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Tableau de Paris/767

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CHAPITRE DCCLXVII.

Suite du précédent.


Faudra-t-il détruire la capitale pour peupler les campagnes ? Non ; qu’on fasse renaître dans les campagnes l’aisance & la liberté ; qu’on y laisse les cultivateurs jouir en paix du fruit de leurs travaux ; que l’on y respire l’abondance & la gaieté ; que le campagnard s’enorgueillisse des richesses de la nature & de la pompe des moissons, & bientôt l’habitant des grandes villes, ennuyé du tourbillon, quittera ses palais pour venir près de la chaumière de l’homme champêtre partager ses plaisirs. Les favoris des muses viendront eux-mêmes étudier la nature dans sa beauté naïve. C’est en embellissant le séjour des campagnes que l’on corrigera par des loix indirectes des abus qui tiennent à l’économie générale de la société.

Il faut établir dans la capitale une surabondance de denrées, consacrées à la nourriture & à l’entretien de cette foule d’hommes qui accourent de tous les coins de l’Europe.

La population de Paris n’est donc pas la plus grande, relativement au royaume dont elle est la capitale.

L’Angleterre n’a que dix millions d’habitans, & Londres est tout aussi peuplé que Paris. Il est vrai que Londres est un port & une ville de commerce ; mais les grandes villes sont toujours un centre d’activité perpétuelle, qui impriment un mouvement prodigieux à tout ce qui les environne ; elles éveillent l’industrie, & mettent en valeur toutes les productions du sol. Les campagnes languissent & les systêmes agricoles tombent, dès qu’il n’y a plus une grande ville pour donner son impulsion à la foule des cultivateurs.

La population de Paris tend naturellement à s’accroître ; mais si la population s’accroît dans le reste du royaume, s’il a beaucoup prospéré, Paris redevient une tête proportionnée. Les grandes villes appartiennent aux nations florissantes. Il n’y a point de danger qu’une ville s’accroisse, dès que la police en vivifie les différentes parties.

Je voudrais bien savoir si les grandes villes de l’Asie & de l’Europe, qui subsistent aujourd’hui, comme Paris, Londres, Amsterdam, Berlin, Rome, Venise, Gênes, Naples, Pétersbourg, &c. valent l’ancienne Ninive, Babylone, Thèbes à cent portes, Jérusalem, Suze, Persépolis, Corinthe, Athènes, Palmyre. Les anciens historiens ont beaucoup exagéré la grandeur & la magnificence de plusieurs villes ; mais leurs ruines attestent quelle fut leur splendeur. Paris, Londres & Naples, après leur destruction, n’offriront pas les restes imposans que le voyageur curieux visite encore avec une sorte de respect. Ainsi nos plus belles villes modernes n’égalent pas les villes anciennes.