Tableau de Paris/499

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CHAPITRE CCCCXCIX.

Pots de fleurs.


Lamour de la campagne & de l’agriculture, commun à tous les hommes, se manifeste encore dans l’immense tas de pierres qu’habite le Parisien. Il éleve en l’air un petit jardin de trois pieds de long ; il place sur ses fenêtres un pot de fleurs ; c’est un petit tribut qu’il envoie de loin à la nature. Un arbre à fruit végete dans l’enceinte étroite d’une croisée. Le citadin qui ne voit plus la campagne, arrose ce nain arbuste matin & soir. Il cultive dans une caisse l’œillet & la rose. Six pouces de verdure le consolent de la perte des tapis émaillés, & remplacent l’aspect des bois épais & fleuris.

Malgré les défenses de police, le citadin casanier tient à son pot de fleurs, à sa caisse de terre. Il la cache quand l’inspecteur passe ; il la replace quand il est passé. Mais au moment qu’on y pense le moins, la masse s’échappe, tombe du cinquieme étage. Heureux celui qui n’en est pas touché ! L’arbuste & les fleurs sont emportés par le ruisseau, & les débris de ces jardins suspendus attestent sur le pavé qu’il n’auroit pas fallu se trouver à leur descente.

L’hommage offert à Pomone & à Flore, exilées de la ville, se manifeste à chaque rue au sein de la triste prison où le travail & la nécessité renferment l’artisan livré à des métiers sédentaires. Telle femme nourrit quatre poules, six lapins, éleve huit serins, & sur les rebords de sa fenêtre fait croître un groseiller, un prunier. Le goût de la campagne perce, & vient expirer sur les balcons où les rayons du soleil, interceptés par la hauteur des cheminées, ne frappent qu’une heure dans toute la journée. La femme qui ne quitte pas la chambre, épie cette heure fortunée, & sourit de joie quand le calice d’une fleur isolée vient à s’ouvrir à l’astre du jour. Elle appelle sa voisine pour contempler avec elle ce phénomene.