Traité populaire d’agriculture/Composition chimique du sol

La bibliothèque libre.
Composition chimique du sol

SECTION PREMIÈRE.

Composition chimique du sol.

Le sol se compose de substances minérales et de matières organiques, c’est-à-dire, de matières ayant appartenu à des êtres organisés, animaux ou végétaux.

Les substances minérales du sol proviennent de la décomposition des roches qui se montrent à la surface du globe. Cette décomposition, œuvre de plusieurs siècles, a été opérée par l’action continuelle et simultanée de l’air et de l’eau. Cette action chimique et mécanique de l’air et de l’eau a peu à peu désuni, désagrégé et réduit en poussière les divers éléments des roches sur lesquelles elles s’est exercée.

La végétation, de son côté, a contribué à la formation des sols arables, en y accumulant tous les ans et pendant des siècles aussi, des débris plus ou moins considérables fournis par la chute des feuilles, la décomposition des racines, des tiges, de tous les êtres organisés ayant appartenu au règne végétal ou au règne animal.

Au point de vue de ses rapports avec les plantes, le sol remplit une double fonction :

1oil offre un appui à la plante, sert de milieu à ses racines, — rôle mécanique ;

2oil fournit au végétal les substances minérales et organiques qui doivent concourir à sa nourriture, — rôle chimique. C’est à ces substances que nous donnons le nom d’éléments constitutifs, réservant celui d’éléments dominants aux substances qui déterminent, par leur quantité, la nature agricole des sols.

I
ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS.

1oSilice.

La silice est un corps composé, formé par la combinaison de deux corps simples. Ces deux corps simples sont le silicium, espèce de métal, et l’oxygène, qui est un gaz.

La silice n’est donc autre chose que l’oxyde de silicium ; mais comme elle est douée de propriétés acides et que de fait c’est un acide, on la désigne sous le nom d’acide silicique.

La silice est une des substances minérales les plus communes ; on la trouve dans tous les sables. Elle constitue le cristal de roche et forme la base des cailloux et des autres matières pierreuses dont les champs sont semés.

Les propriétés de la silice varient suivant qu’elle est anhydre, c’est-à-dire privée d’eau, ou hydratée, c’est-à-dire en combinaison avec l’eau.

La silice anhydre est une poudre blanche, sans odeur et sans saveur, insoluble dans l’eau et dans les acides. C’est un des corps les plus durs de la nature ; elle raie le verre et fait feu par le choc du briquet. En contact avec la soude[1] et la potasse, elle fond à une haute température et forme du verre.

La silice hydratée, connue aussi sous le nom de silice gélatineuse, a la consistance et l’apparence d’une gelée de fruits. Dans cet état, la silice est un peu soluble dans l’eau pure, c’est-à-dire qu’elle peut s’y dissoudre, très soluble dans l’eau lorsque celle-ci contient déjà en dissolution un peu de potasse ou de soude.

Dans le sol la silice se montre sous plusieurs états, avec des propriétés distinctes :

1osous forme de grains blancs, durs, rayant le verre, insolubles, c’est-à-dire ne pouvant pas se dissoudre dans l’eau et dans les acides : — acide silicique anhydre ;

2osous forme de poudre blanche, très fine ou en gelée avec l’eau, et alors plus ou moins soluble dans ce liquide : — acide silicique hydraté ;

3oenfin combinée avec d’autres substances, telles que la chaux, la potasse, l’alumine :[2] — silicates.

Ces nouvelles substances, combinées avec la silice (acide silicique), portent le nom de silicates.

À l’état de sable, la silice modifie d’une manière différente les propriétés physiques et mécaniques des sols, suivant la grosseur des grains.

Ainsi, le sable silicieux à gros grains ne peut retenir qu’environ 20 pour 100 de son poids d’eau, tandis que le sable très fin peut en retenir jusqu’à 30 pour 100.

La silice doit être considérée non seulement comme partie constituante du sol qui supporte la plante, mais aussi, dans une certaine mesure, comme substance minérale alimentaire.

Quand on fait brûler une plante, tout ne se détruit pas ; on en obtient ce qu’on désigne sous le nom général de cendres. C’est une matière minérale. Cette matière existait dans la plante, car évidemment la combustion ne l’a pas formée ; d’où il faut conclure qu’il existe des matières minérales servant à l’alimentation des végétaux.

Parmi ces matières se trouve la silice.

C’est à la présence de la silice dans les plantes que les tiges du blé, de l’orge, de l’avoine, doivent leur rigidité.

Pour pénétrer ainsi dans les végétaux, la silice doit leur être présentée à l’état soluble ; les racines en opèrent alors l’absorption.

La silice soluble provient de la décomposition lente des silicates et de la décomposition des débris végétaux qui renferment la silice en combinaison. Au moment, en effet, où elle se sépare des substances avec lesquelles elle était combinée à l’état naissant, la silice peut se dissoudre dans l’eau en quantité assez notable.

Lorsque les terres cultivées ne renferment pas assez de silicates pouvant fournir, par leur décomposition, de la silice soluble aux céréales, les blés sont sujets à se coucher, à verser, à foudrer, suivant l’expression populaire.

2oAlumine.

L’alumine est l’oxyde du métal qui a reçu le nom d’aluminium ; en d’autres termes, c’est un corps composé, formé par la combinaison de deux corps simples, l’oxygène et l’aluminium.

L’alumine, à l’état de pureté, est assez rare dans la nature. C’est une poudre blanche, insipide (sans goût), inodore (sans odeur), infusible (qui ne fond pas à la chaleur), insoluble (qui ne se dissout pas dans l’eau), absorbant l’eau avec énergie et formant avec elle une pâte qui, durcie au feu, ne peut plus se délayer dans l’eau.

Il existe une combinaison de l’alumine avec l’acide silicique, connue sous le nom de silicate d’alumine, très répandue dans la plupart des minéraux et des pierres, dans les terres à pipe, les ocres et dans ces espèces de terre qu’on désigne sous le nom d’argiles.

L’argile, dans son état de pureté, est une substance habituellement formée, sur 100 parties, d’environ :

52 parties de silice,
33 parties d’alumine,
15 parties d’eau.

Indépendamment de la silice à l’état de combinaison avec l’alumine, il y a, dans les argiles, de la silice sous forme de sable à l’état de simple mélange ; il y a aussi de la chaux, du carbonate de chaux, des oxydes de fer et d’autres oxydes qui donnent à la masse argileuse des couleurs variées.

Comme l’alumine, les argiles ont la propriété de former avec l’eau une pâte que la cuisson durcit au point que le choc du briquet en tire des étincelles et que l’eau ne peut plus la délayer.

L’argile absorbe l’eau et les gaz avec une étonnante facilité ; elle retient 70 pour 100 de son poids d’eau. La consistance glutineuse que prennent alors les argiles les rend assez difficiles à travailler ; elles opposent aussi une grande résistance aux instruments aratoires, grâce à cette grande dureté que leur donne leur dessiccation à l’air.

L’argile possède une autre propriété bien importante à connaître : elle peut absorber et retenir entre ses particules l’ammoniaque produite par la décomposition des engrais ou que les pluies entraînent de l’atmosphère dans le sol.

L’argile exerce sur les matières grasses cette action absorbante ; aussi l’emploie-t-on, sous le nom de terre à foulon, pour enlever le suint de la laine et pour ôter aux draps les matières grasses dont les imprègne toujours le tissage.

Le rôle de l’argile est très important ; mais ce rôle est entièrement mécanique ou physique, car l’alumine qui paraît donner à l’argile la plupart de ses caractères propres, ne se trouve qu’en bien faible proportion dans les végétaux ; il y a même des plantes qui n’en renferment pas.

3oChaux.

La chaux est l’oxyde du métal appelé calcium. C’est une substance blanche, légère, sans odeur quand elle est sèche, peu soluble dans l’eau, pour laquelle elle a une affinité si grande qu’elle l’absorbe avec rapidité en s’échauffant considérablement et en se réduisant en une poudre blanche et légère qui prend le nom de chaux éteinte.

La chaux ne se rencontre nulle part à l’état libre, mais, combinée à l’acide carbonique, elle est très répandue dans la nature.

On la trouve encore combinée avec les acides sulfurique et phosphorique.

Toutes les plantes contiennent de la chaux.

a]Carbonate de chaux. — Combinée avec l’acide carbonique, la chaux prend le nom de carbonate de chaux et devient complètement soluble dans l’eau.

Le carbonate de chaux existe en abondance dans la nature. La coquille des œufs, les écailles de l’huître, les marbres, un grand nombre de pierres de taille, la craie, sont formés par le carbonate de chaux.

Le carbonate de chaux se dissout dans l’eau lorsque celle-ci contient un excès d’acide carbonique. Dans les circonstances ordinaires, cet acide est fourni : 1o par l’air, 2o par la décomposition des matières organiques.

Devenu soluble, le carbonate peut être absorbé par la racine des plantes.

Le carbonate de chaux se trouve dans le sol :

1oà l’état de fragments d’un volume plus ou moins considérable ;

2oà l’état de sable calcaire ;

3oà l’état de très grande division, en poudre impalpable.

Sous ces diverses formes, dont il est très important de tenir compte, le carbonate de chaux joue des rôles différents, communique aux sols des qualités diverses, et c’est sous la dernière forme surtout qu’il est susceptible d’intervenir dans la nutrition des plantes.

C’est en partie à cette différence d’états qu’il faut attribuer le fait de l’existence du même degré de fertilité dans des terres inégalement riches en carbonate de chaux et la fertilité souvent très différente de sols également riches en calcaire.

Toutes les terres fertiles contiennent du carbonate de chaux.

b]Sulfate de chaux. — C’est le plâtre. La chaux, ici, est combinée avec l’acide sulfurique ou huile de vitriol. Le sulfate de chaux est très commun dans la nature. C’est un sel blanc, inodore, insipide, indécomposable par le feu, faiblement soluble dans l’eau.

Le sulfate de chaux existe en dissolution dans la plupart des eaux qui coulent à la surface de la terre ; dans les terrains calcaires les eaux de sources et surtout les eaux de puits en sont, pour ainsi dire, saturées. Ces sortes d’eaux sont vulgairement appelées dures ou crues.

Toutes les terres cultivées ne renferment pas de sulfate de chaux, et dans celles qui en contiennent, il y en a presque toujours proportionnellement moins que de carbonate de chaux.

Depuis que le plâtre est employé en agriculture, son action sur la végétation a été expliquée de bien des manières.

Nous l’étudierons plus tard.

La faible solubilité du sulfate de chaux lui permet de s’offrir sans cesse aux plantes et en doses toujours modérées ; c’est la source calcaire qui remplit le mieux les exigences des plantes avides de chaux.

c]Phosphate de chaux. — C’est le sel que produit la combinaison de la chaux avec l’acide phosphorique.[3]

C’est une poudre blanche, insipide, inodore, insoluble dans l’eau pure, soluble dans l’eau.[4]

Les animaux renferment dans leur organisme, et surtout dans leurs os, des quantités considérables de phosphate de chaux ; or, il est évident qu’ils n’ont pu trouver ce phosphate que dans les plantes qui leur ont servi d’aliment.

Le phosphate de chaux existe donc dans les plantes.

D’un autre côté, celles-ci n’ont pu le trouver que dans le sol.

Le sol contient donc et doit contenir du phosphate de chaux.

Il est moins abondant dans le sol que le carbonate de chaux, mais comme ce dernier, on le trouve dans presque toutes les terres arables où il est introduit, à chaque instant, par les débris organiques employés comme engrais.

Nous avons dit quels étaient les dissolvants du phosphate de chaux. Or ces dissolvants se rencontrent dans les conditions ordinaires de la culture, puisque l’eau des pluies est saturée d’acide carbonique, qu’elle contient presque toujours de l’ammoniaque, qu’elle se charge de chlorure en traversant les couches du sol, et qu’elle reçoit de plus des sels ammoniacaux produits par la décomposition des matières azotées enfouies.

On voit maintenant comment le phosphate de chaux, insoluble par lui-même, cesse de l’être et pénètre dans le végétal.

4oMagnésie.

On donne ce nom à l’oxyde du magnésium. On ne trouve pas ce composé dans la nature. Ce sont ses différentes combinaisons avec les acides silicique, carbonique, phosphorique que l’on rencontre et que l’on désigne sous les noms de silicate, carbonate ou phosphate de magnésie.

De tous ces sels, le phosphate de magnésie est le plus répandu ; il accompagne constamment le phosphate de chaux. Comme ce dernier il est fourni au sol par les urines, les excréments de l’homme, les fumiers qui en sont très riches.

Toutes les plantes alimentaires et fourragères en renferment des quantités assez considérables. Le phosphate de magnésie abonde dans les céréales, surtout dans leurs semences, pour lesquelles il est absolument nécessaire.

Insoluble dans l’eau, comme le phosphate de chaux, il devient soluble, comme lui, dans l’eau chargée d’acide carbonique et c’est ainsi qu’il s’introduit dans le système végétal.

Le carbonate de magnésie accompagne presque toujours le carbonate de chaux dans les sols.

5oPotasse.

C’est l’oxyde du potassium ; il était anciennement connu sous le nom d’alcali végétal.

La potasse est une substance solide, blanche, très corrosive lorsqu’elle est pure ; elle se dissout abondamment dans l’eau, et la liqueur qui en provient, grasse au toucher, possède tous les caractères que l’on observe dans une bonne lessive de cendres de bois.

On trouve de la potasse dans les cendres de presque tous les végétaux, quelquefois en proportions assez considérables. Cette substance est donc essentielle au développement des plantes et les terrains qui n’en renfermeraient pas seraient improductifs.

On trouve la potasse dans presque tous les sols arables, surtout dans ceux qui sont remarquables par leur fertilité.

La potasse dans le sol n’est ni à l’état de pureté, ni à l’état de carbonate ; la trop grande solubilité de ces deux composés faciliterait leur déperdition par les pluies ou leur absorption totale par une première récolte.

On trouve la potasse à l’état de silicate, c’est-à-dire intimement liée à la silice qui ne l’abandonne que difficilement aux influences de l’atmosphère et du sol.

6oSoude.

Nommée anciennement alcali minéral, la soude est l’oxyde du métal sodium.

La soude ressemble beaucoup à la potasse par l’ensemble de ses caractères généraux ; dissoute dans l’eau, elle donne une lessive semblable à celle de la potasse.

En général, on trouve la soude en bien moins grande proportion que la potasse dans les cendres des végétaux. Les plantes qui croissent habituellement sur les bords de la mer en contiennent plus que les autres.

La soude, comme la potasse, n’est pas à l’état de liberté dans la sol ; elle y est ordinairement combinée avec les acides silicique, phosphorique, sulfurique, etc., associée, parfois, à l’alumine, à la chaux, à la magnésie ou à la potasse.

7oOxyde de fer.

L’oxygène, en se combinant au fer, donne lieu à cet oxyde : c’est la rouille.

Mais l’oxygène peut se combiner avec le fer en différentes proportions et alors on a du fer plus ou moins oxydé.

L’oxyde de fer qui contient le moins d’oxygène s’appelle le protoxyde de fer et on donne le nom de peroxyde de fer à un oxyde plus riche en oxygène.

Tels qu’on les trouve dans le sol, le protoxyde de fer est légèrement brunâtre et le peroxyde est rouge.

Dans les couches profondes du sol arable le fer est à l’état de protoxyde, soit libre, soit combiné avec des acides organiques, principalement avec celui qu’on appelle acide ulmique. C’est lui qui donne cette couleur foncée, brunâtre que présentent les tranches de terre que la charrue ramène à la surface du sol.

Le peroxyde de fer se trouve à la surface du sol ; c’est lui qui colore la plupart des roches, des pierres, des ocres, des argiles.

Voici maintenant les rôles importants que jouent ces deux oxydes de fer relativement à la végétation.

L’oxyde brun — le protoxyde — au contact de l’air humide, se suroxyde, c’est-à-dire qu’il s’empare d’une nouvelle quantité d’oxygène et passe ainsi à l’état de peroxyde de fer — oxyde rouge. Ce changement donne lieu à une décomposition de l’eau ; c’est l’eau, en effet, qui fournit l’oxygène nécessaire à la suroxydation du protoxyde de fer. Mais l’eau, nous l’avons vu, est un composé d’oxygène et d’hydrogène ; or en donnant ainsi son oxygène au fer, l’eau laisse son hydrogène en liberté. Cet hydrogène, à l’état naissant, s’unit immédiatement à l’azote de l’air et forme l’ammoniaque, ce grand élément de toute nutrition végétale. Cette ammoniaque se condense dans les pores du peroxyde de fer qui vient de se former.

L’oxyde brun que contenait la tranche de terre retournée par la charrue, s’est donc transformé, au contact de l’air, en oxyde rouge ; il y a eu, en même temps, formation d’ammoniaque et condensation de ce corps dans les pores de l’oxyde rouge.

Mais tout ne s’arrête pas là.

Un labour subséquent enfouit dans le sol l’oxyde rouge qui s’était formé à sa surface.

Une nouvelle transformation s’opère.

Au contact des matières organiques contenues dans le sol, l’oxyde rouge de fer redevient brun.

Voici ce qui se passe.

Les matières organiques sont oxydées, c’est-à-dire lentement brûlées par l’oxygène qu’abandonne l’oxyde rouge de fer, pour passer à l’état d’oxyde brun.

Pour nous résumer, nous distinguerons, dans les terres, deux sortes d’oxyde de fer. L’une s’empare de l’oxygène de l’eau et produit indirectement de l’ammoniaque ; l’autre agit comme principe comburant en fournissant de l’oxygène aux matières organiques : toutes deux ont la propriété de condenser et de retenir l’ammoniaque dans le sol et augmentent ainsi prodigieusement sa fécondité.

8oHumus.

C’est une matière organique, c’est-à-dire une matière ayant appartenu à des êtres organisés, animaux ou végétaux.

C’est un corps gras, quelquefois résineux et cireux, de couleur noire, contenant beaucoup de carbone, propre à se combiner avec d’autres corps, avec lesquels il forme des sels solubles dans l’eau.

Pour bien comprendre l’effet de l’humus sur la végétation, il faut qu’on se fasse d’abord une idée nette de la manière dont il se forme et de sa nature.

En premier lieu, il faut une matière organique.

Trois sources générales la fournissent :

1ola chute annuelle des feuilles, fleurs et fruits des plantes, le détachement accidentel de leurs branches, racines ou tiges ;

2oles déjections continuelles des insectes et des animaux, leurs nombreuses dépouilles ;

3oles fumiers ordinaires provenant des excréments et des urines des animaux, mélangés avec de la paille.

En second lieu, pour qu’il y ait formation d’humus, il faut que la matière organique se décompose, se putréfie.

Mais qu’est-ce que la putréfaction ?

Une combustion lente, c’est-à-dire, dans le cas actuel, la combinaison de l’oxygène avec les matières organiques du sol.

Or, tout corps qui se combine avec l’oxygène devient acide ou ne le devient pas. Si le corps nouvellement formé n’est pas acide, il peut avoir du moins la propriété de se combiner avec un acide, et alors on l’appelle base, ou bien il peut ne pas avoir cette propriété et alors on dit que c’est un corps neutre.

La décomposition des matières organiques donne donc naissance, les faits le prouvent, à des composés acides, basiques et neutres.

Les composés acides se combinent alors avec les composés basiques pour former des sels.

Mais toute combinaison, il ne faut pas l’oublier, se fait suivant des proportions définies. Or la combinaison une fois opérée, il peut rester dans le sol un surplus d’acide. On dit alors que le sol est acide.

Ces quelques notions vont nous aider à déterminer la nature de l’humus.

Nous devons considérer l’humus, ce corps formé par la combinaison de certaines matières organiques avec l’oxygène, comme un véritable acide végétal qu’on appelle acide humique. Cet acide n’est jamais pur ; car, outre un excès de carbone qu’il contient, il est encore mélangé avec les substances minérales que renferment les végétaux.

L’humus du sol se présente sous trois états, avec des propriétés distinctes.

1oHumus doux. — Ici l’acide humique est neutralisé par des bases ; il n’y a pas alors d’acide humique libre dans le sol, mais bien des sels humiques, qui, sauf quelques exceptions, sont de véritables aliments pour les plantes.

2oHumus acide. — Quelquefois, après la combinaison des différentes bases du sol avec l’acide humique, combinaisons qui se font en proportions définies, il reste de l’acide humique en liberté dans le sol. Il communique alors à l’humus doux des propriétés plus ou moins différentes suivant qu’il est plus ou moins en excès dans le sol.

3oHumus carbonisé. — Ici l’action décomposante de l’air n’a pas été soutenue par une humidité suffisante ; la décomposition des matières organiques a été incomplète, la formation de l’acide humique n’a eu lieu qu’imparfaitement.

L’humus, comme l’oxyde de fer et l’argile, jouit de l’utile propriété d’absorber les gaz, entre autres l’ammoniaque, qu’il distribue ensuite aux plantes.

Il cède à ces derniers les différentes matières organiques qui le composent, à mesure qu’elles sont amenées à l’état soluble.

L’humus agit encore par les substances minérales qu’il offre aux végétaux, précisément dans un état où leur absorption est facile, à mesure que se décomposent les matières organisées qui contiennent ces substances.

9oAzote.

Tel est le nom d’un autre principe essentiel des sols arables ; c’est un des éléments les plus nécessaires au développement des plantes.

L’azote est une des parties constituantes de l’air atmosphérique ; mélangé avec l’oxygène, il occupe à lui seul les quatre cinquièmes du volume total de l’air.

L’azote est un corps simple, un gaz.

Il forme avec les autres corps de nombreuses combinaisons.

Combiné avec l’hydrogène, un autre corps simple, gaz aussi, l’azote donne naissance à un nouveau corps, appelé ammoniaque, vulgairement connu sous le nom de corne de cerf ; — c’est une base.

Combiné avec l’oxygène, l’azote devient un liquide vulgairement appelé eau-forte ; — c’est un acide, l’acide nitrique ou azotique.

Dans le sol, l’azote existe sous trois états bien distincts :

1ocomme l’un des composants des matières organiques qui entrent dans la composition de l’humus et des engrais ;

2oà l’état d’ammoniaque ou de carbonate d’ammoniaque provenant de la décomposition des matières qui contiennent de l’azote ou de l’introduction des eaux de pluie qui contiennent toujours du carbonate d’ammoniaque en dissolution ;

3oà l’état de nitrate ou d’azotate de chaux, de potasse, de magnésie et d’ammoniaque qui se forment, comme l’ammoniaque, dans le sol et dans l’air.

Il est bon de remarquer qu’à l’état de principe élémentaire des matières organiques, l’azote se trouve engagé dans un état de combinaison qui ne lui permet pas de passer immédiatement dans les plantes. Il ne peut contribuer à la végétation, comme aliment nutritif, qu’autant que cet état de combinaison est détruit et qu’il se forme des composés azotés solubles, par conséquent facilement assimilables.

a] De l’ammoniaque du sol. — L’ammoniaque est un corps composé, résultat de la combinaison de l’azote avec l’hydrogène.

Ainsi combiné, l’azote peut être assimilé par les plantes.

L’ammoniaque provient :

1ode la décomposition spontanée des matières organiques ;

2ode la respiration des hommes et des animaux ;

3ode la décomposition de l’eau pendant l’oxydation du fer.

L’ammoniaque est, relativement aux acides, une base puissante ; elle s’unit avec eux pour former une série de sels qu’on désigne sous le nom de sels ammoniacaux.

L’ammoniaque du sol doit être divisée en trois parties :

1ol’une, qui est retenue comme en réserve par les éléments absorbants du sol, argiles, oxydes de fer, humus ;

2oune autre qui est employée immédiatement au profit de la végétation, principalement sous forme d’humate d’ammoniaque (combinaison de l’acide humique avec l’ammoniaque) ;

3oenfin la troisième part, échappant à ces deux causes d’absorption, s’évapore et se disperse dans l’atmosphère.

Relativement à l’humus, l’ammoniaque joue un rôle important.

Nous avons vu que l’humus doux est un composé de sels humiques ; parmi ces sels, il en est un qui est insoluble, c’est l’humate de chaux.

L’ammoniaque ou plutôt le carbonate d’ammoniaque venant en présence de l’humate de chaux, il s’opère ce qu’on appelle une double décomposition ; les deux bases, l’ammoniaque et la chaux, changent d’acides.

On a donc de l’humate d’ammoniaque et du carbonate de chaux.

Or l’humate d’ammoniaque est soluble ; grâce à cette double décomposition, l’humus comme l’ammoniaque pénètre dans les végétaux.

b]Acide nitrique ou azotique du sol. — C’est le nom donné à l’une des combinaisons de l’azote avec l’oxygène.

Il est désigné dans le commerce sous le nom d’eau-forte.

L’acide nitrique se forme dans le sol et dans l’air.

Les matières organiques, en se décomposant, émettent de l’ammoniaque ; celle-ci, sous l’influence des bases alcalines du sol, est brûlée par l’oxygène de l’air, et convertie en eau et en acide nitrique, dont les bases s’emparent pour former des nitrates.

C’est le passage de l’étincelle électrique qui détermine dans l’air la formation de l’acide nitrique. Une fois électrisé par l’éclair, l’oxygène de l’air acquiert de nouvelles propriétés ; on lui donne alors le nom d’ozone.

L’oxygène électrisé ou l’ozone a la propriété de se combiner avec l’azote de l’air et cette combinaison donne de l’acide nitrique. Celui-ci, rencontrant l’ammoniaque de l’air, se combine avec elle et forme du nitrate d’ammoniaque que les pluies amènent sur le sol.

10oAcide carbonique.

Il est produit par la combinaison du carbone (charbon) avec l’oxygène.

Toutes les combustions vives donnent naissance à de l’acide carbonique, lorsque l’élément combustible contient du carbone. Le bois, le charbon, la tourbe, l’huile, le suif, le gaz d’éclairage, contiennent une très grande quantité de carbone qui, en brûlant dans l’oxygène de l’air, produit une énorme quantité d’acide carbonique.

Les terres arables jouissent de la propriété d’absorber et de retenir condensés dans leurs pores l’oxygène et autres gaz de l’atmosphère. Cet oxygène agit sur les matières organiques du sol, se combine avec elles.

C’est une combustion lente ; tout le carbone de ces matières organiques en se combinant avec l’oxygène produit de l’acide carbonique.

Le sol, il est aisé de le comprendre, contient une grande quantité d’acide carbonique et il est très rationnel de penser que c’est dans cet acide carbonique du sol plus que dans celui de l’atmosphère qu’il faut chercher la principale source du carbone qui entre dans la composition de la plante.

L’acide carbonique est en effet la forme sous laquelle les végétaux s’assimilent le plus facilement le carbone.

L’acide carbonique est donc un élément nutritif.

En solution dans l’eau l’acide carbonique jouit encore de la propriété de rendre solubles certains sels qui sans lui ne le seraient point. Nous avons vu que le carbonate et le phosphate de chaux, le phosphate de magnésie ne doivent leur solubilité qu’à sa présence dans la liqueur dissolvante.

II
ÉLÉMENTS DOMINANTS.

Les éléments principaux ou dominants des sols sont au nombre de quatre : le sable, l’argile, le calcaire et l’humus.

Ces matières, mélangées en différentes proportions, forment la variété des sols et selon que l’une ou l’autre prédomine dans la masse de la terre arable, on reconnaît quatre principales espèces de sol, auxquelles on a donné les noms de

1osols sableux ;

2osols argileux ;

3osols calcaires ;

4osols humifères.

Le sable et l’argile ne jouent guère qu’un rôle physique ou mécanique par rapport à la végétation. Ils servent à fixer les racines et à empêcher les plantes de céder à la violence des vents ; ils servent encore de réceptacle aux eaux pluviales et aux débris organiques qui doivent concourir à la nourriture des plantes. Ils agissent de plus comme matières poreuses ; à ce titre ils retiennent l’acide carbonique, l’ammoniaque, l’air lui-même dont la présence, nous l’avons vu, est si utile, indispensable même à la végétation.

1oDes sols argileux.

Plus communément connues sous les noms de terres fortes, humides, grasses ou froides, les terres prennent le nom de terres argileuses lorsqu’elles renferment 50 pour 100 de leur poids d’argile pure.

Les sols argileux possèdent des caractères analogues à ceux que nous avons reconnus aux argiles pures.

Les terres argileuses sont, en général, celles qu’il est plus difficile d’enrichir par une culture florissante. Les racines des plantes ne peuvent pénétrer dans leur masse compacte. À l’automne, au printemps ou même après les pluies d’été, elles sont noyées par les eaux ; dans l’été elles se serrent, se durcissent, se fendillent par l’action de la sécheresse.

Ces principaux caractères des sols argileux sont d’autant plus prononcés que la proportion d’argile qu’ils renferment est plus considérable.

Contre les inconvénients que présentent ces sols, trois moyens peuvent être employés par le cultivateur : le labour, les amendements et le drainage.

Les labours fréquents, en remuant le sol et en en exposant successivement toutes les parties à l’influence de l’air et du soleil, détruisent leur adhérence et leur ténacité.

Le labours doivent être profonds, car presque toujours la couche cultivable a beaucoup d’épaisseur. Les labours d’automne produisent ici d’excellents résultats, car alors le sol, exposé à l’influence des gelées, en est merveilleusement ameubli.

Mais les amendements offrent un remède plus certain. Il faut modifier la nature du sol et l’on y arrive en mélangeant avec la terre argileuse des sables, des graviers, de la marne calcaire, du plâtre.

La chaux surtout réussit à merveille, parce qu’elle attaque l’argile, met en liberté les alcalis que celle-ci renferme et favorise l’assimilation de la silice en la rendant soluble.

Nous verrons plus loin comment agit le drainage sur les terres argileuses.

Les récoltes enfouies produisent aussi un excellent effet, parce qu’elles sont à la fois des engrais et des amendements. Les fumiers longs de litière présentent le même avantage.

Tous les sols argileux n’offrent pas au même degré les mêmes propriétés et les mêmes défauts, car tous n’ont pas la même composition.

Les principales variétés des sols argileux sont :

1oles terres argilo-ferrugineuses ;

2oles terres argilo-calcaires ;

3oles terres argilo-sableuses.

Dans la pratique on distingue les terres argilo-sableuses en terres fortes et en terres franches.

Les terres fortes sont généralement plus difficiles et plus coûteuses à travailler que la plupart des autres ; elles ont beaucoup de rapport avec les terres argilo-calcaires.

Les terres franches sont moins lourdes et moins froides que les précédentes et se rapprochent beaucoup des terres sablo-argileuses.

2oDes sols sableux.

Les sols sableux ou siliceux sont ceux dans lesquels le sable prédomine. Ils ont des caractères absolument opposés à ceux des sols argileux.

Sans aucune consistance, d’une faible ténacité, les sols sableux sont très perméables à l’eau qu’ils ne peuvent retenir.

On parvient toutefois à y conserver l’humidité en les amendant avec des argiles contenant du calcaire et en employant pour engrais les fumiers des bêtes à cornes et les récoltes enfouies en vert.

Si le sous-sol est argileux, on le ramène à la surface par un labour de défoncement et en donnant ainsi à la couche cultivable une plus grande profondeur, on favorise pour plusieurs années la croissance de la plupart des végétaux et surtout des plantes à racines pivotantes.

On a comme variétés des sols sableux :

1oles terres sablo-argileuses ;

2oles terres sablo-argilo-calcaires ;

3oles terres sablo-calcaires ;

4oles sols de sable pur ;

5oles sols caillouteux ou graveleux ;

6oles terres sablo-argilo-ferrugineuses ;

7oles terres sablo-humifères.

Dans tous ces sols c’est toujours le sable qui prédomine ; il n’y a que la présence et la quantité proportionnelle des autres composants qui varient de la sorte la composition des sols sableux.

3oDes sols calcaires.

Les sols calcaires, qu’on désigne généralement sous le nom de terres blanches, sont ceux dans lesquels la proportion de carbonate de chaux l’emporte de beaucoup sur celle des autres éléments terreux.

Ces terres sont généralement sèches et arides, peu tenaces, friables ; leur couche cultivable n’est pas très épaisse.

Une manière bien simple de constater la présence du carbonate de chaux, qui est le principal élément de leur composition, c’est de verser quelques gouttes d’acide nitrique ou même de fort vinaigre sur une petite quantité de terre. Au contact de l’acide ou du vinaigre, il se produit une vive effervescence.

Les sols calcaires sont, en général, peu productifs, ils soulèvent facilement à la gelée. Ce n’est qu’à force d’engrais qu’on parvient à en obtenir des produits satisfaisants.

Les sols calcaires nous donnent pour variétés :

1oles sables calcaires ;

2oles sols crayeux ;

3oles sols tufeux ;

4oles terres marneuses.

4oDes sols humifères.

Lorsque, dans un terrain, l’humus domine tellement qu’il en constitue la plus grande partie, on appelle ce terrain sol humeux ou humifère.

Les qualités de l’humus et son action sur la végétation dépendent de la nature des substances qui le constituent. Le meilleur humus est celui qui provient d’un mélange de substances végétales et animales.

Le meilleur humus perd peu à peu ses parties fertilisantes par l’action de l’eau, de l’air et de la lumière.

Les terres humeuses ont toujours une couleur plus foncée que les autres terres ; elles sont légères et poreuses et peuvent absorber 100 pour 100 de leur poids d’eau sans la laisser égoutter. Elles soulèvent fortement à la gelée et les céréales y versent facilement parce qu’elles ne contiennent pas assez de substances minérales qui donnent de la rigidité au chaume.

À ces terres, il faut de profonds et nombreux fossés et d’énergiques amendements ; le drainage leur est d’une grande utilité.

On distingue trois espèces de terres humeuses :

1ola terre humeuse douce ;

2ola terre humeuse carbono-résineuse ou terre de bruyère ;

3ola terre humeuse acide ou terre marécageuse.

  1. La soude est définie plus loin.
  2. La définition de l’alumine est donnée à la page suivante.
  3. Nous avons dit ailleurs qu’un acide était un corps composé : l’acide phosphorique, corps composé, est la combinaison du phosphore avec l’oxygène. Nous avons dit de plus que les acides tendent toujours à se combiner avec les bases pour former des sels. Or la chaux est une base, mise en présence de l’acide phosphorique de chaux, le sel que nous étudions maintenant.
  4. Lorsque celle-ci contient déjà en dissolution soit de l’acide carbonique, soit un sel d’ammoniaque, soit du sel ordinaire de table, bien connu sous le nom de sel de cuisine et dont le nom scientifique est chlorure de sodium.