Tao Te King (Stanislas Julien)/Chapitre 68
善為士者,不武;善戰者,不怒;善勝敵者,不與;善用人者,為之下。是謂不爭之德,是謂用人之力,是謂配天古之極。
Celui qui excelle à commander (1) une armée, n’a pas une ardeur belliqueuse (22).
Celui qui excelle à combattre (3) ne se laisse pas aller à la colère.
Celui qui excelle à vaincre ne lutte pas (4).
Celui qui excelle à employer les hommes se met au-dessous d’eux (5).
C’est là ce qu’on appelle posséder la vertu (6) qui consiste à ne point lutter.
C’est ce qu’on appelle savoir se servir des forces des hommes (7).
C’est ce qu’on appelle (8) s’unir au ciel.
Telle était la science sublime des anciens.
(1) D : Le mot sse 士 (vulgo lettré) signifie ici « un commandant, militum dux. »
Aliter E, d’après Ou-yeou-thsing : Dans l’antiquité, le mot sse 士 désignait ceux qui combattaient montés sur des chars.
Tsiao-hong : Les guerriers sont les hommes qui luttent avec le plus d’acharnement. Lao-tseu les cite ici dans un sens figuré, pour montrer que l’homme qui cultive le Tao ne doit point lutter, c’est-à-dire qu’il doit céder humblement aux autres. — Dans les trois premiers membres de phrase, Lao-tseu cite des guerriers qui ne combattent que par nécessité, et qui ont soin de ne pas s’écarter du Tao.
(2) C : Celui qui excelle à être sse 士 (E d’après l’interprète Ou-yeou-thsing : soldat qui combat sur un char), ou commandant (suivant D), estime la vertu et n’estime pas le courage belliqueux.
(3) E : Celui qui excelle à combattre met au premier rang le calme et la tranquillité d’âme ; il ne s’abandonne pas à la colère. Lao-tseu emploie ces deux comparaisons pour servir de transition à ce qui suit.
(4) E : (Le roi) qui excelle à vaincre l’ennemi cultive le Tao dans le temple des ancêtres et dans la salle du palais, et alors les ennemis se soumettent d’eux-mêmes. Quant à ceux qui lèvent des troupes, qui mettent le peuple en mouvement, qui déploient, en combattant, toutes les ressources de leur prudence et peuvent à peine les subjuguer, ce sont des guerriers du dernier ordre.
(5) E : Celui qui emploie les hommes et ne se met pas au-dessous d’eux, ne peut faire usage de leurs forces. Quant à celui qui sait employer les hommes, dès qu’il s’est mis au-dessous d’eux, tout l’empire est rempli de joie et aime à se mettre à son service.
B : Il se dépouille des sentiments d’orgueil qui agrandissent l’homme à ses propres yeux , il se montre humble et modeste, et alors tous les hommes aiment à lui obéir et à être employés par lui.
(6) E : Ceci répond au passage précédent : « Celui qui excelle à vaincre l’ennemi. »
(7) E : Ceci répond au passage précédent : « Celui qui excelle à employer les hommes. »
Ibidem : L’homme dont la vertu consiste à ne point lutter ne fait pas usage d’armes ni de chars de guerre, et l’empire se soumet à lui.
Celui qui sait employer les forces des hommes ne se fatigue pas à montrer des lumières et de la pénétration, et tout l’empire est bien gouverné.
(8) E : Par sa vertu, le Saint s’unit au ciel. C’était là la voie sublime de la haute antiquité.