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Traité populaire d’agriculture/Plantes aromatiques

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SECTION DEUXIÈME.

Plantes aromatiques.

Le tabac, le houblon, la chicorée et quelques autres végétaux forment la série des plantes que nous avons appelées aromatiques, parce qu’en général elles sont remarquables par leur arôme.

De ces plantes nous n’étudierons ici que le tabac.

DU TABAC.

On cultive ici en Canada plusieurs variétés de tabac. Nommons le tabac du Connecticut à larges feuilles, le tabac de la Virginie à feuilles droites se terminant en longue pointe, le tabac de la Havane.

I.Le tabac aime un climat chaud ; il donne néanmoins d’abondants produits sous notre ciel plus froid ; mais d’un autre côté ses graines n’ont pas toujours le temps d’arriver à une parfaite maturité.

Un sol de consistance moyenne, riche, profond, retenant pendant l’été une fraîcheur suffisante ; une terre neuve, riche en humus : voilà les terrains que le tabac affectionne.

II.Le tabac, venons-nous de dire, aime un sol riche, nous pouvons ajouter, anciennement fumé ; la terre doit être aussi nette de mauvaises herbes. Le tabac a donc sa place à la suite des récoltes sarclées.

Toute récolte peut lui succéder et de nombreux essais ont établi parfaitement que le tabac peut se succéder à lui-même pendant plusieurs années.

III. — 1o La meilleure préparation du sol pour cette culture est celle des récoltes sarclées. Si l’on ne peut y avoir recours, on fume le terrain dès l’automne précédent et l’on enterre immédiatement le fumier par un premier labour.

Au printemps, avant le repiquage, on donne un labour qui croise le premier, suivi du nombre de hersages nécessaires pour mélanger la terre, détruire les mauvaises herbes.

2oVoici d’après Poselt la composition immédiate des feuilles de tabac :

Eau
88,080
Fibre ligneuse
4,969
Matière extractive
2,840
Gomme
1,140
Substance analogue au gluten
1,048
Résine
0,261
Albumine végétale
0,260
Nicotine
0,060
Matière grasse
0,010
Substances minérales
1,332
100,000

Les substances minérales contenues dans les cendres offrent la composition suivante :

Potasse
165,2
Soude
2,5
Chaux
384,0
Magnésie
120,8
Chlorure de sodium
51,6
Chlorure de potassium
31,1
Phosphate de fer
64,2
Phosphate de chaux
5,9
Sulfate de chaux
69,6
Silice
105,1
1,000,0

Les engrais riches en potasse, en chaux, en chlorures alcalins, en phosphates sont avant tout ceux que préfère le tabac.

À ce titre, le fumier bien consommé, les composts avec cendres et chaux, l’engrais flamand, la colombine, conviennent très bien à la culture du tabac.

Parmi les engrais animaux, voici ceux qui conviennent le mieux au tabac.

Nous empruntons les données suivantes à un petit ouvrage publié sur la culture du tabac, par J. E. Schmouth, professeur d’agriculture à l’école d’agriculture de Ste-Anne.

Les matières fécales mélangées avec la terre. On répand cet engrais dans la proportion de 25 à 30 voyages par arpent.

Le fumier de volaille. Cet engrais est un des plus actifs ; il doit être mélangé avec une assez grande quantité de paille. Quantité : 20 voyages par arpent.

Le fumier de mouton, qui donne au tabac un goût des plus agréables. Mélangé avec de la paille, il s’emploie dans la proportion de 40 voyages par arpent.

Le fumier des bêtes à cornes, propre aux terres légères ; 55 à 60 voyages suffisent par arpent.

Le fumier de cheval que les terres fortes préfèrent à celui des bêtes à cornes et qu’on leur donne à raison de 50 voyages par arpent.

Enfin le fumier de porc, dont 40 voyages par arpent produisent d’excellents effets sur la culture du tabac.

Ces fumiers doivent être parfaitement mêlés au sol et en grande partie décomposés lorsqu’arrive l’époque de la transplantation du tabac.

3oLe tabac se sème sur couche chaude, vers le milieu d’avril. Convenablement soignée, arrosée avec de l’eau chaude, la graine lève au bout de quatre jours ; lorsque la plante est rendue à sa cinquième ou sixième feuille, on la repique (transplante).

Le repiquage a lieu 24 ou 25 jours après le semis, et doit être pratiqué par un temps calme et couvert.

On trace tout d’abord des sillons légers espacés de trois pieds à trois pieds et demi les uns des autres ; on laisse entre chaque plant sur une même ligne une distance de deux pieds à deux pieds et demi. La qualité du sol et l’espèce de tabac déterminent les variations dans les chiffres que nous venons de donner.

On arrose les fosses une demi-heure avant de leur confier le plant, si la terre n’est pas déjà suffisamment humide.

Le plant, mis en fosse, est recouvert pendant les premiers jours avec une feuille d’artichaut (rapace), qui le préserve des ardeurs du soleil.

Pour défendre le jeune plant contre les attaques d’un ennemi redoutable, le ver gris ou ver à chou, on l’entoure, lors du repiquage, d’une douille faite d’écorce de bouleau, mesurant 4 à 5 pouces de diamètre et 3 à 4 de hauteur. On n’enlève cette douille, bien connue de nos cultivateurs sous le nom de casseau, que lorsque la plante la remplit complètement.

4oLe premier soin d’entretien c’est de remplacer les pieds qui n’ont pas repris, opération qui s’exécute dès les premiers jours après le repiquage.

Huit ou dix jours, quelquefois quinze, après la transplantation, on donne un premier binage, qu’on répète au bout de quinze jours ; puis vient un léger buttage.

Ces deux opérations peuvent être répétées, mais elles doivent cesser dès que le tabac couvre le sol de ses feuilles.

Lorsque le tabac commence à montrer les boutons qui doivent donner naissance aux fleurs, il faut étêter la plante, afin de forcer la sève de refluer ou de se répandre dans les feuilles qui restent, ce qui leur donne plus de volume et de qualité.

Quelques jours après ce retranchement, connu sous le nom d’écimage, la sève, forcée de refluer, se porte sur les bourgeons axillaires, ainsi appelés parce qu’ils sont situés à l’aisselle des feuilles ; ces bourgeons donnent alors naissance à de nouvelles feuilles et à des rameaux latéraux.

Il faut les retrancher de suite, sans quoi ils absorberaient une grande partie de la nourriture destinée aux feuilles principales.

On doit parcourir le champ au moins une fois par semaine pour réitérer cette opération importante. On coupe en même temps les feuilles avariées ; bien plus, on enlève les feuilles surabondantes.

Cette surabondance est relative ; elle dépend de l’espèce de tabac que l’on veut récolter. Ainsi, 9 à 12 feuilles de tabac sur chaque pied donnent un tabac fort ; 15 feuilles donnent un tabac moyen, et généralement le tabac est doux lorsque chaque pied porte une vingtaine de feuilles.

Ces opérations terminées, le tabac est abandonné à lui-même jusqu’à sa maturité.

IV.Aux approches de leur maturité, les feuilles de tabac prennent une teinte jaunâtre et s’inclinent vers la terre. Ce moment venu, on procède à la récolte. Elle se fait de deux manières : on cueille les feuilles une à une ou bien l’on coupe les tiges rez de terre.

Le dernier mode est plus expéditif ; le premier, quoique plus coûteux, permet de mieux préparer le tabac.

La tige coupée est laissée quelques heures sur le sol afin de donner aux feuilles le temps de se ressuyer quelque peu : c’est là le fanage.

On rentre ensuite le tabac ; les tiges sont liées deux à deux et suspendues la tête en bas, ayant soin de permettre à l’air une circulation facile, ce qui est le meilleur moyen d’éviter le ressuage qui donne au tabac un mauvais goût.

Dans cette position le tabac sèche ; il lui faut une dessiccation lente, qui dure deux à trois mois suivant que la saison est plus ou moins pluvieuse.

Après le séchage vient la mise du tabac en manoques. On choisit une journée humide et on enlève toutes les feuilles de leur tige ; on en forme des manoques qui contiennent 15 à 20 feuilles, la dernière servant à lier les autres.

On fait de ces manoques une pile de deux rangées, ayant soin de croiser de quatre pouces les pointes des feuilles. La fermentation s’établit ; on la surveille ; il faut qu’elle soit lente pour que le tabac en acquière un bon goût.

Le tabac est ensuite mis en presse ; il est excellent à fumer, au bout d’un an.

La récolte par feuilles permet d’opérer successivement, choisissant d’abord les feuilles les plus mûres, celles du bas de la tige, puis celles du milieu et enfin celles du haut.

Le séchage est aussi plus régulier ; les feuilles sont enfilées dans une baguette de bois, qu’on suspend sur des soliveaux.