Union ouvrière/Conseils aux ouvriers

La bibliothèque libre.
(p. 111-112).

Conseils aux Ouvriers.


Ouvriers, si vous voulez sortir de l’état de misère où vous êtes — Instruisez-vous.


Ceux qui parmi vous lisent, en général lisent des livres pitoyables. — Il faut changer de marche : — Au lieu de dépenser votre argent à acheter des chansons, des pittoresques, des physiologies, et un fatras de niaiseries qui ne renferment aucun enseignement utile, achetez de bons livres. Mais de bons livres coûtent cher, me direz-vous, et nous n’avons pas d’argent. — Unissez-vous, et dès-lors vous serez riches. Si vous voulez monter une petite bibliothèque d’une douzaine de bons ouvrages (et il n’en faut pas plus), pourquoi ne formeriez-vous pas de petites associations ? — Par exemple, douze, quinze ou vingt ouvriers et ouvrières se connaissant et habitant le même quartier pourraient se réunir pour cet objet. — Au moyen d’une légère cotisation, les douze ouvrages seraient achetés, et par le fait de l’association, ils appartiendraient en commun aux membres associés. — Figurez-vous donc qu’avec L’UNION on peut faire des miracles !

Dans le cas où vous accepteriez cette idče, je vais vous signaler les ouvrages qu’il vous serait bon de lire et relire chaque dimanche, d’étudier, de commenter, de discuter entre vous, en un mot de connaître à fond, absolument comme les juifs connaissent leur Bible, et les catholiques leurs livres de messe. En France, on procède avec tant de légèreté, qu’on entend des gens vous dire : — « J’ai parcouru ce livre, je le connais. C’est cette outrecuidance ridicule qui fait que les Français savent tout et ne connaissent rien.


Je placerai en tête de la liste l’ouvrage d’Eugène BURET : De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France. — Vous trouverez dans cet ouvrage un tableau effrayant, mais exact, de la misère et de l’abaissement moral où la classe ouvrière est tombée en Angleterre et en France. Bien que ce livre soit très douloureux à lire, pourtant il faut en avoir le courage, car il est essentiel que yous connaissiez au juste quelle est votre position, autrement vous ne ferez aucun effort pour en sortir. — Étudiez de même l’ouvrage de M. FREGIER : des Classes dangereuses dans la ville de Paris ; — Celui de M. VILLERME : des Prisons de France ; — Celui de PARENT DUCHATELET : de la Prostitution dans la ville de Paris ; — Celui de M. Gustave de BEAUMONT : l’Irlande religieuse, morale et politique. Enfin, mettant ici toute fausse modestie de côté, je me permettrai de vous indiquer mes Promenades dans Londres.— J’ai fait ce livre pour instruire les ouvriers, il est donc tout naturel que je désire vivement le voir pénétrer dans les classes ouvrières, — Vous achèterez aussi le petit livre de M. Louis BLANC : l’Organisation du travail ; — la celébration du dimanche, par M. PROUDHON ; l’ouvrage d’Adolphe BOYER de l’État des ouvriers ; le livre du Compagnonage, d’Agricol PERDIGUIER ; … la petite brochure de GOSSET, aussi sur la même question ; le second ouvrage de P. MOREAU : de la Reforme, des Abus du Compagnonage, et de l’Amélioration du sort des travailleurs[1].

  1. À mon grand regret, je ne puis indiquer ici comme pouvant convenir aux ouvriers aucun ouvrage de Fourier, ni de l’École sociétaire. Jusqu’à présent la doctrine de Fourier n’a pas été mise à la portée du peuple ; ce serait une grande œuvre à faire. Espérons que les hommes qui sont à la tête de l’École sociétaire comprendront enfin l’urgence et l’absolue nécessité de vulgariser la science de leur maître ; — selon moi, elle ne peut avoir de vie et de puissance qu’à cette condition.