Traité élémentaire de trigonométrie rectiligne (Bovier-Lapierre)/12

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CHAPITRE XII.

LIGNES TRIGONOMÉTRIQUES POUR DES ARCS QUELCONQUES.


60. Comme la valeur des lignes trigonométriques dépend de l’arc de circonférence, ces lignes sont appelées fonctions circulaires. On ne les emploie pas seulement pour la résolution des triangles ; elles sont aussi d’un usage fréquent dans les diverses parties des mathématiques. Mais alors l’arc auquel elles correspondent n’est plus limité à 180°, il peut croître jusqu’à 360° et au-delà.

De plus, dans tout ce qui précède, les arcs ont toujours été pris dans la direction de A vers B (fig. 21). Or il peut arriver qu’on ait à prendre un arc en

Fig. 21.


sens inverse de A vers B′. Pour indiquer ce changement de direction, on donnera le signe à ce dernier arc, et, par conséquent, les arcs comptés de A vers B seront considérés comme ayant le signe .

Il s’agit maintenant d’étudier les six lignes trigonométriques pour les arcs positifs > 180° et pour tous les arcs négatifs.

1o Soit l’arc et .

Son sinus est , sa tangente est , sa sécante est , son cosinus est , sa cotangente est , et sa cosécante est .

Si on désigne par a l’arc , l’arc sera égal à , et, d’après l’égalité des triangles rectangles de la figure, on trouve facilement

   

2o Soit l’arc et .
Son sinus est , sa tangente est , sa sécante est , son cosinus est , sa cotangente est , sa cosécante est .

Comme l’arc est égal à l’arc , l’arc est égal à , et on a

   

3o Si à un arc moindre que on ajoute un nombre entier de circonférences, le nouvel arc se terminera au même point que le premier ; donc, deux arcs qui diffèrent d’un nombre entier de circonférences ont les mêmes lignes trigonométriques.

Si, à l’arc moindre que , on ajoute un nombre impair de demi-circonférences, ce qui revient à ajouter un nombre entier de circonférences, plus une demi-circonférence, les lignes trigonométriques du deuxième arc ont la même valeur absolue que celles du premier avec des signes contraires, excepté la tangente et la cotangente qui conservent le même signe.

Quand on doit chercher une ligne trigonométrique d’un arc supérieur à , par exemple sin , on retranche d’abord de cet arc autant de fois que possible  ; il reste . Donc est égal à . Ce dernier arc étant compris entre et , son sinus est négatif et sa valeur absolue est égale à celle du sinus de  ; donc .

4o Soit un arc négatif égal en valeur absolue à l’arc désigné par a ; cet arc sera égal à , et on aura

   


donc les lignes trigonométriques d’un arc négatif sont égales en valeur absolue, et avec des signes contraires, aux lignes trigonométriques du même arc positif, excepté le cosinus et la sécante, qui ont le même signe que pour l’arc positif.

61. Arcs correspondant à une ligne trigonométrique donnée.

1o Sinus. — Soit, par exemple, .

On prend (fig. 21)xx de  ; par le point C, on tire parallèle à , et on a ainsi les deux arcs et dont le sinus est égal à . Soit a le plus petit  ; le plus grand sera égal à ou , en désignant la demi-circonférence par , pour abréger l’écriture.

À ce même sinus correspondent aussi tous les arcs qu’on obtient en ajoutant un nombre entier de circonférences à l’arc a et à l’arc  ; car ils se terminent tous en M et en N. Ces arcs forment les deux suites


                  représentée par  ;

           représentée par  ;


la lettre n désignant un nombre entier quelconque positif.

À ce sinus donné correspondent encore les deux arcs négatifs et , et tous les arcs négatifs qu’on obtient en ajoutant à ces deux arcs un nombre entier quelconque de circonférences négatives. Ces arcs forment les deux suites
                représentée par  ;

représentée par .

Or, si l’on convient que n exprime un nombre entier quelconque négatif aussi bien que positif, sera contenu dans et dans .

Donc tous les arcs correspondant à un sinus donné sont exprimés par les formules

(29)                ,xxxx,


dans lesquelles n est un nombre entier quelconque positif ou négatif, pouvant être égal à 0.

2o Cosinus. Soit par exemple .

En prenant de et menant parallèle à , on a pour les arcs cherchés les deux arcs et , et tous les arcs formés en ajoutant un nombre entier de circonférences à l’arc et à l’arc . Ces arcs forment les deux suites

 
représentées par


n étant un nombre entier positif.

Au cosinus donné correspondent encore l’arc négatif égal à et l’arc négatif égal à , et tous les arcs obtenus en ajoutant à ces deux arcs un nombre entier de circonférences négatives. Ces arcs forment les deux suites

 
représentées par

Mais si l’on regarde n comme un nombre entier positif ou négatif, sera contenu dans  ; donc tous les arcs correspondant à un cosinus donné sont exprimés par la formule
(30)                                .

3o En faisant le même raisonnement, on trouvera facilement, pour les arcs correspondant à une sécante donnée,
(31)                                 ;
pour les arcs correspondant à une cosécante donnée
(32)                     ;
pour les arcs correspondant à une tangente et une cotangente données (33)                                .

62. Formules relatives à la somme et à la différence de deux arcs.

Cette question a été traitée au no 35 pour deux arcs a et b, dont la somme ne surpasse pas 180°, l’arc b étant plus petit que l’arc a pour le sinus et le cosinus de la différence . Nous allons montrer que les formules s’appliquent à deux arcs quelconques. Nous partirons de ce point qu’elles sont démontrées pour le cas où les deux arcs a et b font une somme moindre que 90° comme dans la figure 12.

Considérons d’abord les deux formules

(8)

1o Démontrons qu’elles conviennent à deux arcs u et v dont la somme est , chacun étant .

Soient et , leurs compléments ; on aura

.

Les deux arcs et étant dans le cas pour lequel les formules ont été démontrées, on a

Remplaçant par , et par , afin d’éliminer et , on obtient
xx
xx

Or on a


xxxx

En substituant ces valeurs dans les deux égalités précédentes, on trouve

(p)


ce qui montre que la règle exprimée par les formules (8) s’applique aussi au cas de deux arcs dont la somme ne surpasse pas 180°, chacun étant moindre que 90°.

2o Les deux formules démontrées pour les deux arcs u et v sont encore vraies si l’on augmente ces deux arcs d’un nombre quelconque de quadrants.

En effet, ajoutons d’abord 90° à l’arc u ; soit

,xx d’où xx.

Remplaçant u par cette valeur dans les formules (p), nous aurons

,
xxx .

Or, quand on change le signe d’un arc, son cosinus ne change pas, mais le sinus prend un signe contraire (no 60) ; on aura donc

En substituant ces valeurs dans les deux égalités précédentes, on trouve

                

Cette démonstration fait voir qu’on pourrait augmenter l’arc m encore d’un quadrant, puis d’un second, etc., ainsi que l’arc v ; donc les formules (8) sont vraies pour deux arcs quelconques positifs.

3o Démontrons maintenant que les formules

(9)


sont vraies, quels que soient les arcs positifs a et b.

Soit . On peut augmenter a d’un nombre entier positif de circonférences assez grand pour que l’arc soit positif, ce qui ne change pas le sinus et le cosinus. Les deux arcs et étant positif, on a


xxx

On peut ôter un nombre entier de circonférences à ces arcs sans altérer les lignes trigonométriques ; on a donc


xxxx


ou


xxxx
ce qui démontre la question.

4o Les formules s’appliquent aussi au cas où les deux arcs seraient négatifs.

En effet, on a


or on a aussi


on obtiendra, par la substitution de ces valeurs,

on aurait de même

Ainsi, pour trouver le sinus et le cosinus de la somme de deux arcs négatifs, on doit suivre la même règle que pour deux arcs positifs.

63. Autre démonstration des formules (8) et (9).

Soient (fig. 22) deux arcs quelconques et  ; l’arc sera égal à . Si l’on tire et perpendiculaires à et parallèle à

Fig. 22.


, on aura
d’où .

Le triangle donne, d’après le no 30,

.

Le triangle rectangle donne aussi
-----

En effectuant les carrés, et en se rappelant qu’on a ,
on trouve

.

Égalant cette valeur de avec celle qu’a donnée le triangle , on a :

,


ou, en réduisant et transposant les termes :

.

Si l’on remplace par , on obtient

ou

On peut tirer de en remarquant que est égal à . En effet, on a alors

,


ou                                   

Pour avoir , on remplacera par dans , et il viendra

.

Ainsi de l’une des formules (8) et (9) on peut déduire les trois autres.

Remarque. — Si les extrémités des deux arcs partant du point tombaient sur une droite perpendiculaire à l’un des diamètres comme les arcs et , le triangle rectangle n’existerait plus ; mais on aurait la 2e valeur de en écrivant

,


ce qui amènerait au même résultat.

Cette démonstration est donc générale.

64. Problème. — Étant donné , calculer et .

Soit . On a les deux équations

                                                  

                                                  

En résolvant ces deux équations par la méthode ordinaire, on trouve

.

Il faut observer que, pour une tangente donnée , on trouve deux sinus égaux et de signes contraires, et qu’il en est de même pour le cosinus. En effet, la tangente donnée correspondant non-seulement à l’arc , mais à tous les arcs représentés par la formule (33) , on doit obtenir le sinus et le cosinus de tous ces arcs, c’est-à-dire et .

Or tous ces sinus se réduisent à deux, ainsi que ces cosinus.
En effet, si on prend pair, on a


car une ligne trigonométrique ne change pas quand son arc est augmenté ou diminué d’un nombre entier de circonférences.

Si on prend impair, on a, pour la même raison,


Cela est facile à vérifier sur une figure.

65. Problème. — Calculer et en fonction de .

Prenons les équations

,


fournies par les formules (10) et (1).

En représentant par et par , on a à résoudre les équations

.

En additionnant membre à membre, on a

,


d’où

.

En retranchant la première de la seconde, membre à membre, on a

,


d’où

.

Connaissant ainsi la somme et la différence des inconnues, on obtient

(34)

Il y a donc pour et pour quatre valeurs qui sont égales deux à deux et de signes contraires : c’est ce que met en évidence le tableau suivant :



Les quatre valeurs de sont les mêmes que celles de . Nous allons voir qu’il en devait être ainsi.

En effet, les équations doivent donner le sinus et le cosinus de la moitié de tous les arcs correspondant au sinus donné, , c’est-à-dire de la moitié de tous les arcs représentés par les formules (29)

On doit donc obtenir

xx et xx.
xx et xx.

Or le sinus et le cosinus d’un arc ne changent pas quand l’arc est diminué d’un nombre pair de demi-circonférences positives ou négatives, et ne font que changer de signe quand le nombre de ces demi-circonférences est impair.

D’après cela, on a

pour pair ou
pour impair.
pour pair ou
pour impair.
pour pair ou
pour impair.
pour pair ou
pour impair.

De plus, comme les arcs et sont complémentaires, on a encore

xx et xx.

Construction des racines. — Soit  ; menons par le point la droite parallèle à , et prenons égal à (fig. 23).

Tous les arcs correspondant au sinus donné sont :

, et augmenté d’un nombre entier de circonférences positives ;

, et augmenté d’un nombre entier de circonférences positives ;

, et augmenté d’un nombre entier de circonférences négatives ;

, et augmenté d’un nombre entier de circonférences négatives.

Fig. 23.

On a donc à construire les sinus et cosinus des arcs suivants :

1o , et augmenté d’un nombre entier de demi-circonférences positives ;

2o , et augmenté d’un nombre entier de demi-circonférences positives ;

3o , et augmenté d’un nombre entier de demi-circonférences négatives ;

4o , et augmenté d’un nombre entier de demi-circonférences négatives.

Les arcs de la première et de la troisième séries ont leur origine en et se terminent en et en . Leurs sinus sont et , égaux et de signes contraires ; leurs cosinus sont et , égaux et de signes contraires.

Les arcs de la deuxième et de la quatrième séries ont leur origine en et se terminent en et en . Leurs sinus sont et , égaux et de signes contraires ; leurs cosinus sont et , égaux et de signes contraires.

Il est facile de démontrer ensuite qu’on a

et  ;


car l’égalité des triangles rectangles , , donne

.


Ainsi, les quatre racines sont .

Remarque. — Lorsque le sinus d’un arc a est donné en même temps que l’arc, il n’y a plus qu’une des quatre solutions qui convienne pour le sinus et le cosinus de la moitié de cet arc. Le choix ne présente aucune difficulté.

D’abord, d’après l’arc lui-même, on verra si est positif ou négatif. S’il est positif, par exemple, il reste à chercher quelle est celle des deux racines positives qu’on doit prendre pour  : or ces deux racines sont l’une et l’autre . Tout se réduira donc à connaître, d’après la valeur de , si le sinus est plus grand ou plus petit que le cosinus.


FIN.