Théorie de l’écoulement tourbillonnant et tumultueux des liquides dans les lits rectilignes à grande section/Tome 1/VIII

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§ VIII. — Lois générales du régime uniforme dans des lits semblables à grande section.


» 31. Mais bornons-nous au cas du régime uniforme, où sont nulles les accélérations moyennes locales Alors l’équation (27) se réduit à

(28)


Servons-nous-en pour éliminer la pente motrice de (25), et puis divisons (25) et (26) par Le système (25), (26) ne contiendra plus comme fonction inconnue, au lieu de que l’expression tenue de s’annuler au point du contour mouillé où et, d’ailleurs, dans ces équations (25), (26) qui la déterminent, il ne figurera plus ni ni le rayon moyen. La nouvelle fonction inconnue dépendra donc uniquement des deux coordonnées relatives Désignons-la par ce qui revient à poser, comme formule exprimant le mode de distribution des vitesses,

(29)


et la fonction sera définie par le système

(30)


» 32. Prenons les moyennes des deux membres de (29) dans toute l’étendue de la section et, en appelant la vitesse moyenne ou vitesse de débit, la valeur moyenne de dans toute cette étendue, il viendra

(31)


équation qui permet d’éliminer de (28) et de relier ainsi la vitesse moyenne au produit de la pente mortice par le rayon moyen. Si nous appelons dans (28), la valeur moyenne de le long du contour mouillé et que nous posions, pour abréger,

(32) ou


nous aurons ainsi la formule usuelle des hydrauliciens,

(33) ou

» D’après la seconde relation (32), l’inverse de c’est-à-dire le coefficient indiquant combien de fois la vitesse contient la racine carrée du produit de la pente par le rayon moyen, se compose d’une première partie réciproquement proportionnelle à ou variable en sens contraire du degré de rugosité des parois, et d’une autre partie indépendante de ce degré. L’étude des cas simples d’une section rectangulaire large et d’une section circulaire ou demi-circulaire, entre lesquels se trouvent à peu près compris tous ceux de la pratique, nous montrera que ce coefficient, ou même l’inverse de son carré, est peut variable avec la forme de la section.


» 33. Si désigne la vitesse maxima, et les coordonnées relatives du point de où elle se produit, la formule (29), retranchée de ce qu’elle devient en ce point, puis divisée par donnera, vu l’égalité de à d’après (28) et (33),

(34)

» Cette relation, où les deux derniers membres sont indépendants du degré absolu de rugosité des parois, a précisément la forme de celle que l’ensemble des observations a suggérée à Darcy et à M. Bazin pour représenter le mode de variation des vitesses aux divers points des sections[1]. Enfin, si l’on appelle la valeur moyenne du second membre dans toute l’étendue de il vient, pour relier la vitesse moyenne à la vitesse maxima la formule de M. Bazin,

(35) ou

» Nous verrons que a des valeurs notablement différentes dans les deux cas simples d’une section rectangulaire large et d’une section circulaire ou demi-circulaire ; il est donc beaucoup plus variable que avec la forme de la section, comme l’a, du reste, indiqué l’expérience.


» 34. La formule (29) montre que les inégalités relatives de vitesse aux divers points varient, avec le degré absolu de rugosité, proportionnellement à Donc, en toute rigueur, nous n’aurions pas dû admettre la forme simple pour l’expression le long du contour mouillé à moins de faire varier, sur chaque génératrice de la paroi, en raison inverse des valeurs qu’y prend quand change. Or alors une nouvelle difficulté proviendrait de ce que, les degrés relatifs de rugosité aux divers points ne restant plus les mêmes, l’agitation dans l’intérieur se distribuerait autrement et la fonction changerait. Mais, pour des formes très diverses de la section, le rapport varie bien moins avec et par suite, d’après (29), avec le long du contour mouillé que dans l’intérieur, puisque même il s’y réduit à 1 dans les cas élémentaires de tuyaux ou canaux rectangulaires larges et circulaires ou demi-circulaires, à parois homogènes. On peut donc, pour toutes les formes dont il s’agit, supposer ce rapport à très peu près indépendant sur le contour mouillé entre de bien plus larges limites de variation de qu’on ne le pourrait dans l’intérieur ; et cela suffit pour justifier en pratique les formules précédentes[2].

» Si l’on voulait plus de précision, il faudrait regarder le rapport en question comme inconnu, et donner au second membre de (26) la forme désignerait Mais alors cette condition au contour ne serait plus linéaire, et le problème, même en attribuant à les expressions les plus simples, comme 1, par exemple, deviendrait inabordable, sauf par des procédés d’approximation ou d’interpolation, dans lesquels on ne s’astreindrait qu’à peu près à vérifier la condition au contour[3]. Et il y aurait même encore, comme ci-dessus, à faire varier la fonction sur laquelle se répercutent les changements survenus dans le rapport des vitesses aux divers points de la paroi, non moins que ceux du rapport des rugosités.


  1. Ces lois ne s’étendent qu’exceptionnellement au cas de lits dissemblables.
      Toutefois, M. Bazin a cru pouvoir l’étendre au cas où l’on fait varier la forme même de la section par l’agrandissement de et dans deux rapports différents ; ce qui, étant supposée l’homogénéité des parois, donnerait une seule formule pour toutes les sections elliptiques, une seule pour toutes les sections rectangulaires, etc. (Recherches hydrauliques. p. 245). Or, quand il s’agit d'écoulements bien continus à l’intérieur de tubes soit elliptiques, soit rectangulaires, une intégration exacte est possible, comme on peut voir par les paragraphes v et vi d’un Mémoire Sur l’influence des frottements dans les mouvements réguliers des fluides. au t. xiii (année 1868) du Journal de Mathématiques pures et appliquées, de Liouville. Et l’on reconnait qu’alors le quotient ou, par suite, le quotient ne dépendent bien, en effet, dans le tube elliptique, que des rapports de aux demi-dimensions correspondantes de la section, mais qu’ils dépendent, en outre, dans le tube rectangulaire, du rapport même de ces demi-dimensions entre elles. Or s’ils sont, de la sorte, pour la section rectangulaire, fonctions de trois variables dans le cas le plus simple, à plus forte raison doivent-ils l’être dans les autres, c’est-à-dire quand le mouvement devient tumultueux ou agité.
      Voici, du reste, une démonstration presque intuitive de ce fait, que, dans le cas de mouvements bien continus, le rapport ne comporte pas une expression de la forme avec et les paramètres arbitraires, sauf quand la section du tube considéré est elliptique. Comme l’équation indéfinie (23) revient alors, vu la constance de et dans l’hypothèse à poser ou, par suite, la substitution, à et à des variables supposées de la fonction donne


      Or, différentions cette dernière relation, soit en soit en puis faisons alternativement tendre vers zéro, dans les résultats, l’inverse de et celui de Il viendra


    Donc la fonction a ses dérivées partielles troisièmes nulles, et elle est un polynôme du second degré. Or elle ne peut vérifier la condition à la paroi, savoir dans le cas considéré de mouvements bien continus, que si l’on a sur tout le contour de la section du tube. Par conséquent, ce contour, d’ailleurs fermé a son équation, du second degré en et il se réduit à une ellipse.

  2. D’après les distributions de vitesses, et la forme des courbes d’égale vitesse près de la paroi, observées par M. Bazin dans des tuyaux et canaux à sections rectangulaires (peu larges), trapézoïdales, triangulaires, etc. (Atlas des Recherches hydrauliques, Planches XVIII, XXI et XXIII), le rapport le long du contour mouillé ne s’éloigne pas beaucoup de l’unité, même pour des formes très différentes de celles d’un cercle, d’un demi-cercle ou d’un rectangle de largeur indéfinie ; car la courbe d’égale vitesse dont l’équation est, suivant les cas, ou soit de près le contour mouillé, d’un bout à l’autre, du moins quand le degré de rugosité n’est pas énorme.
  3. Voir, au sujet de ces procédés qui peuvent être parfois utiles, le 430 de mon Cours d’Analyse infinitésimale pour la Mécanique et la Physique (Calcul intégral, Complément, p. 419).