Tableau de Paris/394

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CHAPITRE CCCXCIV.

La funeste Patache.


Paris est entouré de barrieres de bois & d’une armée de commis qui le bloquent, pour percevoir des droits innombrables sur les alimens nécessaires à la vie. On a mis quelqu’augmentation sur ces droits pour soutenir le luxe de l’opéra ; & le pauvre qui n’y va jamais, paie pour ceux qui y vont. Il paie encore, depuis plus de douze ans, pour une gare qu’on n’acheve point.

La patache est sur la riviere un bureau flottant, qui fait payer les bateaux portant marchandises ; elle barre pour ainsi dire un bras de la Seine. Le 2 février 1782, cette patache fut tout-à-coup enlevée & arrachée par une débacle inattendue, qui entraîna le bureau avec tous ses commis qui, montés sur le tillac, crioient miséricorde.

Ce bâtiment assez lourd & assez large, suivit le courant avec les glaçons, & brisa sur son passage tous les bateaux qui, faute de gare, se trouverent à la merci des dangers de la débacle. Une grande quantité de bateaux, chargés de vivres & de marchandises, furent mis en pieces. Tous les débris s’enfournerent au Pont-Notre-Dame ; on ordonna de déménager sur l’heure. Heureusement la gelée arrêta dans la nuit la suite de la débacle : sans cette gelée qui condensa la riviere, son cours alloit entraîner ces immenses débris, & tous les ponts étoient à bas.

Tous les ans ces dangers se renouvellent ; on a beau porter sur les ponts les poids les plus lourds pour les rendre plus solides par cette charge précipitée, ils subiront un jour la catastrophe dont ils sont menacés. C’est alors qu’on regrettera de n’avoir pas abattu ces hideuses maisons qui les défigurent & qui exposent la vie des citoyens ! Quand toutes les cheminées avec les entresols seront dans la riviere, il faudra bien d’autres travaux pour décombrer le lit de la Seine.