Traité populaire d’agriculture/Défrichement

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SECTION PREMIÈRE.

Défrichement.

Toute terre inculte n’est pas nécessairement une forêt ; aussi cette opération de sa mise en culture qu’on appelle défrichement s’applique non seulement aux terres en bois debout, mais encore à toute terre inculte qu’on transforme en terre cultivable.

On a donc le défrichement des terres marécageuses couvertes de mousses et de joncs, celui des vieilles friches, des prairies naturelles.

Mais comme nous n’avons pas ici les grandes prairies du Nord-Ouest à défricher, comme nos terres incultes ne sont, ordinairement, que des terres en bois debout, nous traiterons cette question du défrichement à son point de vue le plus pratique ; nous ne parlerons que du défrichement des terrains boisés.

Défrichement des terrains boisés.

Nous ne parlerons pas ici du choix de la terre que le colon veut défricher, nous n’indiquerons pas les marques distinctives d’un sol fécond, que nous donne l’inspection des arbres qui croissent sur sa surface.

Ces détails peuvent trouver ailleurs, dans un traité spécial, une place importante.

On distingue plusieurs opérations dans le défrichement des terrains boisés.

La première est le serpage.

C’est le sarclage de la forêt ; on le fait communément à l’automne.

Cette opération consiste à faire disparaître, en les coupant ou en les arrachant, tous les arbustes, les broussailles qui croissent, souvent en grande quantité, entre les différents arbres.

Puis vient l’abattis.

C’est la deuxième opération du défrichement ; elle se pratique, d’habitude, dans le cours du mois de mars.

Elle varie dans son application, suivant qu’on défriche une terre couverte en bois francs ou en bois mous.

Dans le premier cas on choisit, de distance en distance les plus gros arbres de la forêt, on les abat. Puis tout autour de ces arbres et dans un rayon plus ou moins étendu, on abat les autres arbres de manière à les faire tomber dans le cercle dont le premier arbre coupé est le centre. Les arbres sont ensuite dépouillés de leurs branches, divisés en longueur de quinze à dix-huit pieds, et mis en tas avec les broussailles provenant du serpage, lorsque ces broussailles n’ont pas encore été consumées par le feu.

Dans le second cas, on met le bois en javelles, c’est-à-dire que l’on coupe les arbres de manière à les faire tomber tous dans la même direction.

La troisième opération est le brûler.

On met le feu aux arbres amassés en tas ou disposés en javelles.

La loi du pays donne du premier de septembre jusqu’au premier de juillet pour exécuter cette opération (34 Vict., c. 19).

Il faut suivre l’action du feu, l’activer en rapprochant les bûches les unes des autres, à mesure qu’elles se consument dans l’élément destructeur.

Lorsque le feu a complété son œuvre, il ne reste de la forêt que quelques monceaux de cendres et les souches qui, elles, n’ont pas été soumises à l’action dévorante de la flamme.

Les cendres de bois franc sont ordinairement recueillies ; on en fait de la potasse et de la perlasse.

Les cendres de bois mous sont réparties sur le terrain ; elles en corrigent l’acidité.

Les terres neuves, sont en effet, riches en humus ; le sol est recouvert d’une épaisse couche végétale provenant de la chute annuelle des feuilles, des débris végétaux que les années accumulent à sa surface. Ici, l’humus se trouve souvent à l’état acide ; or, nous avons vu que par l’addition de la chaux ou d’autres bases, l’humus acide se trouve converti en humus doux, soluble, assimilable par les plantes. Le colon ne peut pas toujours ajouter de la chaux, mais toujours, dans le défrichement des terrains boisés, il peut à la chaux substituer les cendres provenant de la combustion du bois. Les cendres contiennent des bases puissantes, entr’autres la potasse. Ces bases se combinent avec l’acide humique et forment des sels solubles qui concourent directement à la nutrition des plantes.

Les souches sont laissées quelques années intactes ; elles subissent les influences multiples de l’air, de l’humidité, de la gelée ; elles se décomposent, leurs racines pourrissent et s’ajoutent aux éléments nutritifs du sol. On les arrache alors au moyen de différents appareils.

C’est là la méthode la plus généralement employée, c’est aussi la moins dispendieuse.

Après l’opération du brûler on fait un labour à la pioche, on sème, on enterre la semence à la herse ou au râteau, puis on égoutte le terrain.

Les plantes généralement cultivées dans les terres neuves sont l’orge, le sarrasin, l’avoine, le blé. Parmi les légumes, il y a les pommes de terre qu’on sème en rangs ou à la butte. Pour les semer à la butte on amasse une certaine quantité de terre, on lui donne la forme d’une demi-sphère dans l’intérieur de laquelle on place trois ou quatre tubercules.

La semence de graines fourragères doit être le plus tôt possible confiée aux terres nouvellement défrichées.