Tableau de Paris/481

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CHAPITRE CCCCLXXXI.

Peaux de Lapins.


Profit des servantes, & que le maître le plus avare ne leur dispute pas. L’Auvergne fournit à Paris ces crieurs de peaux de lapins, qui ne les achetent en détail que pour les revendre en gros aux chapeliers ; mais ce crieur en est surchargé de maniere qu’on cherche sa tête & ses bras. On le sent avant que d’entendre sa voix ; il vit dans l’exhalaison infecte de ces peaux ; il y résiste. Son cri est extrêmement dur. Les chats fuient à son aspect ; car il est homme à prendre leur robe, & les chats semblent deviner qu’il en veut à toutes les fourrures de quadrupedes.

Il a de plus dans sa poche un couteau toujours prêt à châtrer les matous. Il n’entre pas dans une maison, que les chattes ne se sauvent sur les gouttieres, en exprimant par des miaulemens plaintifs, combien la figure de ce barbare leur est désagréable.

Le cri, peaux de lapins, contraste avec le cri, vieux chapeaux. Ce dernier plus aigu fort d’un gosier féminin. Telle est la destinée d’un feutre : il commence encore en poil à être annoncé par le crieur, peaux de lapins ; & après avoir orné une tête de lavant, il finira tout crasseux sur les épaules d’une crieuse de vieux chapeaux, qui l’abandonnera à un manœuvre ignorant, pour qui toute érudition est perdue. Si l’on pouvoit écrire l’histoire des chapeaux, elle ressembleroit fort à celle des têtes humaines : vicissitude éternelle !