Vers la fée Viviane/C’est un Village

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Édition de la Phalange (p. 55-56).

IV

C’est un Village

Pour J. Cormoran

C’est un village blond et blanc derrière une falaise,
Blond de soleil et blanc du crépi des maisons ;
D’un blond pâlement lumineux, car c’est à peine
Si les ors vagues des primevères apparaissent ;
D’un blanc bleui par le rêve des horizons.

Une fraîcheur doucement inquiétante persiste
Sous le ciel souriant comme l’azur d’un œil de fille ;
Les ramilles des glycines sans fleurs ni feuilles
Qui parent d’une poésie d’accueil les seuils
Dont les claires peintures luisantes sourient,
Tombent comme affligées d’une attente longue et triste.


Quelques fenêtres se fleurissent de visages
Sainement roses de couseuses chantonnantes ;
Les voix sont un peu mélancoliques et lentes,
Les yeux distraits qui oublient un instant l’ouvrage
Ont le trouble éclat de béryl des vagues proches
Ou du plus proche étang qui s’endort à peine moins glauque
Et tout le village se mélancolise d’attente.

Sur l’eau captive de l’étang où les nuées marines
Mirent leur grèbe neigeux et leur nacre grise
Ou chatoyante de prismatiques orients,
Parfois un goéland chassé par la tourmente
S’abat et glisse en la houle des flots moirés
Où l’ouragan n’est plus qu’une rude caresse

Et les couseuses hantées de songes du large
Se diront : « C’est le marin parti le plus loin, —
Lequel ? — dont la pensée nostalgique revient
Se baigner en le reflet blanc de son village. »

Mais comme la pensée d’une âme aventureuse
Le goéland, bientôt las du calme, s’envole.
Et le voici, déjà oublieux des « valleuses » bleues
Qui semble guider vers les Indes fabuleuses
De hauts navires blancs d’une brume de voiles.