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Tableau de Paris/663

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CHAPITRE DCLXIII.

Misantrope.


Il est rare, mais le personnage en devient commun. Rien de plus facile à jouer que ce rôle. Aussi l’esprit médiocre s’en empare ; le bourru, l’attrabilaire, & même l’ennuyé, se donnent pour misantropes.

Paroître mécontent de tout ce qui se fait, déclamer contre tous les hommes en général, parce qu’en effet la vertu & la probité n’appartiennent pas à tous, ne point se donner la peine d’examiner ce qui sert à la justification des différens états de la vie, & se permettre une satyre violente & perpétuelle, sans vouloir reconnoître le bien mêlé avec se mai ; ne voir par-tout que des désordres, & sembler en vouloir plus aux vicieux qu’au vice même. Voilà le ton qu’affectent certains hommes qui ne savent jamais accorder aux autres une indulgence dont ils ont souvent besoin eux-mêmes.

Que plus sage est celui qui sait vivre avec tous les hommes, passer habilement entre leurs vices & leurs défauts, comme on passe dans un sentier à travers des hayes d’épines ; qui n’injurie point l’humanité, mais qui la sert & la plaint ; qui cueille les fleurs de la vie sociale, au lieu de rembrunir les couleurs qui s’offrent sous un aspect sombre & triste ! Sa vie n’est pas une perpétuelle déclamation, un long accès de fureur, un inutile emportement.