de gangrene, elle doit tomber, pourrir & disparoître ; & l’indignation même peut se changer en pitié, quand on songe à l’avilissement où se plongent ces êtres si bassement corrompus.

La rigueur contre ces erreurs monstrueuses est un remede dangereux, & le plus souvent inutile. Il est désavantageux d’attaquer ce qu’on ne peut détruire ; & lorsqu’il s’agit de la correction des mœurs, il faut réussir, & ne point faire de vaines tentatives.

Le magistrat qui tient un registre secret des prévaricateurs des loix de la nature, peut s’effrayer de leur nombre : il doit réprimer les mœurs coupables qui vont jusqu’au scandale ; mais hors de là, quelle circonspection. La recherche deviendroit aussi odieuse que le crime : quelle étonnante effronterie dans des vices nouveaux ! Ils n’avoient pas de noms parmi nous il y a cent ans ; aujourd’hui les détails de ces débordemens entrent dans nos entretiens. Les vieillards sortent de la gravité de leur caractere, pour parler de ces licences criminelles ; la sainteté des mœurs est offensée par des propos d’autant plus dangereux qu’on plaisante presque publiquement sur ces incroyables turpitudes.

D’où vient ce nouveau scandale qui a éclaté parmi nous ? Qui a fait à l’honnêteté publique ce cruel outrage ? Qui a livré à la dérision la sainte douleur de la vertu qui gémit sur ces infamies qui avilissent les femmes, en font un ordre à part dont on décrit les desirs & les étranges fureurs ? Étoit-ce là où devoit conduire le progrès de la civilisation & des arts ? Quelle dégradation ! Ce genre de corruption a été un phénomene même pour quelques esprits libertins ; & dans ses excès, il n’a pas choqué notre siecle autant qu’il l’auroit dû.

Il faut gémir, laisser ces vices honteux, qui punissent ceux qui s’y livrent, se fondre & disparoître devant les passions douces, honnêtes & vertueuses, qui par leur charme éternel doivent reprendre leur aimable empire. C’est l’idée de Montesquieu, & il l’avoit sûrement méditée, lorsqu’il la publia dans un livre aussi grave que l’Esprit des loix.