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Tableau de Paris/662

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CHAPITRE DCLXII.

Fêtes champêtres en l’honneur de la Vertu.


Ces fêtes ont été instituées aux environs de la capitale. Salency en a donné l’exemple au reste du royaume.

C’est une institution touchante que de couronner annuellement les vertus obscures des habitans de la campagne. Il est vrai qu’ils ne se doutent pas qu’ils méritent le titre d’hommes vertueux, & qu’ils font le bien par sentiment, sans attendre l’œil de l’admiration, & la main de la récompense.

Le genre humain a été calomnié par des écrivains qui n’ont voulu appercevoir que le sommet de la pyramide, & jamais la base ; c’est cependant le chaume qui couvre les mortels les plus généreux & les plus héroïques. Il n’y a même que l’homme dépravé qui puisse s’émerveiller beaucoup de ces traits de générosité & de grandeur, familiers & communs parmi les classes que l’orgueil méprise.

Ce n’est que parmi les riches que l’on voit des cœurs insensibles, des fils ingrats ou insolens, qui méconnoissent leur pere, qui abandonnent leur mere, &c. Chez les pauvres, les liens de la nature sont plus sentis & respectés. Il est sans doute toujours bon de récompenser ces vertus paisibles & rustiques ; mais la récompense à la longue pourroit les avertir qu’il y a un grand mérite dans ce qu’ils sont, & que c’est un prodige que d’être vertueux ; ce qu’ils sont loin de soupçonner.

Mais après le bien qui se fait en secret & en silence, qui se répand sans ostentation sur la foule des infortunés, que l’amour profond de l’humanité inspire, & qui ne se découvre qu’à l’œil de Dieu ; il n’y a rien de mieux au monde que le bien qui se fait publiquement ; c’est toujours le bien, quoique le motif soit quelquefois d’être regardé. Composons avec les vertus humaines, & quand nous voyons le bien, ne raisonnons jamais sur la cause.