Traditions indiennes du Canada Nord-Ouest/04

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Maisonneuve Frères et Ch. Leclerc (p. 307-344).


QUATRIÈME PARTIE

LÉGENDES ET TRADITIONS DES DUNÈ
FLANCS-DE-CHIENS ET ESCLAVES













QUATRIÈME PARTIE

LÉGENDES ET TRADITIONS DES DUNÈ
FLANCS-DE-CHIENS ET ESCLAVES[1]


I

ORIGINE DU MONDE

Au commencement, le vieillard Tchapèwi avait deux enfants mâles. C’était au temps des baies de bruyère, c’est-à-dire en automne.

Le vieillard dit à ses deux fils :

— Mes enfants, voici devant vous une quantité prodigieuse de fruits dans ce pays que je vous donne. Vivez heureux, croissez et multipliez-vous, chassez où bon vous semblera, la terre est ouverte devant vous. Mais prenez bien garde d’observer ceci : Ne mangez jamais de fruits blancs[2], car vos dents en seraient agacées ainsi que les dents de vos enfants, à jamais. Vous ne mangerez que des fruits noirs[3], et vous ne sortirez jamais de nuit.

Ainsi parla le vieillard Tchapéwi.

Pendant un certain temps, ses enfants lui obéirent ; mais bientôt la défense qui leur avait été faite produisit sur eux un effet contraire. Ils conçurent un grand désir de l’enfreindre. Le frère cadet porta la main aux fruits blancs ; ils en mangèrent tous les deux, et en eurent les dents agacées.

Alors le vieillard, leur père, se fâcha contre eux.

— Comment ! leur dit-il, vous n’avez pu m’obéir dans une chose de si minime importance !

Il les chassa donc loin de lui, et les relégua dans cette petite île que l’on appelle nan (la terre), pour qu’ils y vécussent malheureux.

Depuis ce temps-là, nous disons que nos pères ont mangé des fruits blancs, et que les dents de leurs enfants en ont été agacées. C’est ce que nous disons en proverbe.

(Racontée par Yétta-nétel,
au Grand-Lac des Ours, en 1868.)


II

ORIGINE DES INDIENS FLANCS-DE-CHIENS
D’APRÈS EUX-MÊMES


Une femme, de la peuplade des Gens-du-Cuivre ou Couteaux-Jaunes[4], habitait seule avec ses frères, car elle n’avait point encore de mari.

Un jour, il arriva dans leur camp un étranger (Edùni) ; c’était, dit-on, un bel homme. Il passa quelques jours sous la tente des Couteaux-Jaunes.

Alors les frères de la femme dirent à leur sœur :

 

— Voici un bien beau mari qui t’arrive. Que ne te maries-tu avec lui ? Mariez-vous donc ! leur dit-on.

Et ils s’assirent aussitôt l’un à côté de l’autre.

La nuit venue, on se coucha, et l’étranger dormit avec la femme Dunè ; mais celle-ci s’étant réveillée pendant la nuit, elle fut bien étonnée de ne point voir son mari à ses côtés.

— Où peut-il être allé ? se demandait-elle.

Cependant, voilà que tout à coup elle entendit un bruit insolite dans la loge, après que le feu s’y fut éteint. C’était un bruit tel que celui que ferait un chien en grugeant des os dans le foyer.

— Quel peut être ce chien que j’entends ronger ainsi des os ? se demanda-t-on ; car il n’existait point de chien avec ces gens-là.

Vite on se lève, on rallume le feu, on cherche dans tous les recoins. Mais de chien, point.

Les habitants de la tente s’étant recouchés après cette alerte, le même bruit se renouvelle dès que l’obscurité se fait de nouveau.

— D’où vient donc ce chien qui rôde dans notre loge ? Nous n’avons point de chien avec nous, se dirent les Dunè.

Alors, l’un des frères lança sa hache de pierre dans le coin d’où partait le bruit qui les épouvantait. Un cri de douleur retentit au milieu de la nuit. Vite on se lève, on attise le feu, on produit de la lumière. Et qu’aperçoit-on ? Là, sur les cendres, baigné dans son sang, est un gros et beau chien noir que la hache a tué.

Quant à l’Étranger, il ne reparut plus jamais !

— Ah ! c’était donc ce chien qui, homme durant le jour et marié à notre sœur, se métamorphosait en chien pendant la nuit ! se dirent les frères Dunè. C’est un Ennemi, un Eyunné (revenant, fantôme).

Ainsi pensèrent les deux frères.

Aussitôt, ils chassèrent leur sœur de leur compagnie, parce qu’elle avait dormi avec le chien, le Magicien ennemi, l’Homme-Chien. Ils furent pour elle sans pitié, afin de ne pas mourir eux-mêmes.

Elle s’installa donc loin du pays de ses pères, pleurant et portant dans son sein le fruit de ses amours avec l’Ennemi-Chien qui l’avait séduite. Elle vécut toute seule dans le désert, à l’orient du territoire dènè, tendant des lacets aux blancs lapins des bois, et des hameçons en os ou en arêtes aux vertes truites des grands lacs.

Ce fut ainsi qu’elle parvint toute seule à pourvoir à sa subsistance.

Cependant la femme Couteau-Jaune accoucha, et mit au monde une portée de six petits chiens. Honteuse de son fruit, mais cependant amoureuse de sa progéniture, elle cacha ses petits dans un naltchieth[5].

Un jour qu’elle était allée, comme de coutume, visiter ses collets à lièvre, elle aperçut, à son retour, sur les cendres tièdes du foyer central, des empreintes de petits pieds nus d’enfants.

— D’où viennent ces pistes humaines ? se dit la pauvre mère. Il n’y a dans ma sacoche que mes petits chiens !…

Le lendemain, étant retournée à ses collets, le même phénomène se renouvela.

— Évidemment, ce sont mes petits qui en agissent ainsi, se dit la Couteau-Jaune. Ils sortent, de jour, pour jouer, et alors ils sont hommes comme leur père. Mais rentrés dans les ténèbres du sac, ils redeviennent chiens. Bien ! je sais ce que je vais faire…

La pauvre mère attacha donc une longue lanière à la coulisse dont l’orifice de la sacoche était garnie, et, la prenant dans sa main lorsqu’elle partit, le lendemain, pour sa course ordinaire, elle dit :

— Ah ! mes petits, soyez bien sages, voilà que maman s’en va quérir des lièvres blancs pour votre repas.

Ce disant, elle partit traînant sa lanière ; mais au lieu de s’en aller, elle se blottit derrière un fourré de buissons et attendit, tremblante, que les petits chiens sortissent de leur nid sombre et chaud.

Ce moment ne se fit pas attendre.

Quelques instants après, elle entendit les petits chiens qui s’entre-disaient : « Maman est partie. Sortons et jouons. »

Alors un petit chien mit le nez à l’air, il huma l’air de tous côtés d’un air inquisiteur ; puis, se voyant seul, il bondit hors de la sacoche, et, à peine sur le foyer, il devint un beau petit garçon, tout nu. Un autre, puis un autre, suivirent le premier, et les voilà tous les six, petits garçons et petites filles, jouant, dansant et se divertissant autour du feu central de la loge.

Le cœur de la femme Dunè palpitait d’émotion.

— Ah ! si je puis les empêcher de rentrer de nouveau dans les ténèbres de la sacoche, se dit-elle, ils seront hommes pour toujours.

Ce disant, elle tira vivement à elle la lanière qui en fermait la coulisse ; mais, avant que l’ouverture du sac eût eu le temps de se resserrer, trois petits enfants y avaient sauté et y étaient redevenus chiens.

Quant aux trois autres, deux petits garçons et une petite fille, ils essayèrent bien aussi de se dérober à la lumière ; mais ils demeurèrent hors du sac et conservèrent la nature humaine,

La pauvre femme accourut alors. Elle s’empara de ses trois enfants, elle les couvrit de caresses, elle leur donna de petits vêtements blancs en peaux de lièvre tressées, et les éleva.

Quant aux trois autres, qui s’étaient obstinés à redevenir chiens, elle les détruisit sans pitié.

Les deux frères devinrent très puissants par la vertu de la magie paternelle dont ils avaient hérité. Leur tente était constamment bien pourvue de venaison.

Alors ils pensèrent à aller visiter leurs oncles maternels, et ceux-ci ne les repoussèrent plus, comme ils avaient fait de leur mère, parce qu’ils étaient de bons chasseurs et des hommes redoutables par la magie.

Les deux frères épousèrent ensuite leur sœur et en eurent un grand nombre d’enfants. Et ces enfants, c’est nous-mêmes, donc, nous les Dunè, que nos parents maternels nomment L’in-tchan-ρèh ou Flancs-de-Chiens, en souvenir de notre ancêtre, l’Homme-Chien.

(Racontée par Yétta-nétel,
au Grand-Lac des Ours, en avril 1866.)


III

LE DÉLUGE DES TρA-KWÉLÉ OTTINÈ


Après que Tchapèwi (le vieillard) eut chassé ses deux enfants de sa présence, il se relégua en courroux vers un détroit qui unit deux eaux immenses (mers), vers le Nord.

Là il habita tout seul, fâché et maussade, parce que ses enfants avaient enfreint ses ordres.

Tout à coup l’on entendit gronder l’abîme, comme s’il allait monter et s’épancher sur la terre. Une pluie torrentielle tomba du ciel pendant le sommeil du vieillard, et l’eau des mers ayant monté, monté, elle couvrit bientôt cette petite terre.

Alors Tchapéwi ou Etéwékwi, debout sur le détroit, une jambe posée sur l’une et l’autre rive, repêchait avec ses larges mains les animaux et les hommes que les eaux entraînaient et les replaçait sur la terre ferme. Mais l’eau montant toujours, il fabriqua un grand radeau sur lequel il plaça un couple de chaque espèce d’animaux, et il s’en alla à la dérive, sur son radeau, après que l’eau eut recouvert toute la terre.

La pluie tomba longtemps, et l’eau dépassa les plus hauts sommets des montagnes Rocheuses. On n’en pouvait plus, et tous les animaux qui étaient sur le radeau soupiraient après la terre. Mais de terre, il n’y en avait plus.

Alors Tchapéwi fit plonger successivement tous les animaux amphibies, la loutre, le castor, le rankanli ou canard de Miquelon[6]. Mais ce fut en vain.

À la fin, il lâcha le rat musqué, qui remonta le ventre en l’air, pâmé et à bout de souffle, tant la terre était loin, loin au fond des eaux.

Mais le petit rat musqué tenait serré dans sa patte un peu du limon terrestre que le vieillard-magicien plaça sur la surface de l’eau reposée.

Ce peu de vase se développa sous son souffle puissant ; il s’étendit, il s’étendit jusqu’à former un disque assez grand pour soutenir un petit oiseau que le vieillard plaça dessus.

Il continua à souffler, et, la terre s’agrandissant encore, Tchapèwi y plaça un corbeau. Il souffla toujours, et bientôt la terre put supporter un renard. C’est fini, elle a atteint les proportions que nous lui voyons ; et sur ce grand disque, Etéwékwi replaça tous les autres animaux pour qu’ils y vécussent comme autrefois[7]. Puis il soutint le disque avec un gros et fort étançon, et le tout fut complet.

Tradition des Tρa-kfwélé-ottiné et des Ttsé-ottiné
du Grand-Lac des Ours, recueillie en 1868.


IV

LE DÉLUGE DES L’IN-TCHON-PρÈH


Un jeune homme se promenait sur les bords de la mer, lorsqu’une baleine (L’ué tchô ; littér. : poisson-gros) apparut à la surface des eaux.

— Gros poisson, avale-moi ! s’écria le jeune homme.

Aussitôt il se jeta dans les flots et fut avalé par le monstre marin, qui le garda trois jours dans ses flancs.

Cependant la sœur du jeune Dunè se lamentait sans cesse sur le rivage. Elle pleurait le sort cruel de son frère cadet, lorsque tout à coup la baleine reparut et se montra à la surface de la mer.

Alors, du fond des entrailles du monstre, une voix se fit entendre qui criait : « Oh ! ma sœur, ma sœur, combien je suis malheureux dans le ventre du gros poisson ! ses viscères me brûlent. Ah ! je t’en supplie, jette au gros poisson un de tes souliers, en en retenant les cordons dans les mains, et tire-moi d’ici. »

Alors la jeune fille détacha un de ses souliers, et le jeta au monstre en en retenant dans ses mains les longs cordons. La baleine ouvrit sa grande gueule et avala le soulier. Mais le jeune homme s’en saisit aussitôt, et sa sœur tirant à elle par les cordons, elle contraignit le monstre à revomir son frère.

Il le vomit sur le rivage, plus mort que vif, mais cependant sain et sauf. Alors le monstre, courroucé de voir sa proie lui échapper, donna sur la mer un coup de queue si vigoureux que des vagues immenses en résultèrent. Elles s’élevèrent comme des montagnes, et retombant sur la terre, elles l’engloutirent, et elle fut inondée.

Seuls, les deux jeunes gens furent sauvés.

(Racontée par Sa-kρa-nétρa-wotρa, en juin 1864.)

Cette légende du déluge pourrait aussi bien s’intituler, comme on le voit, le Jonas flanc-de-chien.

Les autres tribus Dènè ne possèdent pas cette tradition, à l’exception des Peaux-de-Lièvre, du fort Bonne-Espérance, qui ont pu l’apprendre de leurs voisins flancs-de-chiens. Mais il est bon de remarquer que l’histoire parabolique ou merveilleuse du Jonas hébreu se retrouve aussi dans les souvenirs des indigènes des îles Touamotou.

En effet, d’après un récit du R. P. Montiton, daté de 1874, il est dit que « un homme kanak de cet archipel fut avalé par une baleine, et qu’il brûlait dans le sein du monstre marin. Au bout de plusieurs jours, il éventra le monstre qui, de douleur, se jeta sur un récif et y rendit sa proie vivante ».

Les deux fables ont donc eu la même origine, et c’est du Pacifique que le mythe est parvenu sur le continent colombien.

Ces mêmes Kanaks attribuent d’ailleurs le cataclysme du déluge aux mœurs antiphysiques d’une race d’hommes qu’ils nomment, comme mes Dènè, Hommes-Chiens. (Missions cathol., 1874, page 343.)


V

DUNÈ YA-MON RIYA

(l’homme qui a fait le tour du ciel )


Alors on partit pour la guerre, pour la destruction de ses semblables, à l’exception d’une vieille femme qui demeurait avec son fils. Beaucoup de guerriers passaient sur le sentier. Il y avait aussi beaucoup de femmes. Mais la vieille prit les flèches de son fils pour l’empêcher de partir pour la guerre. Elle pleurait et criait vainement : « Ne partez pas. »

Ils n’en partirent pas moins.

Après leur départ, le jeune homme dit à sa vieille mère :

— Mère, je veux aussi suivre la foule.

Et il partit seul.

Il suivit le grand sentier de guerre, il examina la contrée, et ayant découvert une grande tente du haut d’une montagne, il s’assit sur la déclivité de la montagne et examina le pays. Finalement, il redescendit la montagne et se rendit à la grande loge qu’il avait vue du sommet.

Un vieillard et sa vieille femme y demeuraient. Dans des marmites de racines de sapin tressées, ils faisaient cuire du lapin et du poisson, dont ils lui servirent à manger.

Les deux vieillards avaient une fille fort jolie, que le jeune homme se prit à désirer ardemment. Après donc qu’ils eurent mangé ce que la jeune fille leur servit, et que cette dernière se fut couchée, les vieillards dirent à leur hôte :

— Voilà notre fille qui est seule. Couche donc auprès d’elle et dors avec elle.

Le jeune homme Dunè alla donc vers la jeune étrangère ; il se coucha à côté d’elle, il lui prit les seins, il voulut la connaître ; mais aussitôt il ne sentit à ses côtés qu’une belette blanche.

Cependant il ne se tint point pour battu, il la connut tout de même et devint par force son mari.

Le lendemain, cette fille dit à ses père et mère :

— Celui-ci m’a ravi toute ma magie.

— Qu’importe ! lui répondirent-ils.

— Alors, je vais aller visiter mes lacets à lièvres, dit-elle.

Le jeune homme l’accompagna dans sa visite. Il prit des lièvres par la vertu de sa médecine. Puis il se dirigea vers un petit lac ; il y jeta une pierre et tua un énorme brochet.

Il manquait de flèches. Il lança un morceau de bois dans les branches d’un arbre ; elles tombèrent converties en flèches. Mais ces flèches n’étaient pas empennées.

Il lui fallait donc des plumes. Il regarda en l’air et apercevant l’aire d’un aigle à tête blanche, à la cime d’un grand sapin, il y grimpa et s’introduisit dans le nid de l’aigle.

L’aiglon s’y trouvait tout seul.

— Homme, dit-il au jeune magicien, mon père et ma mère sont absents. S’ils te trouvent ici à leur retour, tu es perdu. Cache-toi sous mes ailes.

— Alors, dis-moi à quoi je distinguerai ton père de ta mère.

— L’aigle mâle produit la neige ; l’aigle femelle fait tomber la pluie, dit l’aiglon.

Il mit l’homme à couvert et s’accroupit dans son aire, en le cachant de ses ailes étendues.

Tout à coup, l’aigle géant Nontiélé rentra au nid avec de la pâture. C’était la femelle, et elle portait un grand bonnet. Elle servit à son fils de la chair fraîche.

L’homme la tua, et elle mourut.

L’instant d’après, l’aigle géant mâle arriva à son tour, d’un grand coup d’ailes.

— Cela sent la chair humaine ! s’écria-t-il.

Ce disant, il déposa dans l’aire un petit enfant, qu’il donna en pâture à l’aiglon.

L’homme le tua à son tour. Mais il dit au petit aigle qui l’avait protégé :

— Quant à toi, tu vas partir et désormais tu ne vivras que de poisson que tu pêcheras.

Et il le laissa partir.

Mais il dépouilla les deux autres aigles, et obtint ainsi des plumes pour empenner ses flèches, des plumes de tonnerre.

Tout à coup, un Etiê-kotchô (renne-gigantesque) se montra sur le sentier. Il y était couché, immense, gigantesque.

On n’en pouvait mais ; comment le tuer ? Tout le monde se cachait sous les arbres.

Alors le jeune magicien dit à la souris :

— Creuse pour moi une route souterraine vers le monstre.

La souris pénétra dans la terre, elle la creusa, elle y pratiqua un souterrain jusque sous les flancs du gros mangeur d’hommes, jusque sous son cœur. Le magicien se glissa à sa suite. Tous deux sortirent de terre en cet endroit, ils percèrent les flancs de l’Etié-kotchô, ils le tuèrent au cœur, et il mourut sur-le-champ. Le magicien en prit le nerf et s’en alla.

Il désira alors avoir des pointes pour ses flèches, des pointes de silex, et il se mit à chercher. Tout à coup, il aperçut un énorme crapaud qui faisait la jonglerie sur un bloc de silex où il était couché. L’homme prit de la glaise, il en fit des boules dures et tassées, qu’il lança avec force sur le crapaud et le tua. Puis il prit les pierres de flèche que le crapaud avait fabriquées par la vertu de sa médecine.

Étant ainsi muni d’une femme et de flèches magiques. Dunè partit pour la guerre.

Tout à coup il entend aboyer un chien, pronostic de la présence de l’homme, et aperçoit comme un glouton qui traverse rapidement le sentier.

L’ayant aperçu avant que le glouton le vît :

— C’est moi qui l’ai vu le premier, se dit-il. Il est donc à moi.

Il courut sur le carcajou, le rejoignit, lui jeta son manteau sur la tête, le perça de ses flèches et se coucha sur lui. C’était un homme, un guerrier ennemi. Aussitôt il le scalpa, et repartit.

Il y avait en ce lieu une rivière ; il la franchit d’un bond et se trouva sur l’autre rive, dans le pays des Carcajous. Il y avait une grande foule de Carcajous en ce lieu, et on voyait de toutes parts leurs demeures. Il entendit les petits carcajous qui pleuraient pour avoir de la pâture.

Aussitôt le magicien se cacha ; il contrefit le mort et se mit aux aguets. Les Carcajous, le croyant mort en effet, s’en approchèrent imprudemment. Aussitôt il en frappa un et l’atteignit au nez. Le Carcajou éternua, se moucha, et de son nez il en sortit la résine des sapins.

Alors le jeune homme s’en revint vers sa femme qu’il avait laissée auprès de sa mère.

— Change-toi en ourse ! dit-il à sa femme.

La vieille s’y opposait, de crainte qu’il ne la tuât ensuite. Mais lui le voulait et cela se fit. Elle devint ourse.

— Ah ! mon gendre, s’écria la vieille mère, si les jeunes gens voient ma fille en cet état, ils la prendront pour une ourse véritable, et la tueront.

Ce disant, elle lui enleva toutes ses armes ; mais lui se jeta sur l’ourse qui se sauvait et la tua à coups de flèches.

En mourant, l’ourse reprit sa forme de femme et appela son père à son secours, demandant vengeance et justice. Le vieillard assaillit le magicien, qui courut vers un lac, s’y précipita, et, en y plongeant, se métamorphosa en castor.

Alors le vieillard, indigné et furieux de la méchanceté de Yamon, se métamorphosa en hydre (Yikóné), animal gigantesque, semblable à un bœuf, mais avec des ailes sur le dos.

Il descendit du ciel, se posa sur les eaux du lac et les engloutit toutes, puis il se reposa sur le rivage. Son ventre immense était tendu comme une vessie gonflée, tant il était plein d’eau.

Le magicien commanda alors au pluvier de courir vers l’hydre et de lui percer le ventre, de son bec fin et acéré. L’oiseau lui obéit. Il perça le ventre de l’hydre, et aussitôt les eaux qu’il contenait en sortirent en mugissant. Depuis ce temps-là, les grandes eaux mugissent.

Quant au bœuf ailé, il repartit pour le ciel ; et l’inondation que causa cet afflux d’eau considérable noya les deux vieillards.

On voulait cependant se défaire d’un sorcier si redoutable. Mais Dunè-Yamon-riya se jeta de nouveau à l’eau, redevint castor, remonta le Naotcha (fleuve Mackenzie), et s’en alla construire une immense chaussée à Na-déinlin tchô (le Rapide des Remparts), où il demeura quelque temps sous la forme d’un poisson, sur l’île Etié-ndué ou des Rennes.

Puis, ayant quitté ce gîte, toujours de crainte d’être surpris par les ennemis, il remonta encore le Mackenzie, sur le rivage, en compagnie du Porc-épic. Parvenus au second Rapide du fleuve, le Rapide Nadéinlin-tsélé ou Sans-Saut, il lui fit traverser le fleuve sur son dos, et il plaça ce porc-épic en haut du Rapide pour qu’il y demeurât jusqu’à la fin des temps, sur la rive gauche.

Quant à lui, toujours castor, il construisit en ce lieu, en travers du Naotcha, un second barrage qui est le Rapide Sans-Saut ; puis il retraversa le fleuve, se fixa sur la rive droite au lieu nommé Tsa-tchô-tρè-niha (le gros castor qui trempe la queue à l’eau) ; car cette île ainsi nommée est effectivement sa queue. C’est la fin[8].

(Racontée par Yékki, femme Esclave
du fort Norman, en 1877.)


VI

DATTINI

(les kolloches)


On demeurait sur les bords d’un lac des Montagnes-Rocheuses, occupé à la chasse du castor. Une femme, qui accompagnait son mari, à la chasse, mais qui le suivait de loin, arriva, à la tombée de la nuit, au carrefour de deux sentiers. Elle ne put discerner quel était celui des deux que son mari avait suivi, elle se trompa de route, s’égara, et arriva bientôt vers un grand feu que des inconnus avaient allumé dans la forêt.

Comme il pleuvait et qu’elle était toute mouillée, la femme Dunè se hâta d’atteindre ce feu, pour s’y faire sécher et se réchauffer. Un étranger y était installé et il était seul. Elle le reconnut bien vite pour un Khà-tsélè-ottinè[9] ; mais il n’était plus temps, il la prit pour femme cette même nuit et l’emmena le lendemain au bord de la mer, de l’autre côté des montagnes.

Peu après le départ de la femme Dunè, son mari, qui la cherchait, inquiet, arriva ; mais elle avait disparu. Vainement il la chercha pendant tout l’été et tout l’automne.

Quant à elle, elle arriva au camp des Khàtsélé-ttiné avec son ravisseur, et y passa l’hiver.

Le printemps suivant arriva, l’on se transporta aux écluses de pêche, le long des rivières, et on y demeura. La femme Dunè reconnut, en ce lieu, parmi des têtes humaines qui étaient exposées sur un boucan pour s’y dessécher à la fumée, le chef de son mari infortuné, et elle se prit à se lamenter.

Alors, son ravisseur, furieux, voulut la tuer de ce qu’elle manifestait tant d’émotion. Mais elle usa de ruse et prétexta un mal imaginaire. Elle prit même le crâne de son mari et se joua avec lui, pour mieux donner le change à ses assassins.

Cependant elle pria un enfant, en secret, de lui aiguiser son couteau de cuivre ; puis elle alla au bord de l’eau pendant la nuit, et perfora tous les canots de ses persécuteurs, à l’exception d’un seul qu’elle mit à part, afin de le reconnaître.

Elle se coucha ensuite, et se joua avec son ravisseur comme avec un mari qu’elle chérirait tendrement. Lui, sans soupçon ni méfiance, dormit paisiblement et se coucha sur le dos. La femme Dunè tira alors de son sein son couteau de cuivre acéré et coupa la gorge de son ravisseur.

Elle prit sa petite chienne et lui dit :

— Amie, produis pour moi une brume épaisse, par ta médecine.

Puis elle quitta la loge, monta dans le canot qu’elle avait mis à part et s’abandonna au courant.

Alors une vieille, mère du chef ennemi auquel la femme venait de trancher la tête, se mit à pousser de grands cris en disant :

— Voilà que mon fils a eu la tête coupée, et que sa tête a disparu. C’est sa femme qui vient de l’emporter ! Saisissez-la donc ! Coupez-lui la bouche et apportez-la-moi !

Toute la tribu poursuivit la pauvre femme. Ils se jetèrent tous dans leurs pirogues, au milieu des ténèbres, et se hâtèrent après elle. Mais tout à coup ils s’écrièrent que leurs canots calaient, et qu’ils se noyaient.

Ils se noyèrent tous effectivement, et il ne resta de cette peuplade d’incirconcis que les femmes et les enfants.

Alors, durant la nuit, la femme Dunè revint au camp de ses ennemis et lia tous les enfants et toutes les femmes pendant leur sommeil ; puis elle prit des provisions et se sauva dans son pays.

Voilà ce qu’une femme courageuse de notre nation exécuta jadis. Son nom, nous ne le savons pas. Mais ses ennemis étaient des Dattini (des Kolloches)[10].

(Racontée par Yékki, femme Esclave, en 1877.)


VII

CHIW GUL’A AKUTCHIA

(l’effondrement de la montagne)


Après que la terre eut été refaite par Tchapéwi, tous les hommes se réfugièrent sur une terre très élevée, une haute montagne, et ils y construisirent quelque chose de rond et de tubulaire, semblable au tuyau de ton poêle, mais très vaste et très haut.

— Si l’inondation arrive encore et qu’elle envahisse la terre, nous nous réfugierons dans ce fort élevé, se dirent-ils.

Il y avait tout auprès de ce grand tube de pierre des houillères en combustion (Derkρonni).

Or, comme ils avaient déjà élevé leur fort très haut, ils entendirent tout à coup partir du flanc de la montagne des voix terribles qui se moquaient d’eux et disaient en ricanant :

— Voilà que votre langage n’est plus le même ; votre langage est tout changé ! leur disait-on en riant d’un air sinistre.

Les hommes tressaillirent d’épouvante et se mirent à frémir de frayeur. Au même instant, les mines de bitume qui fumaient autour d’eux prirent feu, les rochers éclatèrent, la montagne s’entr’ouvrit, et il en sortit un feu immense ; puis elle s’affaissa avec un grand fracas, et à sa place il n’y eut plus qu’une plaine vaste et morne, couverte de débris fumants.

Quant aux hommes, atterrés et pleins d’effroi, ils s’étaient dispersés par petits groupes dans toutes les directions, désormais incapables de se comprendre les uns les autres.

Cet écroulement de la terre-haute eut lieu dans l’Ouest.

(Racontée par le chef montagnard Téti-wotρa, dit
Timbré, en 1869.)


VIII

TρUNÉ

(les habitants du lac)


Longtemps avant que nous vinssions habiter sur les bords de ce grand Lac des Ours, il y avait en ces lieux un peuple que nous nommions Tρu-né ou Gens du lac[11].

Ils y étaient depuis fort longtemps et étaient fort simples, naïfs et extrêmement timides.

Lors donc que les Dunè arrivèrent sur les bords du Lac des Ours, ils voulurent chasser ou plutôt détruire les Tρu-né, afin de s’emparer de leur territoire.

Nous arrivâmes au bord du grand lac par la montagne des Petits-Poissons, qui le domine, et d’où l’on découvre le pays fort au loin.

Les Tρu-nè ne se tenaient pas sur la défensive ; ils se croyaient seuls et ignoraient le danger imminent qui les menaçait.

Les Dunè arrivèrent donc au bord du Lac des Ours par la grande presqu’île qui sépare les deux baies de l’Ouest, et par les hauteurs que tu vois d’ici.

Parvenus sur le sommet de la montagne et sur les déclivités qui regardent le Sud, ils campèrent et allumèrent un grand feu de bivouac sur le cap que voilà là-bas.

Les Tρu-né étaient campés sur les bords de la baie (Keith) ignorant le danger. Lorsqu’ils virent le grand feu qui flamboyait dans les ténèbres, tout au haut du cap, ils furent tout surpris, et eurent la simplicité de le prendre pour une grosse étoile.

Ils n’en dormirent donc pas moins et ronflèrent en toute sécurité. Pendant leur sommeil, les Dunè les entourèrent, les surprirent, de sorte qu’il n’en réchappa pas un seul.

C’est pourquoi, dans le chant de victoire que les Dunè consacrèrent à célébrer ce beau fait d’armes, ils font dire aux Tρu-nè :

Kokkèra ghé kkè, ta fwin nétchay ya kkè tahay ? — « Sur la hauteur du sentier, quelle est donc cette grosse étoile qui étincelle au ciel ? »

Voilà pourquoi le cap que tu vois là-bas porte le nom de Kokkèraghé (la hauteur où il y a un sentier)[12].

(Racontée par Edjiéréttsi,
au Grand-Lac des Ours, en 1866.)


IX

MACKENZIE LONG-COU

(récit véridique d’un chasseur métis franco-dènè )


Au printemps de l’an 1799, un officier de la Compagnie franco-écossaise dite « du Nord-Ouest » vint construire un fort de traite au grand Lac des Ours, sur la côte septentrionale de la baie Keith. Il se nommait Mackenzie, car il était Écossais. Mais, par dérision, ses serviteurs, qui étaient tous des Français du Canada, le nommaient Grand-Cou. Il en était souverainement détesté à cause de sa raideur, de sa morgue, et parce qu’il accablait de travail ses malheureux serviteurs tout en les rationnant.

Il les faisait travailler en hiver de six heures du matin à six heures du soir, sans leur donner autre chose à manger que six harengs ; car, à cette époque comme de nos jours, le grand Lac des Ours nourrissait une grande quantité de harengs ; mais ces poissons, comme tu le sais, ne sont pas plus longs que la main.

À cette époque, les bourgeois qui faisaient le commerce des fourrures n’étaient pas habillés comme de nos jours. Ils portaient un long et vaste habit rouge à revers, avec de grands boutons, des souliers dont les tiges atteignaient les genoux, un chapeau avec des cornes ; et ils avaient au côté gauche un grand couteau pointu qui traînait jusqu’à terre : un costume bien ridicule, en vérité.

Tandis que les engagés de Mackenzie Long-Cou jeûnaient forcément, tout en travaillant douze heures par jour, leur bourgeois se gorgeait de bonne et grasse venaison, de langues de renne, de petits gâteaux et d’eau-de-feu. Aussi, le mécontentement était-il général.

Un jour que les Canadiens étaient comme de coutume en chantier, abattant, piquant et équarrissant les sapins dont ils devaient construire les bâtisses du nouveau fort, Mackenzie arriva et les trouva qui se reposaient en fumant leur pipe, assis sur un tronc d’arbre. Moi aussi j’étais là, car j’habitais alors le grand Lac des Ours ; j’avais seize à dix-sept ans et je chassais pour vivre. Ce jour-là, j’avais vainement battu les bois et n’avais tué qu’un faisan que j’avais passé à ma ceinture. Quoique je sois bien vieux, je m’en rappelle comme si cela venait de se passer.

Un des Canadiens, qui se nommait Desmarets et était occupé à faire une porte, se reposait aussi avec les autres lorsque Grand-Cou apparut.

— Allons, allons, à l’ouvrage, tas de paresseux ! s’écria-t-il en français, quand il nous vit assis et fumant.

— Paresseux ! répliqua Desmarets. On ne l’est pas, M’sieu, quanqu’on prend haleine un petit brin, et qu’on l’a que du hareng z’à manger. Ça ne donne pas de force, ça, le hareng, allez.

— Silence ! et à l’ouvrage !… s’écria Mackenzie avec colère, car si tu ne te tais…

Il n’acheva pas, mais il porta la main au grand couteau qui traînait à son côté.

— Ah ! coquin d’Anglais ! tu me menaces ? s’écria Desmarets. Penses-tu que tu vas nous traiter comme des esclaves, parce que nous sommes à ta solde ? Tu manges comme un c… quatre fois par jour, tandis que nous faisons les dents longues sur ton hareng. Laisse donc ton sabre tranquille ou bien je prendrai ma hache…

Mais avant que le Français eût fini de parler, Mackenzie avait dégainé et l’avait frappé à la cuisse d’un coup d’épée.

Le sang jaillit de la blessure à gros bouillons, et Desmarets tomba à terre en criant :

— Ah ! coquin d’Anglais, tu m’as tué !

Il avait à la cuisse une blessure large comme la main. À cette vue, je fus saisi de colère ; quoique sauvage, j’aimais les Français parce que mon grand-père était Français. Si Mackenzie eût fait un geste de plus, je l’aurais tiré à bout portant ; mais il essuya son long couteau sur sa botte, le remit au fourreau, et se hâta de rentrer dans sa maison, où il s’enferma à double tour.

Cependant les camarades de Desmarets étaient allés chercher une couverture. Ils y déposèrent le blessé et le transportèrent dans sa case, en jurant contre le bourgeois.

— C’est bon ! dirent-ils tous d’une voix. Puisqu’on nous traite comme des chiens, que l’on nous tue, qu’on tire sur nous comme sur des esclaves, on va tous désarter. Que la Compagnie s’arrange comme elle pourra. Qu’a charche ailleurs des nageurs, des timoniers, des équarrisseurs, des voyageurs, des hommes à tout faire. Nous allons tous gagner le bois et vivre avec les Chavages ; c’est pas de valeur pour nous, ça.

M. Leblanc arriva. M. Leblanc, c’était le commis et il était français. Celui-là, les Français l’aimaient, parce qu’il n’était pas fier, qu’il parlait au monde ; mais non pas l’autre.

Tout en donnant tort à son chef, M. Leblanc chercha à calmer la colère des Canadiens. Il leur promit, de la part de Mackenzie, que ces scènes ne se renouvelleraient plus, et qu’ils seraient mieux traités. Il pansa avec soin la blessure de Desmarets. Il sortit du hangar aux provisions de la bonne viande d’orignal, de la graisse, des langues de renne. Il apporta aussi de la farine, du sucre, du thé et du tabac.

— Tenez, mes amis, mangez, régalez-vous, nous dit-il. Voilà ce que M. Mackenzie vous envoie, à condition que vous oublierez tout, et que vous ne rapporterez à personne la scène qui vient de se passer.

— Ah ! puisque c’est ainsi, les choses peuvent s’arranger. Si l’on nous traite bien, nous serons plus forts, nous travaillerons mieux. Si l’on ne lève pas le sabre contre nous, nous serons respectueux envers le bourgeois. Vous pouvez lui dire cela, dirent les Canadiens.

C’est ainsi que les choses s’arrangèrent. Il y a de cela quatre-vingts hivers, et je m’en souviens encore comme si c’était d’hier.

(Raconté en tchippewayan, en 1863, au Grand-Lac
des Esclaves, par François Beaulieu, ancien chef
Couteau-Jaune, d’origine franco-crise-dènè.)


TEXTE ET TRADUCTION LITTÉRALE

de la première légende


TCHAPEWI ou ETEWEKWI

Akfwéré-ton Au commencement Etéwékwi vieillard inl’ané, un, Tchapéwi Tchapéwi ulyé appelé yinlé, était, wéya ses fils nadéné deux hommes wéya ses fils ρinlè. étaient.

Ekhu Alors ρattanhè l’automne ρottsen vers itta, on était vu que, djiyé de fruits entl’on beaucoup yakhinli. il y avait. Etéwékwi Le vieillard wéyazé-khié ses fils-deux aëndi leur dit sin : donc :

— Sékhiéné — Ma suite khié, deux, enρon voilà ici tédi cette nan terre kkié sur djiyé de fruits entl’on beaucoup yagunl’i il y a ensin, vu que, ρottsen de cela naχinnigé heureux dayuna. vivez. Tta ékkié ρottsen jusque nawozé je vais chasser yénafwen vous pensez aëkρanon, lorsque, ρottsen jusque-là dalia ; allez-y ; khuli mais otρié très bien sédakkié- obéissez- ahattié : moi : Djiyé Les fruits dékρalé blancs ρonchiéayé mangez sanan ! ne pas ! Béρon chiayè endé, Vous les mangez si, naχiéwu vos dents él’éwukkρas agacées wolléni, seront, naχiékhiéné vos descendants kkρatcho. aussi. Eyitta C’est pourquoi djiyé les fruits delzen noirs éjiji ceux-là seuls khi âha-wolléni. vous les mangerez. Akhula Et de plus ttpédh la nuit tpindâha sanan, ne sortez pas, akhiéndi. leur dit-il.


— Enh ! enh ! — Oui ! ayékhendi répondirent kotchilé. les deux frères.

Nivwa Loin koyan un peu ρottsen jusque eltchilékhu les deux frères wétρa leur père dakkié-akhintté, obéirent à, kρuli mais étaχon ensi tout à coup wétchélé : le cadet :

— Djiyé — Des fruits ρonchiéwotρi, je veux manger, yéniwen pensa-t-il itta, vu que, éyitta c’est pourquoi djiyé des fruits kρayé blancs wémon il cueillit ensi et les yayité. mangea, Khinté L’aîné tay aussi wétchélé son cadet kkiézén comme afwen. agit.

Eyitta C’est pour cela que Tchapéwi Tchapéwi khittsen contre eux ittchié : se fâcha :

— Ta — Comment oniρon donc du sédakkié ahâtté on ? n’avez-vous pas pu m’obéir ? akhuyendi. leur dit-il.

Ekhu Alors éyitta c’est pourquoi édéttchattsen loin de lui naïnténéha, il les pourchassa, tédi cette ndu île tsélé petite kkié sur nivwa loin tidilla, il les plaça étρiénetti misérables yayenda ils vivent kunkρa. pour que. Eyitta C’est pourquoi doékρa ainsi diti nous ensi : disons :

— Naχiédéjiékhé — Nos ancêtres djiyé des fruits kρayé blancs khiéha ont yinlé, mangé, ensin, donc, akhu et naχiéni, nous, wéttsihonné leurs descendants idli, qui sommes, l’énaχiéwu-dékkpas, en avons eu les dents agacées, diti. disons-nous.


HÉROS ET DIVINITÉS DES FLANCS-DE-CHIENS


Dattini (les Kolloches).

Dunè ya-mon-riyay (l’homme qui a fait le tour du ciel).

Etié-Kotchô (le renne gigantesque).

L’intchanρè hètρa (le père des Flancs-de-Chiens).

Nontièlè (l’aigle gigantesque).

Tchapéwi ou Ennèdhèkwi (le vieillard).

Tρatsan (le corbeau).

Tρu-nè (les habitants du lac).

Tsa-tchôρ (le castor géant).

Yikônè (l’hydre ou le bœuf ailé).

  1. Ces deux tribus appartiennent à la grande famille Dènè. Les Flancs-de-Chiens habitent depuis le Mackenzie jusqu’à la baie d’Hudson, au-dessous du 64° de latitude Nord ; — les Esclaves, depuis le même fleuve jusqu’à la chaîne des Grands-Pics, dans les Montagnes-Rocheuses, entre le 64° et le 58° de latitude.
  2. C’est-à-dire verts.
  3. C’est-à-dire mûrs.
  4. Les Tρal’-tsan-Ottinè ou Couteaux-Jaunes, les Copper-Indians des Anglais, les Red-knives de sir John Franklin. Notons que le principal noyau des Cuivres habite aux bouches et le long du fleuve du Cuivre, qui est tributaire de la mer de Béring. Cette légende se passe donc sur les rivages méridionaux de l’Alaska.
  5. Sacoche à coulisse faite avec des peaux de jambes de renne cousues ensemble. Cette peau étant fort dure, ces sacoches servent aussi de traîneaux, en hiver, en y adaptant une lanière qui sert à les traîner sur la neige.
  6. Harella glacialis.
  7. Les Hébreux chantaient, du temps de David : « Il (Jéhovah) a étendu la terre sur les eaux, parce que sa miséricorde est éternelle ! » (Ps. 136, v. 6.)
  8. Ainsi qu’on peut s’en convaincre, cette légende des Esclaves est une compilation de plusieurs traditions des Peaux-de-Lièvre. Sa finale est identique à la XXXVIe, p. 234 (Souré-Khé). Elle lui est supérieure en ce sens que le peuple dènè y est personnifié en cet homme qui a fait le tour du ciel dans ses pérégrinations (Ya-mon riya). Nous avons de plus ici la preuve historique que les Dènè sont entrés en Amérique par le Nord et en remontant le fleuve Mackenzie.
  9. Littér. : Gens aux petits phalles. C’est aussi le nom des Dènè Tchippewayans, en Cris ; les Pointus.
  10. C’est aussi le nom esclave des Cris. (Comparez avec la XXXIXe des Peaux-de-Lièvre, intitulée Intton-pa, page 246.
  11. Contraction de Tρu : eau, lac, et Gottiné : gens, habitants.
  12. Si ce fait d’assassinat nocturne n’est pas un conte, il est probable que ces Tρu-nè devaient être une petite peuplade esquimaude, venue des rives de la Copper-mine ou rivière du Cuivre, du Nord.