Tableau de Paris/485

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CHAPITRE CCCCLXXXV.

Estampes licencieuses.


Elles se sont multipliées le long des quais & sur les boulevards. On n’y voit que nudités capables d’alarmer la pudeur, attitudes & postures lascives, qui inspirent à la jeunesse le goût de la débauche, & corrompent les regards même de l’enfance.

Il en est de si licencieuses, que ma plume ne peut en faire entrevoir ici le sujet. Il tient quelquefois à un raffinement de corruption qui révolte beaucoup plus que ne feroit le trait immodeste. On m’entend.

Il est sans doute très-condamnable de laisser les filles, gorge découverte, arrêter le soir les hommes & les solliciter par de pressantes invitations ; mais qu’en plein jour des estampes obscenes restent du matin au soir à la vue de l’innocence, pour lui faire naître l’idée du libertinage & en justifier la turpitude dans les cœurs à demi-corrompus, c’est vouloir qu’une nouvelle race d’hommes acheve de s’éteindre dans sa source.

Boucher, après avoir été en peinture le corrupteur de la bonne école, travailla pour les boudoirs des courtisannes. Mais son gendre Baudouin, peintre cynique, l’a surpassé en licence, & n’a presque rien fait qui ne soit contraire aux bonnes mœurs.

Les peintres, pour plaire aux ames blasées, s’étudient à présenter à l’imagination des idées libertines & quelquefois même dégoûtantes. La Soirée des Tuileries est assurément loin du pinceau des graces.

Les estampes nouvelles trop nues pechent autant contre l’art que contre la morale. Elles n’auront jamais l’intérêt des images nobles & attendrissantes. Ainsi que les livres obscenes sont déclarés bons à mettre au cabinet, de même les estampes licencieuses suivront ces volumes déshonorés. Artistes ! pourquoi renoncez-vous à la gloire ? Pourquoi voulez-vous livrer vos noms à l’infamie ? Ce qui est décent, voilà ce qui subsiste, voilà ce que vos enfans pourront avouer.

On a beaucoup sévi contre les livres philosophiques, lus d’un petit nombre d’hommes, & que la multitude n’est point en état de comprendre. La gravure indécente triomphe publiquement. Tout œil en est frappé ; celui de l’innocence se trouble, & la pudeur rougit. Il est tems de reléguer sévérement dans les porte-feuilles des marchands ce qu’ils ont l’impudence d’étaler au-dehors même de leurs boutiques. Songez donc que les vierges & les honnêtes femmes passent aussi dans les rues.