Une oubliée — Madame Cottin d’après sa correspondance/Appendice 2

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II

Imprimés 4 1 1 1. — Mémoire pour Daniel Cottin, marchand à Saint-Quentin, tant en son nom qu’en qualité de tuteur de ses enfants, et de feue dame Esther Couillette sa femme, intimé contre M. le procureur général, appelant comme abus.

Fait.

L’intimé est originaire de Bohain près Saint-Quentin, il est fils d’un marchand qui fait un commerce considérable ; il est venu à Paris en 1698 dans le dessein de s’instruire dans le commerce et de s’y faire recevoir marchand. Il est entré chez le sieur Hugla ; son brevet d’apprentissage pour les trois années est du 7 septembre 1698. Il a demeuré pendant trois ans chez le sieur Hugla, rue des Bourdonnais. L’apprentissage fini, il a rendu service aux marchands pendant trois autres années, il a donc eu un domicile de fait à Paris, pendant six ans.

Il est vrai qu’il ne rapporte pas de preuves par écrit de ce domicile en aussi grand nombre qu’il aurait pu le faire s’il avait été à portée de prévoir qu’il dût être contesté, mais c’est un fait public. Il demeurait en 1704 chez le sieur Constant, marchand, rue de la Truanderie, paroisse Saint-Eustache, qui l’a ainsi annoncé dans une quittance finale et devant notaire, du 26 février 1707.

En 1705, il a demeuré chez le sieur Alleaume, rue des Bourdonnais, qui lui a donné un certificat et le même jour 26 février 1707.

De là, il a demeuré chez un autre marchand, rue des Prouvaires.

La foi et la probité de ces négociants ne sont point suspectes, c’était d’ailleurs un domicile nécessaire puisque, pour acquérir la qualité de marchand, il faut un apprentissage de trois ans et avait été chez les autres marchands pendant trois années.

Le 4 avril 1705, l’intimé a loué un appartement chez M. Bonnerot, procureur au Châtelet, rue de la Truanderie, moyennant vingt-six livres par an. Le bail est pour trois ans, passé devant notaires, et l’intimé y est qualifié demeurant rue des Prouvaires. Il a enfin été reçu marchand à Paris le 27 mars 1705 et depuis ce temps a été imposé à Paris à la capitation. C’est dans la même année, le 11 août 1705, qu’il a été marié dans la paroisse de Saint-Eustache avec demoiselle Esther Couillette, fille de Jacques Couillette, lieutenant de la mairie de Chauny. L’acte de célébration doit être ici transcrit en entier.

Extrait du registre des mariages faits dans l’église paroissiale de Saint-Eustache à Paris.

« Du Mardy 11 août 1705, après les fiançailles faites hier au ban public en cette église, sans opposition contre, le 6 de ce mois, dispense des deux autres bans non publiés, obtenue de S. E. l’Archevêque de Paris en date du 3 de ce mois et insinuée le 4 du dit mois ; autre dispense de parenté, du 4e degré entre les parties cy après nommé, obtenue de Notre S. P. le Pape Clément XI, le 5 des ides de Juin dernier, fulminée par le Sieur Le Normand Notre Docteur de Sorbonne Official de Paris le 8 de ce présent mois, insinuée le même jour. Nous avons marié Daniel Cottin, marchand bourgeois de Paris, fils de Daniel Cottin et de Magdeleine Agombert, demeurant rue de la Truanderie et Anne Esther Couillette, fille de Jacques Couillette receveur de l’Abbaye Royalle de Royaumont et de Marthe Cottin, demeurant rue des Prouvaires, tous deux nos paroissiens, en présence du père du marié, de Jean Cottin, son frère et de M. Jacques le Serrurier l’avocat au Parlement, demeurant rue de Betisy, son cousin et J.-J. Constant marchand bourgeois de Paris demeurant susdite rue de la Truanderie, son al cy devant son hôte et encore en présence du père de la dite mariée et de sa mère, de Jacques Couillette marchand à Rouen, son frère, de Noël Petit marchand bourgeois de Paris, demeurant rue Saint-Martin paroisse Saint-Nicolas des Champs, son ami, tous lesquels témoins tant de part que d’autre après avoir représenté l’édit du mois de Mars 1697 et les peines y contenues qu’ils ont dit tous bien scavoir, nous ont tous certifié du domicile des deux parties sur cette paroisse, depuis plus de 6 mois de ce diocèse depuis plus d’un an et ont signé, collationné à l’original par moy prêtre docteur en théologie de la faculté de Paris, Vicaire en la dite église le 12 Octobre 1705.

« Signé : Delamet. »


On voit par cet extrait que les pères et mères des parties et les parents ont assisté à la bénédiction et ont certifié le domicile à Paris.

La demoiselle Couillette était pareillement demeurant à Paris ; elle avait passé quelques années dans la communauté des Nouvelles Catholiques à Noyon le 18 avril 1705 ; il lui avait été fait bail par notaire d’un appartement rue des Prouvaires et il paraît qu’elle y demeurait avant le bail. Le bail est de cinq mois antérieur au mariage.

Depuis, le mari et la femme ont continué jusques 1706 à demeurer à Paris et y ont été imposés à la capitation.

En 1706 ils ont conçu le dessein de transférer leur domicile à Saint-Quentin.

Feu M. d’Aubigné, évêque de Noyon, avait destiné la demoiselle Couillette à un autre mariage, il prétendait que c’était à lui de lui choisir un mari parce qu’elle était nouvellement catholique.

Il ne put dissimuler son chagrin quand il apprit qu’elle avait épousé l’intimé. Les deux époux arrivés à Saint-Quentin, l’évêque les alarma sur leur état, leur faisant entendre qu’ils n’avaient pu se marier valablement à Paris. Pourtant le mariage était paisible concordant les deux familles de bonne foi. Tout ce qu’aurait pu faire l’évêque au cas où le domicile à Paris n’ait pas été certain, était de leur enjoindre de réhabiliter leur mariage.

M. d’Ormesson, commissaire départi dans la province, voulut bien s’entremettre, le fait est prouvé par une lettre de M. d’Ormesson au sieur Couillette, beau-père de l’intimé.

« Soissons. — Ce 14 Janvier 1706, M. de Noyon m’a fait réponse. Monsieur, et témoigne qu’il sera content lorsque vous aurez fait faire 3 publications de bans à Chauny, à Bohain et à Saint-Quentin et qu’ensuite vos jeunes mariés reçoivent une deuxième fois la bénédiction nuptiale par le curé de Saint-Quentin où ils sont résidents. Je vous exhorte à satisfaire incessamment aux intentions de Mr de Noyon et au règles de l’Église ; c’est à vous à prendre toutes les précautions nécessaires pour que le tout se fasse sans beaucoup d’éclat. Je suis Monsieur tout à vous. »

« Après cela, l’intimé ne crut rien risquer en se soumettant à ce que voulait l’évêque de Noyon, il fit publier les trois bans. Mais l’évêque défendit au curé de donner la bénédiction nuptiale. Ce fait sera prouvé.

« L’intimé ne pouvant vaincre le refus de l’évêque prit le parti de s’en tenir à son mariage et d’en soutenir la validité.

« Sa femme accoucha d’un fils en juin 1706. Le curé de Saint-Jacques de Saint-Quentin donne à l’enfant sur le registre la qualité de fils illégitime de Daniel Cottin et d’Anne-Esther Couillette. Le parrain (l’aïeul maternel) se récrie ; le curé répond que ce qui prouve l’invalidité du mariage c’est qu’il a publié des bans et depuis il n’y a point eu de bénédiction nuptiale. Le parrain se retire sans signer.

« Contestation en la prévôté de Saint-Quentin, où le curé est désigné pour être condamné à rayer : fils illégitime.

« Le curé se défend, offre de faire le changement après que les parties se seront retirées devers M. de Noyon pour de son autorité faire subsister le mariage, rapporter l’acte ou la permission de passer outre au nouveau mariage.

« Sur cette contestation, il y a sentence en la prévôté qui ordonne la réformation du registre, le curé condamné aux dépens.

« Le curé appelle au bailli de Saint-Quentin.

« C’est alors que l’évêque de Noyon a excité le ministère du procureur général, mais ce n’était plus dans l’année de la célébration du mariage, ce qui opéra la fin de non-recevoir.

« La cause, portée au bailliage sur l’appel, le substitut du procureur général, a interjetté appel comme d’abus du mariage célébré à Paris, sur quoi sentence du 10 janvier 1707 qui donne acte que l’appel comme d’abus et ordonne que les parties se pourvoieront à la cour.

« Au cours de ces procédures, la femme de l’intimé est accouchée d’un deuxième enfant.

« Elle est morte en décembre 1707, après avoir reçu les sacrements.

« L’intimé, en qualité de tuteur de ses enfants, a repris l’instance de l’appel comme d’abus, son intérêt personnel est joint à celui de ses enfants. Les deux familles interviennent pour soutenir leur état.

« Suit la discussion juridique de l’appel.

« Signé : H. Guillet de Blaru, avocat. »

Le Cottin passé en Angleterre doit être celui qui est cité dans un article ayant pour titre : Family of Cottin du Genealogist, périodique anglais de 1907 et qui a pour auteur un parent éloigné, M. Keith W. Murray.

« 1705. — Le 24 décembre, baptisé par le vicaire de Saint-Jacques, Jean-Josias, fils de Daniel Cottin commerçant de cette ville (Saint-Quentin) et de Elisabeth Bech, sa femme, né le même jour.

Ce Cottin fut sans doute le Josias Cottin, naturalisé anglais en 1735. Il mourut le 6 février 1776, à l’âge de soixante ans, et fut enterré à Tottenham, comté de Middlessex. Il a eu une brillante descendance.

Le père de Jean-Josias était ce Daniel Cottin qui eut les difficultés citées plus haut.

De sa première femme Esther Couillette, il avait eu deux enfants, dont le second John Daniel Cottin, né en 1707, a été naturalisé anglais en 1739, Par Georges III. »

Voir à la Bibliothèque Nationale, aux imprimés 4111, le mémoire ci-dessus.