Théorie des fonctions analytiques/Partie I/Chapitre 03

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Première partie


CHAPITRE III.

Fonctions dérivées des puissances, des quantités exponentielles et logarithmiques, des sinus, cosinus et des expressions composées de ces fonctions simples. Équations dérivées.

10. Puisque tout se réduit à trouver la première fonction dérivée d’une fonction donnée, nous allons donner des règles générales pour la formation des fonctions dérivées des principales quantités qu’on emploie dans l’Analyse.

Par ce que nous venons de démontrer, on voit que la fonction dérivée d’une fonction donnée de la variable n’est autre chose que le coefficient de dans le premier terme du développement de cette fonction, après la substitution de à la place de Ainsi il ne s’agit que de-trouver ce premier coefficient.

Soit donc d’abord on aura

or il est facile de démontrer, soit par les simples règles de l’Arithmétique, soit par les premières opérations de l’Algèbre, que les deux premiers termes de la puissance du binôme sont soit que soit un nombre entier ou fractionnaire, positif ou négatif ; ainsi on aura

De là on tirera de la même manière

de sorte qu’on aura, par la formule générale du no 8,

ce qui est la formule connue du binôme, laquelle se trouve ainsi démontrée pour toutes les valeurs de .

11. Soit en second lieu on aura

Ainsi tout se réduit à trouver les deux premiers termes de la série de développée suivant les puissances de .

Soit, pour cela, alors

par la formule que nous venons de démontrer. Développant les produits de et ordonnant les termes suivant les puissances de on trouvera que les termes multipliés par forment cette série

Donc, faisant pour abréger

les deux premiers termes de la valeur de en série seront on aura par conséquent

On tirera de là, par la même opération répétée,

on aura ainsi

Divisant par et changeant en on aura la série connue

12. Si dans cette formule on fait on aura

et, si l’on fait on aura

Ainsi la quantité est égale à un nombre constant, qui est la valeur de lorsque et par la série précédente on trouve

C’est le nombre qu’on désigne ordinairement par de sorte que la relation entre et se trouve exprimée d’une manière finie par l’équation laquelle donne

Donc, si on aura et par conséquent

d’où l’on tirera, comme ci-dessus,

Or, dans l’équation est ce qu’on appelle le logarithme de étant la base du système logarithmique, c’est-à-dire le nombre dont le logarithme est l’unité, de sorte que cette équation donne pour la base Par la même raison, l’équation donnera pour la base et pour la base .

Dans le système des logarithmes ordinaires, la base a a été prise égale à parce que ces logarithmes sont plus commodes pour le calcul arithmétique ; mais dans l’Analyse on préfère, comme plus simple, le système dont la base est le nombre c’est le système des logarithmes de Neper, qu’on nomme communément logarithmes hyperboliques, parce qu’ils sont représentés par l’aire de l’hyperbole équilatère entre ses asymptotes, et on les désigne par la simple caractéristique Ainsi on a par conséquent, la fonction prime de la fonction est exprimée par (numéro précédent).

Au reste, comme on aura et par conséquent moyennant quoi on peut réduire toutes les exponentielles à la même base .

13. Soit donc, en troisième lieu, on aura, par la nature des logarithmes, Or, devenant devient

Faisant, pour abréger, l’équation deviendra, en y mettant pour et pour

et, divisant cette équation par la précédente, on aura

(numéro précédent).

Effaçant l’unité de part et d’autre, et divisant par après avoir substitué la valeur de on aura, en ordonnant suivant les puissances de

La quantité étant et devant demeurer indéterminée, il faudra que cette équation se vérifie indépendamment de cette quantité ; par conséquent, tous les termes affectés d’une même puissance de devront

se détruire d’eux-mêmes et former autant d’équations à part. On aura donc ainsi

et ainsi de suite.

Donc, étant égal à on aura, en général,

et de là, par la formule générale du no 10, on tirera

valeurs qui satisfont, comme l’on voit, aux différentes équations trouvées ci-dessus. Ainsi, par la substitution de ces valeurs dans la série on aura sur-le-champ

Faisant et changeant en on aura la formule connue

Pour les logarithmes hyperboliques où on aura simplement

14. Lés sinus et cosinus d’angles considérés analytiquementne sont que des expressions composées d’exponentielles imaginaires ; ainsi, on peut déduire leurs fonctions dérivées de celles de ces exponentielles.

Soit donc, en quatrième lieu, comme on a

on fera

et l’on aura (no 12), en mettant au lieu de dans

De même, en faisant

on trouvera

Connaissant ainsi les fonctions primes des fonctions on en déduira facilement toutes les autres fonctions dérivées.

En effet, puisque a donné et que a donné on aura, pour

et, pour on aura

D’après ces formules, on aura sur-le-champ les séries

d’où, en faisant et changeant en on tire les séries connues

15. Les fonctions que nous venons de considérer doivent être regardées comme les fonctions simples analytiques d’une seule variable. Toutes les autres fonctions de la même variable se composent de celles-là par addition, soustraction, multiplication ou division, ou sont données en général par des équations dans lesquelles entrent des fonctions de ces mêmes formes. Ainsi, connaissant les fonctions primes des fonctions simples que nous venons d’examiner, on trouvera aisément les fonctions primes des fonctions composées, et, par les mêmes opérations répétées, on aura successivement les fonctions secondes, tierces, etc.

Soient des fonctions simples de dont soient les fonctions primes connues par les règles précédentes, et qu’on demande la fonction prime d’une fonction composée de on considérera que, devenant devient en général (no 9). Or deviennent en même temps et ainsi des autres. Il n’y aura donc qu’à substituer ces valeurs dans l’expression de développer les termes suivant les puissances de et le coefficient de sera la valeur cherchée de

Ainsi, si étant des coefficients constants quelconques, on aura sur-le-champ

Si la quantité deviendra

donc

Si on trouvera de la même manière

et ainsi de suite.

Si la quantité deviendra

Développant le dénominateur en série par les règles connues, on aura

16. Soit, en général, en regardant comme une fonction primitive de sa fonction prime sera en sorte que, devenant (j’emploie ici la quantité indéterminée à la place de la quantité indéterminée qui désignera toujours l’augmentation indéterminée de ), deviendra (no 8)

Or, étant une fonction de lorsque devient devient (no 8)

donc, faisant deviendra, par la substitution de à la place de

par conséquent, on aura

d’où résulte ce principe, que la fonction prime d’une fonction d’une quantité qui est elle-même une fonction d’une autre quantité est égale au produit des fonctions primes des deux fonctions.

Supposons maintenant que soit une fonction de et de que nous désignerons par il s’agit donc de substituer à la place de dans les deux fonctions et Or il est visible que l’on doit avoir le même résultat, soit qu’on fasse ces deux substitutions à la fois ou successivement, puisque les quantités et sont regardées comme indépendantes.

En substituant d’abord à la place de dans la fonction la fonction regardée seulement comme fonction de devient

j’écris simplement pour désigner la fonction prime de prise relativement à seul, étant regardée comme constante. Substituons maintenant pour dans la fonction deviendra pareillement

représente la fonction prime de prise relativement à seul, étant regardée comme constante. Quant au terme il est visible que, par cette nouvelle substitution, il se trouverait augmenté de termes multipliés par Ainsi les deux premiers termes de la série provenant du développement de après la substitution de pour seront simplement

de sorte qu’on aura

Si était une fonction de représentée par on trouverait de la même manière

et ainsi de suite.

D’où il est aisé de tirer cette conclusion générale, que la fonction prime d’une fonction composée de différentes fonctions particulières sera la somme des fonctions primes relatives à chacune de ces mêmes fonctions, considérées séparément et indépendamment l’une de l’autre.

Ce principe, combiné avec le précédent, suffira pour trouver les fonctions primes de toutes sortes de fonctions, ainsi que les autres fonctions dérivées des ordres supérieurs.

Ainsi, en supposant une fonction quelconque de les fonctions primes de

seront

et leurs fonctions secondes

et ainsi de suite.

17. Mais la fonction pourrait n’être donnée que par une équation quelconque entre et

Représentons cette équation, en général, par on aura, par la résolution, égal à une certaine fonction de qu’on pourra désigner par de sorte que, en substituant pour dans la fonction elle deviendra fonction de seul que nous désignerons par Cette fonction devra donc être nulle quelle que soit la valeur de . Donc elle le sera aussi en mettant pour quelle que soit la valeur de . Mais, par cette substitution, devient

donc, pour que puisse être une quantité quelconque, il faudra que l’on ait séparément les équations

dont la première est l’équation donnée, la seconde est sa fonction prime, la troisième sa fonction seconde, etc.

Or, puisque sera la fonction prime de étant regardée comme fonction de et, par le principe établi dans le numéro précédent, cette fonction prime sera exprimée par en désignant par et les fonctions primes de la fonction prises relativement à seul et à seul.

Donc l’équation donnera

d’où l’on tire

Ayant ainsi la valeur de la fonction prime en fonction de et on aura celle de en prenant la fonction prime de cette fonction, et ainsi de suite.

Il résulte de l’analyse précédente ce principe :

Lorsqu’on a une équation quelconque entre deux variables l’équation subsistera encore entre les fonctions primes de tous ses termes, ainsi qu’entre leurs fonctions secondes, etc. Nous appellerons ces nouvelles équations équations dérivées, et en particulier équations primes, équations secondes, etc., celles qu’on obtient en prenant les fonctions primes, secondes, etc.

Si l’équation ne contenait qu’une seule variable qui dût demeurer indéterminée, ce qui a lieu dans les équations identiques, le même principe subsisterait, et l’on aurait également une équation prime, une équation seconde, etc., qui seraient aussi identiques.

Les Leçons III, IV, V, VI et VII sur le Calcul des fonctions renferment un commentaire sur les principaux points que nous venons de traiter dans ce Chapitre ; on y trouvera des développements utiles et importants et des applications nouvelles.


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