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Tableau de Paris/700

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CHAPITRE DCC.

D’un Arrêt du Conseil.


Il est curieux ; il défend d’appeler l’exécuteur des hautes-œuvres bourreau : mais tous les arrêts du monde ne prévaudront pas contre l’opinion publique. L’instrument de la peine de mort sera toujours vil, parce que c’est un homme qui se lève d’auprès de sa femme, & du lit où il vient de fabriquer un enfant, pour aller teindre ses mains de sang, & revenir près d’elle avec le salaire de son horrible métier.

Le bourreau & la bourrelle, chez tous les peuples qui ont quelque sensibilité, seront toujours regardés avec aversion ; & il seroit dangereux de combattre ou d’affoiblir cette sensibilité naturelle.

Et pourquoi la loi a-t-elle consenti de dégrader un individu, pour en punir un autre ! Chez les Athéniens, on broyoit la ciguë, on la présentoit au condamné, qui portoit le gobelet à ses lèvres, & se donnoit lui-même la mort.

Ne pourroit-on pas inventer une machine qui feroit périr le criminel dans un instant indivisible, & qui déroberoit aux yeux le spectacle effrayant & funeste d’un homme qui en tue un autre, plein de vie, de force & de santé.

N’a-t-on pas vu dernièrement, à la porte Saint-Martin, un malheureux condamné à la roue, sortant de dessous la barre, au moment qu’on le délioit, se dresser inopinément sur sa jambe non cassée, & fort de la rage de la douleur, saisir son bourreau pour le mordre & l’étrangler. Quelle lutte ! & c’est en présence de tout un peuple, d’un peuple humain, qu’elle a eu lieu ! Ah ! l’exécuteur des hautes-œuvres sera toujours un bourreau.

Je viens de lire un autre arrêt du conseil, qui défend la Poularde, conte. C’étoit un conte licencieux inséré dans un journal. Le peuple, qui ne lit qu’à moitié, disoit : il est inutile de défendre la poularde ; il n’y a que les cossus qui en tâtent.

Et la poule au pot qu’on nous avoit annoncée ? Elle viendra, car sûrement on y travaille ; mais cette poule au pot est encore dans l’œuf.