Tao Te King (Stanislas Julien)/Chapitre 71

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Traduction par Stanislas Julien.
Imprimerie nationale (p. 264-265).


CHAPITRE LXXI.



知不知上;不知知病。夫唯病病,是以不病。聖人不病,以其病病,是以不病。


Savoir et (croire qu’on) ne sait pas, c’est le comble du mérite (1).

Ne pas savoir et (croire qu’on) sait, c’est (2) la maladie (des hommes).

Si vous vous affligez de cette maladie vous ne l’éprouverez pas (3).

Le Saint n’éprouve pas cette maladie, parce qu’il s’en afflige (4).

Voilà pourquoi il ne l’éprouve pas.


NOTES.


(1) Le mot p’ing « maladie » est employé huit fois dans ce chapitre (qui ne renferme que vingt-huit mots) soit comme substantif, soit comme verbe neutre. C’est d’après le commentateur Ho chang-kong (A) que j’ai traduit le 2e et le 6e p’ing par « s’affliger » (khou , « trouver amer, pénible, affligeant »), et les 4e, 5e, et 8e par « être malade, éprouver une maladie ; » yeou-p’ing 有病.

A : Connaître le Tao et dire qu’on ne le connaît pas, c’est le comble de la vertu : 乃德之上.

E : Être ébloui par la connaissance qui naît du contact des choses sensibles, et ne pas posséder le non-savoir qui constitue le vrai savoir, c’est le défaut général des hommes du siècle. C’est pourquoi, si celui qui connaît le Tao peut revenir au non-savoir, c’est la marque d’un mérite éminent : 斯爲上.

Dans le chapitre x, Lao-tseu exprime la même pensée lorsqu’il dit : « Si l’homme peut se délivrer des lumières de l’intelligence, il sera exempt de toute infirmité (morale). »


(2) E : Celui qui ne connaît pas le Tao s’attache à de fausses connaissances, et les prend pour des connaissances solides. Dès que les fausses conaissances[sic] résident dans son esprit, elles deviennent, pour lui, une (sorte de) maladie.


(3) E : Les fausses connaissances sont la maladie de notre nature. Lorsqu’on sait que les fausses connaissances sont une maladie et qu’on s’en afflige (littéralement : « et qu’on les regarde comme une « maladie »), alors, on n’éprouve pas la maladie des fausses connaissances.


(4) E : Connaître le Tao et (croire) qu’on ne le connaît pas, c’est justement le fait (littéralement : « l’affaire ») du Saint. Le Saint est exempt de la maladie des fausses connaissances, parce qu’il s’en afflige. C’est pourquoi la maladie des fausses connaissances s’éloigne de lui.