Tableau de Paris/396

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CHAPITRE CCCXCVI.

Sonneries.


Ah ! plaignez, plaignez les voisins des églises à sonneries. Quel tintamare ! Il n’est plus permis d’être indisposé. Plus de sommeil pour les malades ; plus de méditation pour l’homme de cabinet. Comment peut-on demeurer à côte de Saint-Germain-le-Vieux ? Je le demande à qui a entendu ce misérable & dur carrillon.

Presque toutes ces cloches que l’on met en branle pour un convoi, pour une messe, pour un mauvais sermon, ont un son aigre & mordant. C’est alors qu’il faut du coton dans les oreilles ; & quelle tête assez forte pourroit lire ou écrire à côté de cette discordance ! Les enfans du bedeau s’amusent à sonner les cloches ; l’église est vuide, les femmes en couche périssent faute de repos, & rien n’arrête le jeu de ces fils de sacristain.

Passe encore pour les bourdons de Notre-Dame, qui, élevés dans les airs, ont un son mâle & majestueux qui remplit l’oreille & ne la fatigue point ; mais quant à ces cloches importunes, inciviles, qu’on fait jouer à tout propos, on devroit bien, au nom de l’harmonie ou du moins de l’humanité, faire cesser leur aigre & inutile tapage.

Le roi à Versailles fait taire toutes les cloches tous les jours de l’année, & aucune ne sonne qu’à l’heure de la chasse. Mais un pauvre moribond présenteroit vainement requête à l’archevêque de Paris, pour obtenir une heure paisible de sommeil.

Puisque la cloche d’église est baptisée, elle devroit bien être chrétienne, & ne pas troubler en ennemie le repos des fideles. Mais n’ai-je point fait ici un calambour à l’imitation du marquis de Bievre ? Qu’on me le pardonne ; la contagion quelquefois nous gagne.