Tablettes d’un mobile/21

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SAINT-CLOUD.

Mars 1871.



Le soleil vif et chaud brille sur les ruines,
Et les restes des murs où la flamme a passé
Se découpent en noir sur le ciel bleu foncé,

Ainsi que des dentelles fines.


Plus rien, partout la mort et partout l’abandon :
Car ces nobles vainqueurs, quand la guerre est finie,

Pour dernière ressource ont encor l’incendie,

Le pétrole après le canon.


L’obus a commencé, la flamme a fait le reste.
On croirait, en passant à travers ces débris,
Voir Sodome, Gomorrhe, et ces pays proscrits

Par une vengeance céleste.


Le silence s’étend sur ce lieu dévasté.
Quelquefois on entend le bruit d’un mur qui tombe,
Ou quelque oiseau volant sur cette vaste tombe,

En éparpillant sa gaîté.


Chacun de ces débris dit : Vengeance et Misère !
Au milieu d’eux, couché, tête nue, endormi,
Un Français, descendant des vainqueurs de Valmy,

Cuve son vin sur une pierre.