Traité élémentaire de chimie/Partie 2/Tableau 3
(1789)
Je n’ai point formé de tableau pour les combinaisons de la lumière & du calorique avec les substances simples ou composées ; parce que nous n’avons point encore des idées suffisamment arrêtées sur ces sortes de combinaisons. Nous savons, en général, que tous les corps de la nature sont plongés dans le calorique, qu’ils en sont environnés, pénétrés de toutes parts, & qu’il remplit tous les intervalles que laissent entr’elles leurs molécules : que dans certains cas le calorique se fixe dans les corps, de manière même à constituer leurs parties solides ; mais que le plus souvent il en écarte les molécules, il exerce sur elles une force répulsive, & que c’est de son action ou de son accumulation plus ou moins grande que dépend le passage des corps de l’état solide à l’état liquide, de l’état liquide à l’état aériforme. Enfin nous avons appelé d’un nom générique de gaz toutes les substances portées à l’état aériforme par une addition suffisante de calorique ; en sorte que si nous voulons désigner l’acide muriatique, l’acide
carbonique, l’hydrogène, l’eau, l’alkool dans l’état aériforme, nous leur donnons le nom de gaz acide muriatique, gaz acide carbonique, gaz hydrogène, gaz aqueux, gaz alkool.
À l’égard de la lumière, ses combinaisons & sa manière d’agir sur les corps sont encore moins connues. Il paroît seulement, d’après les expériences de M. Berthollet, qu’elle a une grande affinité avec l’oxygène, qu’elle est susceptible de se combiner avec lui, & qu’elle contribue avec le calorique à le constituer dans l’état de gaz. Les expériences qui ont été faites sur la végétation, donnent aussi lieu de croire que la lumière se combine avec quelques parties des plantes, & que c’est à cette combinaison qu’est due la couleur verte des feuilles & la diversité de couleurs des fleurs. Il est au moins certain que les plantes qui croissent dans l’obscurité sont étiolées, qu’elles sont absolument blanches, qu’elles sont dans un état de langueur & de souffrance, & qu’elles ont besoin pour reprendre leur vigueur naturelle & pour se colorer, de l’influence immédiate de la lumière.
On observe quelque chose de semblable sur les animaux eux-mêmes ; les hommes, les femmes, les enfants s’étiolent jusqu’à un certain point dans les travaux sédentaires des manufactures, dans les logements resserrés, dans les rues étroites des villes. Ils se développent au contraire, ils acquièrent plus de force & plus de vie dans la plupart des occupations champêtres & dans les travaux en plein air.
L’organisation, le sentiment, le mouvement spontané, la vie, n’existent qu’à la surface de la terre & dans les lieux exposés à la lumière. On diroit que la fable du flambeau de Prométhée étoit l’expression d’une vérité philosophique qui n’avoit point échappée aux anciens. Sans la lumière, la nature étoit sans vie, elle étoit morte & inanimée : un Dieu bienfaisant, en apportant la lumière, a répandu sur la surface de la terre l’organisation, le sentiment & la pensée.
Mais ce n’est point ici le lieu d’entrer dans aucuns détails sur les corps organisés ; c’est à dessein que j’ai évité de m’en occuper dans cet Ouvrage, & c’est ce qui m’a empêché de parler des phénomènes de la respiration, de la sanguification & de la chaleur animale. Je reviendrai un jour sur ces objets.