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Traité sur la tolérance/Édition 1763/15

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s.n. (édition originale) (p. 133-137).
CHAPITRE XV.
Témoignages contre l’Intolérance.


C’Eſt une impiété d’ôter, en matière de Religion, la liberté aux hommes, d’empêcher qu’ils ne faſſent choix d’une Divinité ; aucun homme, aucun Dieu ne voudrait d’un ſervice forcé. (Apologétique, ch. 24.)

Si on uſait de violence pour la défenſe de la Foi, les Évêques s’y oppoſeraient. (St. Hilaire, Liv. I.)

La Religion forcée n’eſt plus Religion ; il faut perſuader, & non contraindre. La Religion ne ſe commande point. (Lactance, Liv. 3.)

C’eſt une exécrable héréſie de vouloir tirer par la force, par les coups, par les empriſonnements, ceux qu’on n’a pu convaincre par la raiſon. (St. Athanaſe, Liv. I.)

Rien n’eſt plus contraire à la Religion que la contrainte. (St Juſtin, Martyr, Liv. 5.)

Perſécuterons-nous ceux que Dieu tolère ? dit St. Auguſtin, avant que ſa querelle avec les Donatiſtes l’eût rendu trop ſévère.

Qu’on ne faſſe aucune violence aux Juifs, (4me. Concile de Tolède, 56me. canon.)

Conſeillez, & ne forcez pas. (Lettres de St. Bernard.)

Nous ne prétendons point détruire les erreurs par la violence. (Diſcours du Clergé de France à Louis XIII.)

Nous avons toujours déſapprouvé les voyes de rigueur. (Aſſemblée du Clergé, 11me. Aouſt 1560.)

Nous ſavons que la Foi ſe perſuade, & ne ſe commande point. (Fléchier, Évêque de Nîmes, Lettre 19.)

On ne doit pas même uſer de termes inſultants. (L’Évêque du Belley dans une Inſtr. paſtorale.)

Souvenez-vous que les maladies de l’âme ne ſe guériſſent point par contrainte & par violence. (Le Cardinal le Camus, Inſtruction paſtorale de 1688.)

Accordez à tous la tolérance civile. (Fénelon, Archevêque de Cambrai, au Duc de Bourgogne.)

L’exaction forcée d’une Religion eſt une preuve évidente que l’eſprit qui la conduit eſt un eſprit ennemi de la vérité. (Dirois, Docteur de Sorbonne, Liv. 6, chap. 4.)

La violence peut faire des hypocrites ; on ne perſuade point quand on fait retentir partout les menaces. (Tillemont, Hiſt. Eccl. tom. 6.)

Il nous a paru conforme à l’équité & à la droite raiſon, de marcher ſur les traces de l’ancienne Égliſe, qui n’a point uſé de violence pour établir & étendre la Religion. (Remontr. du Parlement de Paris à Henri II.)

L’expérience nous apprend que la violence eſt plus capable d’irriter que de guérir un mal qui a ſa racine dans l’eſprit &c. (De Thou, Épître dédicatoire à Henri IV.)

La Foi ne s’inſpire pas à coups d’épée. (Cériſier, ſur les règnes de Henri IV & de Louis XIII.)

C’eſt un zèle barbare que celui qui prétend planter la Religion dans les cœurs, comme ſi la perſuaſion pouvait être l’effet de la contrainte. (Boulainvilliers, État de la France.)

Il en eſt de la Religion comme de l’amour ; le commandement n’y peut rien, la contrainte encore moins ; rien de plus indépendant que d’aimer & de croire. (Amelot de la Houſſaye, ſur les Lettres du Cardinal d’Oſſat.)

Si le Ciel vous a aſſez aimé pour vous faire voir la vérité, il vous a fait une grande grâce : mais eſt-ce à ceux qui ont l’héritage de leur Père, de haïr ceux qui ne l’ont pas ? (Eſprit des Loix, Liv. 25.)

On pourrait faire un Livre énorme, tout compoſé de pareils paſſages. Nos Hiſtoires, nos Diſcours, nos Sermons, nos Ouvrages de morale, nos Catéchiſmes, reſpirent tous, enſeignent tous aujourd’hui ce devoir ſacré de l’indulgence. Par quelle fatalité, par quelle inconſéquence démentirions-nous dans la pratique une théorie que nous annonçons tous les jours ? Quand nos actions démentent notre morale, c’eſt que nous croyons qu’il y a quelque avantage pour nous à faire le contraire de ce que nous enſeignons ; mais certainement il n’y a aucun avantage à perſécuter ceux qui ne ſont pas de notre avis, & à nous en faire haïr. Il y a donc, encore une fois, de l’abſurdité dans l’intolérance. Mais, dira-t-on, ceux qui ont intérêt à gêner les conſciences ne ſont point abſurdes. C’eſt à eux que s’adreſſe le Chapitre ſuivant.