Tableau de Paris/438

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CHAPITRE CCCCXXXVIII.

Trotoirs.


Absolument inconnus jusqu’à ce jour dans les rues de la capitale, malgré l’exemple de Londres, l’on vient enfin d’en commencer un des deux côtés de la nouvelle route du théatre François ; mais la faute que l’on a commise, c’est d’y avoir mis mal à propos des bornes qui empêchent les cochers de faire filer les roues de leurs voitures le long du trotoir. Ils les évitent soigneusement, crainte d’accrocher ; ce qui fait qu’au lieu du passage aisé de trois voitures, il n’en peut filer que deux.

On a fait la même faute il y a long-tems, dans l’endroit le plus étranglé du quai de l’Horloge-du-Palais. Deux voitures à cause des bornes y passent à peine ; la borne rétrécit la voie. Quoi de plus visible ? & comment répete-t-on une erreur aussi capitale ?

Les trotoirs de Londres sont très-bas, & tous sont sans bornes. Jamais les cochers ne font monter leurs roues dessus : le petit parapet suffit pour les en empêcher.

L’on a mis des bornes barrées aux deux côtés de la belle rue de Tournon. Des trotoirs de six pouces de haut, & bordés de fer, auroient tout aussi bien cassé les roues, & auroient été plus commodes pour les piétons.

La pauvre infanterie demande depuis long-tems cette retraite, pour marcher plus paisiblement dans les rues de cette turbulente ville. Il est possible d’en établir dans plusieurs, il en est d’assez spacieuses pour cela ; mais c’est en dalle de pierre, & non en pavé, qu’il les faudroit.

Ces trotoirs seroient sur-tout nécessaires aux approches de cette capitale. Dans les mauvais tems, les chemins à côté de la grande route pavée ne sont pas praticables. Si l’on marche sur la chaussée l’on risque d’être écrasé ; on est donc réduit à cheminer sur la terre fangeuse & glissante : l’homme qui porte des fardeaux tombe & se blesse.

Il est sur-tout un mur funeste qui regne depuis la barriere Saint-Denis jusqu’à la Chapelle. Toutes les hottes à denrées arrivent par-là : plusieurs femmes s’y sont cassé bras & jambes, & cela n’arrive que trop fréquemment.

Les religieux de Saint-Lazare devroient bien faire construire à leurs frais, le long de ce mur, un trotoir praticable. Ce présent fait à cette foule de porteurs & de porteuses qui nous amenent les légumes de toute espece, seroit digne de leur bienfaisance, & leur terrein en acquéreroit une nouvelle valeur ; car, prenez-y garde, tout bien fait au public est ordinairement récompensé.