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Tableau de Paris/754

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CHAPITRE DCCLIV.

Collier.


Mes chers lecteurs, je vais vous parler d’un collier, d’un collier de diamans ! Procédons par ordre, je vous prie ; parlons du premier usage des diamans en France. Avant Charles VII aucune femme n’en avoit porté. Agnès Sorel, maîtresse de ce roi, a été la première qui en ait eu un collier.

C’est donc de ce collier-là que je vais vous parler. Les pierres en étoient brutes & grossièrement montées ; mais ce collier faisoit un effet si incommode au cou de cette belle personne, qu’elle le nomma le carcan, & trouva cette parure un supplice. Cependant le roi lui ayant témoigné du plaisir à la voir ainsi ornée, elle continua de porter l’incommode bijou, disant que pour plaire à ce qu’on aime il faut savoir souffrir. Bientôt les dames de la cour de Charles VII imitèrent la favorite ; & l’amour de la nouveauté accrédita les colliers de diamans.

Depuis ce temps le goût varia à plusieurs reprises. Les perles étoient la parure recherchée de Catherine de Médicis & de la fameuse Diane de Poitiers. Marie Stuard, reine d’Écosse, épouse du dauphin François II, depuis roi de France, apporta avec elle de superbes diamans. Les princesses de sa cour en reprirent aussi l’usage. Lorsque cette jeune reine eut quitté la France, les perles redevinrent à la mode. Au couronnement de Marie de Médicis, épouse de Henri IV, l’habillement des dames de sa suite étoit orné de perles, & l’on en mettoit des rangs parmi les cheveux, qui flottoient en boucles sur les épaules. Sous le cardinal de Richelieu la mode fut esclave comme le monarque, les grands, & tout le reste ; mais sous le règne de Louis XIV on reprit de nouveau les diamans, & ce furent les spectacles qui les rappelèrent. Les fêtes superbes que donnoit le roi, excitant la vanité des actrices qui y représentoient, elles parsemèrent leurs habits de pierres fausses, qui produisoient au théâtre le meilleur effet. Les dames du plus haut rang adoptèrent cette parure comme distinctive ; & non-seulement elles eurent des boucles d’oreilles, des colliers, des aigrettes & des bracelets, mais encore des pièces en diamans, que l’on mettoit sur le devant de leur corps de robe. La reine en mit de plus à sa ceinture, aux épaulettes de sa robe, & à l’agraffe de son manteau. Peu à peu on augmenta cet ornement ; & aujourd’hui on fait des bouquets, des garnitures d’habits d’hommes, des boutons de chapeaux, des épingles, des montres, des tabatières & des nœuds d’épée en diamans.

La révolution qui banniroit ce goût ruineux, pour y substituer une parure plus simple & moins coûteuse, seroit vraiment philosophique ; car y a-t-il sous le ciel un luxe plus faux & plus cruel que celui des diamans ? Ils me blessent la vue & l’ame quand je les vois sur un homme. Un homme diamanté excite en moi la plus forte antipathie.