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Terre d’épouvante/Avertissement

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Libraire générale et internationale Gustave Ficker (p. 7--).


AVERTISSEMENT


Cecy est un livre de bonne foy.

En 1885, un acte diplomatique, résumé de la conférence de Berlin, a consacré la constitution en État d’une bande de pirates inspirés par un monarque sans scrupule, dont on fit un souverain sans contrôle.

Pendant vingt ans, une surface de terre, grande comme vingt fois notre France, fut littéralement dévastée et la dévastation imposée par la terreur.

Dire ce qui est, l’appuyer en preuves d’exemples vus, constituait le devoir de simple humanité que l’auteur de ces lignes assumait par sa seule qualité d’Européen renseigné. C’est pour accomplir cette obligation de témoignage que fut rédigé cet écrit.


Le loyalisme belge a souvent revendiqué bénévolement le poids des justes réprobations inspirées par la révélation, malheureusement peu documentée, des crimes commis au Congo indépendant, très mal dénommé Congo belge. Le peuple belge, susceptible et honnête, s’est cru insulté dans la personne de son roi et dans son propre honneur de nation libre et civilisée.

Nous entendons ignorer qui peut être le roi constitutionnel des Belges ; nous lui devons, en cette qualité, le respect un peu indifférent que nous inspirent les chefs des nations amies. Nous ne parlerons ici que des actes commis sous la responsabilité du souverain du Congo, titre reconnu par l’Europe à Léopold de Saxe-Cobourg, dans ses domaines africains.

Nous ignorerons si les hommes de qui nous narrerons les agissements coupables sont belges, anglais ou français. Peu nous importe ; en Afrique, il n’y a que des Européens, des blancs. En tout cas, certains actes dénationalisent leurs auteurs.


Comme toutes les grandes choses, le mal n’a pas de patrie, car c’est une des plus puissantes dérivations des forces humaines.

L’État du Congo, créé comme une cosmopolis bienfaisante par l’initiative de Léopold II et la volonté de Bismarck, devait être la tentative superbe de la régénération d’une race arriérée, par les Européens unis sous l’autorité paternelle d’un monarque épris de progrès pacifique.

C’est devenu la cité de Caïn, la terre mystérieuse du meurtre caché, du saccage brutal ; le pays de malheur où le capital débridé fait jaillir de l’or et du sang par l’oppression de peuples sans défense, livrés en proie à des subalternes de race blanche véritablement réduits en esclavage par des contrats illégaux.


Nous allons le démontrer par des faits. Un de nos amis, trompé par des promesses, vient de passer dix-huit mois dans cet enfer. Nous nous inspirons de son carnet de route, rédigé sans parti pris. C’est une véritable déposition que nous allons interpréter : ce serait un réquisitoire, si l’Europe diplomatique avait une conscience.

J. M.


L’aveu implicite de toutes les allégations émises contre l’État indépendant du Congo se trouve dans cette note publiée par les journaux du 5 mars 1905 :

« La commission internationale d’enquête nommée par le souverain du Congo, débarquera à Anvers par le Léopoldville, vers le 15 mars. Les magistrats belges et étrangers qui en font partie consacreront le surplus de leur congé à coordonner leur travail, à le commenter et surtout à conclure, car, en Afrique, ils ont eu strictement le temps nécessaire pour recueillir de nombreux témoignages.

« Malgré le secret gardé par la commission, je sais qu’elle signalera les abus qui existaient jadis, notamment pour la récolte de caoutchouc, et qu’elle établira nettement les responsabilités privées. »

On convient donc :

Et des abus passés,

Et du peu de temps consacré à leur recherche.

C’est notre entière justification.