Traité élémentaire de chimie/Partie 2/Tableau 4

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Tableau des combinaisons binaires de l’oxygène


Tableau des combinaisons binaires de l’oxygène avec les substances métalliques & non métalliques oxydables et acidifiables.


   
    Premier degré d’oxygénation.
    Noms nouveaux. Noms anciens.
   
Combinaisons de l’oxygène avec les substances simples non métalliques, telles que : Le calorique Le gaz oxygène Air vital ou déphlogistiqué
L’hydrogène On ne connoît qu’un degré de combinaison de l’oxygène & de l’hydrogène, & cette combinaison forme de l’eau.
L’azote Oxyde nitreux ou
base du gaz nitreux
Gaz nitreux
Le carbone Oxyde de carbone Inconnu
Le soufre Oxyde de soufre Soufre mou
Le phosphore Oxyde de phosphore Résidu de la combustion
du phosphore
Le radical muriatique Oxyde muriatique Inconnu
Le radical fluorique Oxyde fluorique Inconnu
Le radical boracique Oxyde boracique Inconnu

Combinaisons de l’oxygène avec les substances simples métalliques, telles que : L’antimoine Oxyde gris d’antimoine Chaux grise d’antimoine
L’argent Oxyde d’argent Chaux d’argent
L’arsenic Oxyde gris d’arsenic Chaux grise d’arsenic
Le bismuth Oxyde gris de bismuth Chaux grise de bismuth
Le cobalt Oxyde gris de cobalt Chaux grise de cobalt
Le cuivre Oxyde rouge brun de cuivre Chaux rouge brune de cuivre
L’étain Oxyde gris d’étain Chaux grise d’étain
Le fer Oxyde noir de fer Ethiops martial
Le manganèse Oxyde noir de manganèse Chaux noire de manganèse
Le mercure Oxyde noir de mercure Ethiops minéral
Le molybdène Oxyde de molybdène Chaux de molybdène
Le nickel Oxyde de nickel Chaux de nickel
L’or Oxyde jaune d’or Chaux jaune d’or
Le platine Oxyde jaune de platine Chaux jaune de platine
Le plomb Oxyde gris de plomb Chaux grise de plomb
Le tungstène Oxyde de tungstène Chaux de tungstène
Le zinc Oxyde gris de zinc Chaux grise de zinc


   
    Second degré d’oxygénation.
    Noms nouveaux. Noms anciens.
   
Combinaisons de l’oxygène avec les substances simples non métalliques, telles que : Le calorique   —   —
L’hydrogène On ne connoît qu’un degré de combinaison de l’oxygène & de l’hydrogène, & cette combinaison forme de l’eau.
L’azote Acide nitreux Acide nitreux fumant
Le carbone Acide carboneux Inconnu
Le soufre Acide sulfureux Acide sulfureux
Le phosphore Acide phosphoreux Acide volatil du phosphore
Le radical muriatique Acide muriateux Inconnu
Le radical fluorique Acide fluoreux Inconnu
Le radical boracique Acide boraceux Inconnu

Combinaisons de l’oxygène avec les substances simples métalliques, telles que : L’antimoine Oxyde blanc d’antimoine Chaux blanche d’antimoine,
Antimoine diaphorétique
L’argent   —   —
L’arsenic Oxyde blanc d’arsenic Chaux blanche d’arsenic
Le bismuth Oxyde blanc de bismuth Chaux blanche de bismuth
Le cobalt   —   —
Le cuivre Oxyde vert & bleu de cuivre Chaux verte & bleue de cuivre
L’étain Oxyde blanc d’étain Chaux blanche d’étain ou
potée d’étain
Le fer Oxyde jaune & rouge de fer Ocre & rouille
Le manganèse Oxyde blanc de manganèse Chaux blanche de manganèse
Le mercure Oxyde jaune & rouge de mercure Turbith minéral,
précipité rouge,
précipité per se.
Le molybdène   —   —
Le nickel   —   —
L’or Oxyde rouge d’or Chaux rouge d’or
Précipité pourpre de Cassius
Le platine   —   —
Le plomb Oxyde jaune & rouge de plomb Massicot & minium
Le tungstène   —   —
Le zinc Oxyde blanc de zinc Chaux blanche de zinc, Pompholix




[TABLEAU suiv.]



OBSERVATIONS


Sur les combinaisons binaires de l’oxygène avec les substances simples métalliques & non métalliques.


L’oxygène est une des substances les plus abondamment répandues dans la nature, puisqu’elle forme près du tiers en poids de notre atmosphère, & par conséquent du fluide élastique que nous respirons. C’est dans ce réservoir immense que vivent & croissent les animaux & les végétaux, & c’est également de lui que nous tirons principalement tout l’oxygène que nous employons dans nos expériences. L’attraction réciproque qui s’exerce entre ce principe & les différentes substances est telle, qu’il est impossible de l’obtenir seul & dégagé de toute combinaison. Dans notre atmosphère, il est uni au calorique qui le tient en état de gaz, & il est mêlé avec environ deux tiers en poids de gaz azote.

Il faut, pour qu’un corps s’oxygène, réunir un certain nombre de conditions : la première est que les molécules constituantes de ce corps n’exercent pas sur elles-mêmes une attraction plus forte que celles qu’elles exercent sur l’oxygène ; car il est évident qu’alors il ne peut plus y avoir de combinaison. L’art dans ce cas peut venir au secours de la nature, & l’on peut diminuer presqu’à volonté l’attraction des molécules des corps, en les échauffant, c’est-à-dire, en y introduisant du calorique.

Échauffer un corps, c’est écarter les unes des autres les molécules qui le constituent ; & comme l’attraction de ces molécules diminue suivant une certaine loi relative à la distance, il se trouve nécessairement un instant où les molécules exercent une plus forte attraction sur l’oxygène, qu’elles n’en exercent sur elles-mêmes ; c’est alors que l’oxygénation a lieu.

On conçoit que le degré de chaleur auquel commence ce phénomène, doit être différent pour chaque substance. Ainsi, pour oxygéner la plupart des corps & en général presque toutes les substances simples, il ne s’agit que de les exposer à l’action de l’atmosphère, & de les élever à une température convenable. Cette température pour le plomb, le mercure, l’étain, n’est pas fort supérieure à celle dans laquelle nous vivons. Il faut au contraire un degré de chaleur assez grand pour oxygéner le fer, le cuivre, &c. du moins par la voie sèche & lorsque l’oxygénation n’est point aidée par l’action de l’humidité. Quelquefois l’oxygénation se fait avec une extrême rapidité, & alors elle est accompagnée de chaleur, de lumière & même de flamme ; telle est la combustion du phosphore dans l’air de l’atmosphère, & celle du fer dans le gaz oxygène. Celle du soufre est moins rapide : enfin celle du plomb, de l’étain & de la plupart des métaux, se fait beaucoup plus lentement & sans que le dégagement du calorique, & sur-tout de la lumière, soit sensible.

Il est des substances qui ont une telle affinité pour l’oxygène, & qui ont la propriété de s’oxygéner à une température si basse, que nous ne les voyons que dans l’état d’oxygénation. Tel est l’acide muriatique que l’art, ni peut-être la nature, n’ont encore pu décomposer, & qui ne se présente à nous que dans l’état d’acide. Il est probable qu’il y a beaucoup d’autres substances du règne minéral qui, comme l’acide muriatique, sont nécessairement oxygénées au degré de chaleur dans lequel nous vivons ; & c’est sans doute parce qu’elles sont déjà saturées d’oxygène, qu’elles n’exercent plus aucune action sur ce principe.

L’exposition des substances simples à l’air, élevées à un certain degré de température, n’est pas le seul moyen de les oxygéner. Au lieu de leur présenter l’oxygène uni au calorique, on peut leur présenter cette substance unie à un métal avec lequel elle ait peu d’affinité. L’oxide rouge de mercure est un des plus propres à remplir cet objet, sur-tout à l’égard des corps qui ne sont point attaqués par le mercure. L’oxygène dans cet oxide tient très-peu au métal, & même il n’y tient plus au degré de chaleur qui commence à faire rougir le verre. En conséquence on oxygène avec beaucoup de facilité tous les corps qui en sont susceptibles, en les mêlant avec de l’oxide rouge de mercure, & en les élevant à un degré de chaleur médiocre.

L’oxide noir de manganèse, l’oxide rouge de plomb, les oxides d’argent, & en général presque tous les oxides métalliques peuvent remplir jusqu’à un certain point le même objet, en choisissant de préférence ceux dans lesquels l’oxygène a le moins d’adhérence. Toutes les réductions ou revivifications métalliques ne sont même que des opérations de ce genre : elles ne sont autre chose que des oxygénations du charbon par un acide métallique quelconque. Le charbon combiné avec l’oxygène & avec du calorique, s’échappe sous forme de gaz acide carbonique, & le métal reste pur & revivifié.

On peut encore oxygéner toutes les substances combustibles en les combinant, soit avec du nitrate de potasse ou de soude, soit avec du muriate oxygéné de potasse. À un certain degré de chaleur, l’oxygène quitte le nitrate & le muriate, pour se combiner avec le corps combustible : mais ces sortes d’oxygénation ne doivent être tentées qu’avec des précautions extrêmes & sur de très-petites quantités. L’oxygène entre dans la combinaison des nitrates & sur-tout des muriates oxygénés, avec une quantité de calorique presqu’égale à celle qui est nécessaire pour le constituer gaz oxygène. Cette immense quantité de calorique devient subitement libre au moment de sa combinaison avec le corps combustibles ; & il en résulte des détonations terribles auxquelles rien ne résiste.

Enfin on peut oxygéner par la voie humide une partie des corps combustibles, & transformer en acides la plupart des oxides des trois règnes. On se sert principalement à cet effet de l’acide nitrique, auquel l’oxygène tient peu & qui le cède facilement à un grand nombre de corps, à l’aide d’une douce chaleur. On peut également employer l’acide muriatique oxygéné pour quelques-unes de ces opérations, mais non pas pour toutes.

J’appelle binaires les combinaisons des substances simples avec l’oxygène, parce qu’elles ne sont formées que de la réunion de deux substances. Je nommerai combinaisons ternaires celles composées de trois substances simples, & combinaisons quaternaires celles composées de quatre substances.