Tableau de Paris/427

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CHAPITRE CCCCXXVII.

Musique des Gardes Françoises.


Musique militaire que l’on emploie depuis peu dans plusieurs cérémonies publiques. Le colonel permet que ses soldats musiciens exercent leurs talens dans toutes les maisons honnêtes où ils sont desirés.

Dans les beaux jours de l’été la musique des Gardes donne des sérénades sur le boulevard ; le peuple accourt, les équipages se pressent & tout le monde se retire très-satisfait. Cette musique imprime au régiment une distinction qui le fait chérir. Autrefois ce régiment étoit comme avili par son indiscipline & sa mauvaise conduite ; aujourd’hui il est considéré. Son colonel l’a totalement métamorphosé, & ces mêmes soldats qui commettoient une infinité de désordres sont devenus honnêtes & utiles.

Rien n’est plus propre à attacher le soldat à son métier qu’une musique militaire.

On a trop négligé parmi nous la musique militaire ; nous n’avions pas il y a vingt-cinq ans un seul trompette qui sonnât juste, pas un seul tambour qui battît en mesure, pas une clarinette qui ne fût fausse.

Aussi durant les dernieres guerres, les paysans de Boheme, d’Autriche & de Baviere, tous musiciens nés, ne pouvant croire que des troupes réglées eussent des instrumens si faux & si discordans, prirent tous nos vieux corps pour de nouvelles troupes qu’ils mépriserent ; & l’on ne sauroit calculer à combien de braves gens des instrumens faux & des musiciens ignares ont coûté la vie. Tant il est vrai que dans l’appareil de la guerre, il ne faut rien négliger de ce qui frappe les sens.

Et si, comme le dit l’abbé Raynal, le roi de Prusse a dû quelques-uns de ses succès à la célérité de ses marches, il en doit aussi plusieurs à sa musique vraiment guerriere.