Théorie de l’écoulement tourbillonnant et tumultueux des liquides dans les lits rectilignes à grande section/Tome 1/II

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§ II — Des vitesses, accélérations et déformations moyennes locales.


» 2. Je rappelle d’abord que, dans une masse fluide suffisamment large et profonde qui commence à couler entre des parois quelconques, les moindres déviations causées par leurs rugosités, même imperceptibles, ou par les plus légères irrégularités du mouvement à l’entrée, etc., entraînent des chocs, des tourbillonnements, qui se communiquent d’une particule à l’autre, se multiplient dès que la vitesse est sensible, et sillonnent bientôt en tous sens la masse. Ils y produisent ainsi une agitation irrégulièrement périodique (pouls du courant), dont l’amplitude et la fréquence définissent en quelque sorte son intensité, comme la température d’un corps mesure le degré de son imperceptible agitation calorifique.

» Il en résulte la nécessité de distinguer deux parties, à propriétés très différentes, dans les vitesses et les accélérations, soit suivant chaque axe, soit totales, tant d’une même particule fluide, considérée aux divers endroits où elle passe durant un court instant, que des particules observées dans un même petit espace à la fois ou successivement pendant un temps assez bref. La première de ces parties, seule importante pour l’hydraulicien (car c’est elle qu’enregistrent principalement les appareils hydrométriques et elle seule qui correspond à l’écoulement), est la moyenne des valeurs de la vitesse ou de l’accélération en question, moyenne locale constituant une vitesse ou une accélération graduellement variables d’une particule à ses voisines et d’un instant à l’autre, c’est-à-dire susceptibles d’être exprimées par des fonctions régulières et relativement simples de La seconde, au contraire, bien que généralement plus petite que la première (du moins quand c’est une vitesse), change très vite avec mais dans des sens contraires pour des valeurs peu différentes des variables, de manière à être nulle en moyenne, suivant chaque axe, dans tout intervalle de grandeur médiocre et à avoir cependant de très fortes dérivées, mais nulles aussi en moyenne ; c’est une vitesse ou accélération non d’écoulement, mais de pure agitation sur place.


» 3. Donc, en désignant par les composantes, suivant les axes, de la vitesse moyenne locale en et par les petites composantes de la vitesse irrégulière ou d’agitation, les six vitesses élémentaires (par rapport aux ) de dilatation et de glissement d’une particule à l’époque savoir

pourront s’écrire
(1)


si l’on appelle leurs parties graduellement variables

(2)


parties beaucoup plus petites que celles d’agitation, mais seules différentes de zéro en moyenne.

» Or c’est justement de ces vitesses actuelles (1) de dilatation et de glissement, en même temps que de la température et de la densité actuelles de la particule (supposée sans viscosité appréciable), que dépendent les écarts existant entre la contexture interne effective de la particule et sa contexture élastique ou isotrope à la même température et à la même densité, écarts en rapport avec la rapidité actuelle des déformations, qui ne laisse pas le temps à la particule de refaire son isotropie sans cesse troublée par la continuation du mouvement relatif de sa matière[1].


  1. Voir, à ce sujet, la fin d’un article Sur l’explication physique de la fluidité, dans le Compte rendu du 19 mai 1891 (Comptes rendus, t. CXII, p. 1099), ou mieux encore la Note complémentaire insérée à la fin du présent Travail.