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Théorie des fonctions analytiques/Partie III/Chapitre 06

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Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 386-398).
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Troisième partie


CHAPITRE VI.

De la loi du mouvement du centre de gravité. De la loi des aires dans la rotation autour d’un axe fixe, ou d’un seul point fixe, ou autour du centre de gravité dans les systèmes libres.

31. Nous venons de donner la manière de déterminer les forces qui peuvent résulter de l’action mutuelle des corps dans un système quelconque et qui doivent être ajoutées aux autres forces, dans les équations du no 15, pour avoir les équations complètes du mouvement du système. Quoique les équations de condition

qui donnent naissance à ces forces, dépendent des circonstances particulières de chaque problème, il y a néanmoins des cas généraux qui méritent d’être examinés, parce qu’ils offrent des résultats remarquables.

Le premier de ces cas est celui où les conditions du système sont indépendantes de l’origine des abscisses et où les fonctions désignées par les caractéristiques ne contiennent que les différences des abscisses. Alors il est évident que, si l’on augmente chacune des variables d’une même quantité cette quantité disparaîtra d’elle-même des fonctions dont il s’agit. Or, en substituant à la place de dans la fonction elle devient, par le développement,

Donc on aura nécessairement l’équation du premier ordre

On trouvera, de la même manière,

et ainsi de suite.

Or, si le système n’est soumis à d’autres forces que celles qui peuvent résulter de l’action mutuelle des corps, les équations du mouvement relatives aux coordonnées seront de la forme (no 15)

Donc, ajoutant ces équations ensemble, on aura simplement

équation indépendante des conditions du système.

Cette équation a l’équation primitive

et celle-ci a encore l’équation primitive

et étant des constantes arbitraires.

Ainsi l’on a tout de suite, dans ce cas, une relation entre les différentes abscisses

Il est facile de voir que le cas dont il s’agit aura lieu dans tout système entièrement libre de se mouvoir dans la direction de l’axe des abscisses, quelle que soit l’action que les corps peuvent exercer les uns sur les autres. Car alors, relativement à cet axe, les conditions du système ne pourront dépendre que de la position respective des corps, et nullement de leur position par rapport à l’origine des abscisses ; par conséquent, les équations qui exprimeront ces conditions ne pourront contenir que les différences des abscisses. Et, si les corps exercent les uns sur les autres des attractions ou des répulsions mutuelles, comme les fonctions dues à ces forces ne dépendent que des distances ces fonctions auront aussi la même propriété.

Donc, lorsque le mouvement du système sera tout à fait libre suivant la direction de l’axe des de quelque manière que les corps agissent les uns sur les autres, soit par des forces quelconques de résistance, ou par des forces d’attraction ou de répulsion mutuelle, l’équation précédente entre les abscisses des différents corps aura toujours lieu.

Si l’on prend dans le système un point qui réponde à l’abscisse telle que l’on ait

on aura

en supposant que l’espace soit nul au commencement du temps. Ainsi, le mouvement de ce point suivant la direction de l’axe des sera uniforme avec la vitesse constante

32. Si, dans le même système, on suppose que les corps soient de plus animés par des forces quelconques dirigées suivant l’axe des et tendant à augmenter les il faudra, dans ce cas, ajouter respectivement les quantités aux valeurs de ce qui donnera les équations

dont la somme sera

et, si l’on substitue pour la quantité on aura

équation qui représente le mouvement rectiligne suivant l’axe des d’un corps dont la masse serait et qui serait animé par une force égale à

D’où l’on peut conclure que le point du système qui répond à l’abscisse aura, dans la direction de l’axe des le même mouvement qu’il aurait si tous les corps du système étaient concentrés dans ce point et que toutes les forces qui agissent sur les corps dans la direction du même axe lui fussent appliquées.

33. Si le système est libre à la fois relativement à l’axe des et à celui des il est visible que les mêmes résultats auront lieu pour les mouvements suivant ces deux axes, et, si le système est absolument libre dans tous les sens, alors les mêmes résultats auront lieu par rapport aux trois axes et l’on en pourra conclure que, si l’on prend dans le système un point qui réponde aux coordonnées telles que l’on ait

ce point, lorsque le système n’est animé par aucune force extérieure, se mouvra uniformément en ligne droite, et que, si les différents corps du système sont animés par des forces quelconques, le même point se mouvra comme si tous les corps y étaient concentrés et que toutes les forces y fussent appliquées chacune suivant sa direction propre.

Le point dont il s’agit est connu, en Mécanique, sous le nom de centre de gravité, et la proposition que nous venons de démontrer s’énonce ordinairement ainsi L’état de mouvement ou de repos du centre de gravité de plusieurs corps ne change point par l’action mutuelle des corps entre eux, pourvu que le système soit entièrement libre ; c’est ce qui constitue la loi de la conservation du mouvement du centre de gravité.

Il est bon de remarquer que cette loi a lieu aussi lorsque, par la rencontre et l’action mutuelle des corps, il survient des changements brusques dans leurs mouvements, car on peut regarder ces changements comme produits par l’action de ressorts interposés entre les corps qui se choquent, et dont la durée est presque momentanée. C’est ainsi que l’on peut envisager les changements qui arrivent dans le choc des corps durs, et c’est par cette raison que le mouvement du centre de gravité n’est point altéré dans ces changements.

34. On rapporte communément le centre de gravité de plusieurs corps à trois axes fixes, par le moyen des coordonnées données ci-dessus ; si l’on voulait le rapporter à des points déterminés, alors, nommant les trois coordonnées d’un de ces points et la distance du centre de gravité à ce point, on aurait

Or, si l’on fait le carré de la quantité il est facile de voir qu’on peut le mettre sous la forme

donc on aura (numéro précédent)

et de là

On trouvera de même

et pareillement

Si l’on fait ces substitutions dans l’expression précédente de et que l’on désigne, pour abréger, par la somme des masses multipliées chacune par le carré de sa distance au point donné, cette somme étant de plus divisée par la somme des masses ; et que l’on désigne aussi par la somme des produits des masses prises deux à deux et multipliées par le carré de leurs distances respectives, cette somme étant divisée par le carré de la somme des masses, on aura

Ainsi, comme la quantité ne dépend que de la position respective des corps, si l’on détermine les valeurs de par rapport à trois points différents, pris dans-le système ou hors du système, à volonté, on aura les distances du centre de gravité à ces points, et par conséquent sa position absolue. Si les corps étaient tous dans le même plan, il suffirait de considérer deux points, et il n’en faudrait qu’un seul si tous les corps étaient dans une même ligne droite. En prenant les trois points donnés dans les corps mêmes du système, la position du centre de gravité sera donnée simplement par les masses et par leurs distances respectives. Comme cette manière de trouver le centre de gravité est peu connue, j’ai cru pouvoir la donner ici, à cause de l’utilité dont elle peut être dans plusieurs occasions.

35. Le second cas est celui où les conditions du système sont indépendantes de la direction des axes des et sur le plan de ces coordonnées, en sorte qu’en faisant tourner ces axes autour de l’axe des d’un angle quelconque ce qui changera les abscisses en et les ordonnées en les fonctions représentées par les caractéristiques ne varient point par ces changements, quel que soit l’angle Il est facile de voir que cette propriété aura lieu, en général, dans toute fonction des quantités

Si l’on fait, dans ce cas,

il faudra qu’en substituant à la fois dans ces fonctions à la place de et développant suivant les puissances de la somme des termes affectés d’une même puissance soit nulle. Or, par ces substitutions et par le développement suivant les puissances de la fonction devient

Mais on a

donc les termes affectés de dans la formule précédente seront

par conséquent on aura, pour la fonction l’équation de condition

On trouvera de la même manière, pour la fonction l’équation

et ainsi des autres.

36. Maintenant, si les corps du système n’éprouvent d’autres actions que celles qui peuvent résulter de leur liaison mutuelle, les équations du mouvement relatives aux coordonnées seront de cette forme (nos 26 et 30) :

Donc, si l’on ajoute la seconde de ces équations multipliée par la quatrième multipliée par et ainsi de suite, et qu’on en retranche la première multipliée par la troisième multipliée par etc., on aura, en vertu des équations de condition trouvées ci-dessus, l’équation

qui est aussi, comme l’on voit, indépendante des conditions du système.

En prenant son équation primitive, on aura

étant une constante arbitraire. Ainsi l’on a tout de suite une équation du premier ordre entre les coordonnées des différents corps.

Or mais est la fonction prime de c’est-à-dire du double de l’aire du triangle rectangle dont est la base et la hauteur, et est la fonction prime de l’aire de la courbe comprise entre l’abscisse et l’ordonnée donc sera la fonction prime de la différence du triangle et de l’aire dont nous parlons, et il est facile de voir que cette différence est, en général, égale à l’espace compris entre la courbe dont et sont les coordonnées, et la droite menée de l’origine de ces coordonnées à la courbe, c’est-à-dire à l’aire du secteur décrit par cette même droite, qu’on nomme rayon vecteur.

Ainsi, nommant cette aire, on aura

et, nommant de même l’aire décrite par le rayon vecteur mené à la courbe dont et sont les coordonnées, on aura pareillement

et ainsi des autres. De cette manière, l’équation précédente deviendra

et, comme les fonctions primes se rapportent ici au temps on aura cette équation primitive,

étant une constante arbitraire, qui sera nulle si l’on fait commencer les aires au commencement du temps Alors la somme des aires multipliées chacune par la masse correspondante sera proportionnelle au temps.

Il peut arriver, suivant la forme de la courbe dont et sont les coordonnées, que l’aire décrite par le rayon vecteur soit au contraire la différence de l’aire de la courbe et de celle du triangle, auquel cas on aura

mais il est facile de se convaincre que, dans ce cas, l’aire sera décrite dans un sens opposé. Donc, en général, la somme des produits des masses par les aires sera proportionnelle au temps, en prenant positivement les aires tracées dans le même sens et négativement celles qui seraient tracées dans un sens opposé. C’est une remarque essen-

tielle, et sans laquelle le théorème dont il s’agit ne serait pas vrai en général.

Cette loi des aires aura donc lieu dans le mouvement de tout système de corps agissant les uns sur les autres d’une manière quelconque, pourvu que le système soit entièrement libre de tourner autour de l’axe des perpendiculaire au plan des et car il est visible que les conditions provenant de la liaison mutuelle des corps seront alors les mêmes, quelque direction qu’on donne aux axes des et

Et si les corps agissent les uns sur les autres par des forces d’attraction ou de répulsion, ces forces seront exprimées par des fonctions des distances lesquelles auront aussi la propriété que nous avons supposée ; par conséquent, la même loi des aires aura encore lieu.

Enfin, si les corps étaient de plus animés par des forces quelconques dirigées vers des points donnés de l’axe des éloignés du plan des et des quantités il est facile de conclure des formules du no 15 que l’on aurait à ajouter aux valeurs de et les termes respectifs

et, de même, aux valeurs de et les termes

et ainsi de suite. Donc les valeurs des quantités seront indépendantes de ces forces, et la loi des aires subsistera également dans ce cas ; donc elle subsistera aussi si les corps ne sont animés que par des forces dirigées parallèlement au même axe, et par conséquent perpendiculaires au plan des et

37. Donc, en général, si le système est libre de tourner autour d’un axe fixe, quelle que soit l’action que les corps peuvent exercer les uns sur les autres et de quelques forces qu’ils soient animés, pourvu qu’elles tendent à cet axe ou qu’elles y soient parallèles, la somme des produits de la masse de chaque corps par l’aire que sa projection sur un plan perpendiculaire au même axe décrit autour de cet axe est toujours proportionnelle au temps.

Si donc le système était libre de tourner d’une manière quelconque autour d’un point fixe, et qu’outre l’action mutuelle des corps chacun d’eux fût encore sollicité par une force quelconque tendant à ce point, la même loi des aires aurait lieu relativement à tous les axes qui passeraient par ce même point. Ainsi, dans ce cas, en prenant ce point pour l’origine des coordonnées, on aurait, relativement aux trois axes des coordonnées, ces trois équations du premier ordre (numéro précédent) :

étant trois constantes arbitraires.

38. Si le système était entièrement libre, et qu’il n’y eût aucun point fixe, ces équations, et par conséquent la loi des aires, auraient lieu par rapport à un point quelconque qu’on prendrait pour l’origine des coordonnées et pour tous les axes qu’on ferait passer par ce point.

Il en serait encore de même dans ce cas, si le point dont il s’agit, au lieu d’être fixe dans l’espace, avait un mouvement quelconque rectiligne et uniforme. En effet, supposons qu’il parcoure dans le temps les espaces suivant la direction des axes des les vitesses étant constantes, et soient les coordonnées du corps celles du corps etc. rapportées à ce même point pris pour leur origine ; il est clair qu’on aura

et de même

et ainsi des autres. Donc on aura

et pareillement

et ainsi des autres formules semblables. On aura donc

Or, dans ce cas (nos 32 et 33),

étant des constantes donc, faisant ces substitutions, il viendra

Ainsi la quantité sera encore constante par conséquent, la somme des aires décrites autour de l’axe des passant par le point mobile, multipliées chacune par la masse respective, sera aussi proportionnelle au temps.

On trouvera de la même manière que les deux autres quantités

seront constantes, et qu’ainsi la somme des aires décrites autour des axes de et passant par le même point mobile, multipliées chacune par la masse respective, sera encore proportionnelle au temps.

Donc, puisque, dans le cas dont il s’agit, le centre de gravité du système ne peut avoir qu’un mouvement rectiligne et uniforme (no 33), il s’ensuit que la loi des aires aura lieu aussi par rapport au centre de gravité et pour tous les axes qu’on fera passer par ce centre.

Nous remarquerons encore que la loi des aires dont nous parlons a lieu aussi comme celle du mouvement du centre de gravité, et par la même raison (numéro cité), lorsqu’il survient des changements brusques dans les mouvements du système, par l’action mutuelle des corps qui le composent. Ainsi la même loi peut s’appliquer également au choc des corps durs et à celui des corps élastiques.


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