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Tableau de Paris/288

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CHAPITRE CCLXXXVIII.

Anti-Anglois.


On rencontre dans les sociétés quelques détracteurs de la France ; mais les détracteurs des nations étrangeres & sur-tout des Anglois abondent, & n’ont pas plus de raison sans doute. Il est très-utile qu’il y ait une espece de rivalité entr’elles, qu’elles se reprochent leurs fautes, leurs erreurs & leurs sottises ; qu’elles s’opposent mutuellement le progrès de leurs arts ; qu’elles se surveillent enfin. C’est par ce moyen qu’elles se mettront à portée de profiter de leurs découvertes & de mêler leurs lumieres respectives.

La France, par sa position, par l’industrie & le caractere de ses habitans, paroît avoir de grands avantages sur l’étranger ; & les injures qu’on lui dit, sont de vrais reproches d’amans, qui voudroient la voir aussi belle, aussi florissante qu’elle pourroit l’être. Vingt millions d’habitans, cent cinquante millions d’arpens de terre en quarré ou environ : quelle puissante monarchie ! à qui, d’ailleurs, le physique fournit abondamment toutes les denrées de premier besoin & de luxe. Ne devroit-elle pas avoir l’avantage sur tous les gouvernemens de l’Europe ? La nature lui a donné la supériorité, & sa position a décidé sa puissance. Pourquoi donc ce même état ne voit-il pas sa félicité égaler sa grandeur ? Pourquoi la nation Angloise a-t-elle cette fierté, cette énergie, ces ressources, ce courage intrépide & calme qui la fait résister à une guerre civile, à trois grandes puissances unies, à ses factions particulieres ? Eh ! qui ne voit que sa constitution politique en a fait des hommes qui figurent avec dignité, & qui ont mérité par leur génie, leur fermeté, leurs lumieres & leurs loix, d’enchaîner la tyrannie, & de commander à l’Océan ?