Vers la fée Viviane/De Saint-Cast

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Édition de la Phalange (p. 57-58).

Côte d’Émeraude

Pour Mme  M. R.

I

De Saint-Cast

Brume d’ambre et d’aurore où tremblent des rayons,
Les Ébihens sont des châteaux de rêve
Qu’on dirait construits avec des nuages
En le ciel de fluide opale un rien bleuie.
Lourds remparts, grosses tours basses, aux jours d’orage
Les Ébihens sont de sinistres burgs
Sous de furieux vols d’ailes de suie.

Ils profilent de longues villes irisées
Sur une immense plaine chatoyante et floue ;
Ils massent des armadas aux voiles rosées
Ou des troupes d’oiseaux géants droits sur la houle,

Par des soirs de bleuets et de fleurs de pêchers
Quand les lentes vagues semblent jonchées
De tendres pétales changeants,

Quand les nuages de perle prennent des formes
Voluptueuses, dans la lumière câline,
Les Ébihens, d’un pâle incarnat velouté
Et modelés par une caresse de l’air,
Évoquent la mélancolie sereine
Et le mystère, en la solitude marine,
D’un passage floral des ultimes Sirènes.