Tableau de Paris/429

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CHAPITRE CCCCXXIX.

Bréviaire.


Un prêtre régulier a toujours son bréviaire en poche ou sous le bras ; il le porte à la promenade & même en voyage ; il affecte quelquefois que fois de le lire avec attention, & rachete l’ennui que cette lecture lui cause en donnant à cette pratique une sorte d’ostentation.

Depuis que l’on en rit, cette manie de prier devant le monde est diminuée. Eh ! n’est-il pas ridicule de voir dans un carrosse public, un prêtre qui marmote du mauvais latin pour mendier des assistans une certaine vénération ?

Si cette lecture du bréviaire est faite pour se sanctifier, c’est dans la retraite & seul que le prêtre doit méditer ce qu’il lit, & non prendre le tems de la promenade ou d’une assemblée pour se faire remarquer.

Cette infructueuse momerie n’est plus en usage que chez les prêtres stupides ou hypocrites. Ceux qui se respectent, ne livrent plus au coup-d’œil des railleurs leurs levres mouvantes, leurs signes de croix & leurs coups-d’œil vers les cieux. Qu’un prêtre dise journellement son bréviaire, qu’il se pénétre de ses charmes touchans, rien ne l’en empêche ; mais qu’il se tienne à l’écart ou dans sa maison.

Il faut bien quatre ou cinq heures de tems par jour pour dire le bréviaire du diocese de Paris. Quiconque a un bénéfice ne doit pas y manquer sous peine de pécher. Les évêques & les abbés commandataires le disent en dormant.

Si vous ne dites pas votre bréviaire, il faudra vous en confesser, disoit-on à un prélat. — Sans doute, & c’est bien mon dessein ; car j’ai plutôt fait de confesser que je ne le dis pas, que de le dire tout entier. À l’exemple du prélat, certaines jeunes Parisiennes (quoiqu’elles ne disent jamais tout) ont opiné que les plaisirs de toute une année pouvoient fort bien être achetés par un quart d’heure de confession. Elles se confessent donc dans la quinzaine de Pâques, & jouissent ensuite de leurs amans onze mois & demi. Que dites-vous de ce calcul ?