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Tableau de Paris/736

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CHAPITRE DCCXXXVI.

Fauxbourg Saint-Antoine.


Quand je me promène dans le fauxbourg Saint-Antoine, je me rappelle la guerre de la Fronde, Paris soulevé pour deux membres du parlement. Ce fauxbourg avoit pris la forme d’un champ de bataille ; car le prince de Condé y combattait les troupes du roi.

Alors, les mémoires du cardinal de Retz me reviennent à l’esprit. C’est ce livre énergique qui m’a fait lire tous les autres livres. Je me représente le coadjuteur créant la guerre civile ; & si l’histoire ne me montroit point la date de ces événemens, je les croirois beaucoup plus anciens.

Le roi fut forcé de s’échapper de sa capitale, à peu près dans la même année où le roi d’Angleterre, détrôné par ses propres sujets, fut décapité à Londres.

Le premier ministre, le cardinal Mazarin, se vit rappellé, & encensé par toute la France, qui avoit mis sa tête à prix.

Ce Mazarin mourut riche de 30 millions ; il en avoit dépensé 48.

Enfin, ce duc de Beaufort, ce roi des halles, bien révolté contre la cour, sembloit devoir changer les intérêts politiques du royaume ; car cette guerre civile, dont on se moque de nos jours, auroit pu avoir un tout autre effet que celui que lui a assigné le sort, ou plutôt le caractère des chefs. La Fronde tendoit à un but que la folie nationale a subitement dérangé.

Je ne fais comment ce fauxbourg subsiste. On y vend des meubles d’un bout à l’autre ; & la portion pauvre, qui l’habite, n’a point de meubles. Les gens de la campagne font les trois quarts des achats ; & en général on ne leur délivre que le rebut de ces marchandises, ou ce qu’il y a de plus grossier dans ce genre de commerce.