Vie de Mohammed/Expédition de Honaïn

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Traduction par Adolphe-Noël Desvergers.
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Expédition de Honain.

Cette expédition eut lieu au mois de schewal de la huitième année. Honain (135) est une vallée située à trois milles de la Mecque. Après la prise de cette ville, les Benou-Hawazin se rassemblèrent dans cette vallée avec leurs familles et leurs troupeaux pour faire la guerre au prophète. Ils avaient pour chef Malek, fils d’Aouf des Benou-Nadhr, et pour alliés les Benou-Thakif habitants de Taief, et les Benou-Saad, fils de Bekr, chez lesquels avait été élevé le prophète. Parmi les Benou-Djoscham qui faisaient partie de cette armée, se trouvhit Doraid (136), fils de Samma, vieillard d’un âge très-avancé, car il avait plus de cent ans, et l’on n’avait désiré sa présence que pour profiter de son expérience et de ses conseils. A cette occasion il fit ces vers : Que ne suis-je maintenant un jeune étalon alerte et vigoureux Le prophète, ayant appris le rassemblement de ces tribus, sortit de la Mecque le 6 de schewal de la huitième année.

Pendant tout le temps qui s'était écoulé depuis la prise de cette ville jusqu'au jour où il en sortit pour combattre les Benou-Hawazin, il avait abrégé les prières. Il avait avec lui dans cette expédition douze mille hommes deux mille habitants de la Mecque et dix mille guerriers qui étaient venus avec lui de Médine. Safouan, fils d'Omaïa, accompagnait le prophète; cependant il était encore infidèle; car, avant d'embrasser l'Islamisme, il avait demandé un délai de deux mois, que Mohammed lui avait accordé. Ce Safouan avait prèêté cent cuirasses au prophète pour cette expédition. Une troupe nombreuse d'idolâtres faisait partie de l'armée.

Mohammed vint camper à Honain; les ennemis étaient à Aoutas (137). Doraid, fils de Samma, leur ayant demandé où l'on était arrivé, ils répondirent: «A Aoutas. »>«C'est un bon champ de bataille pour la cavalerie, s'écria-t-il alors; « le terrain n'est ni un sol rocailleux, ni un sable mouvant. Le prophète était monté sur sa mule Doldol; en voyant le grand nombre de ses troupes, un homme d'entre les Musutmans dit : «Cette armée ne sera pas vaincue faute d'un « nombre suffisant de combattants.» C'est à cette occasion que descendit du ciel le verset du Coran qui dit: Aa combat de Ho nain, lorsque vous vous complaisiez dans votre nombre, il ne vous a cependant servi de rien (138). En effet, au moment où l'on en vint aux mains, les Musulmans prirent la fuite, chacun ne songeant qu'à soi. Le prophète se retira vers la droite avec plusieurs Mohadjériens, plusieurs Ansariens et quelques hommes de sa propre famille. Quant aux habitants de la Mecque, ils firent bien connaître, en voyant la fuite des Musulmans, la haine qu'ils leur portaient au fond du coeur. Abou-Sofian, fils de Harb, ayant encore avec lui dans son carquois les flèches qui servaient à consulter le sort, disait : «Certes ils ne s'arrêteront pas avant d'avoir atteint la mer. » Kalda, frère par sa mère de Safouan-ben-Omaia, s’écriait : « C’est aujourd’hui que « l’enchantement est détruit ! » Safouan cependant, bien qu’il fût encore idolâtre, lui répliqua : « Tais-toi Dieu puisse te briser la bouche ! J’aimerais mieux avoir pour maître un « homme d’entre les Koreischites qu’un homme d’entre les Benou-Hawazin. »

Le prophète tint ferme et les Musulmans revinrent se réunir à lui le combat rétabli devint terrible. Mohammed ayant dit à sa mule Doldol : « Couche-toi, couche-toi, elle se mit ventre à terre. Il prit alors une poignée de poussière, et l’ayant jetée au visage des infidèles, ils prirent la fuite. Dieu très-haut accorda dès lors aux Musulmans une victoire complète. Ils poursuivirent les vaincus, les taillant en pièces où les faisant captifs. Parmi les prisonniers se trouva Schima, fille de Harith et de Holaina des Benou-Saad, sœur de lait du prophète. Elle s’en fit reconnaître parce qu’elle portait sur le dos la marque d’une morsure que Mohammed enfant lui avait faite autrefois. Lorsqu’il se fut assuré que c’était elle, il étendit sur elle son manteau, lui donna des provisions et la rendit à sa tribu, ainsi qu’elle le lui avait demandé.


(135) Honain d’après le Kamous et le Merac. el-Itt. p. 210, se trouve sur la route qui de la Mecque conduit à Taief.

(136) Doraid, fils de Samma, à la fois poète et guerrier, était également célèbre par la hardiesse de ses exploits et la beauté de ses poésies. Au combat de Honain, centenaire et privé de la vue, Doraid était dans une litière portée par un chameau. Dans la déroute, ce chameau fut atteint par Rabia, fils de Réfi, jeune Arabe de la tribu de Soulaim, qui, à l’aspect d’une litière fermée, espéra devenir possesseur d’une jeune femme que sans doute son mari avait voulu emmener avec lui dans cette campagne. Plein du désir de contempler sa conquète, il souleva le voile qui couvrait in litière, et n’y voyant qu’un vieillard, le dépit le rendit cruel ; il frappa Doraid de son sabre : mais son arme était faible, son bras sans vigueur, il redoubla sans pouvoir lui ôter la vie. Le vieux chef alors lui demanda son nom, et l’ayant appris, il lui dit : Prends un sabre, que tu trouveras derrière ma litière, et frappe avec plus d’assurance ; mais promets-moi, en retour du présent que je te fais, de dire à ta mère que tu as donné la mort à Doraid, fils de Samma, Rabia pit l’arme pesante, fendit la tête au vieillard : puis, de retour auprès de sa mère, il lui raconta son exploit. Mon fils, lui dit celle-ci. celui que tu as tué sans défense, avait donné la liberté à trois femmes de tes ancêtres tombées entre ses mains. (Voyez Kitab el-Aghani, t. II, p. 288.)

(137) Aoutas : Voyez Géogr. Nub. urub. p. 6a. C’est une vallée entre Dhat-Irk et Djamrahı. Dhat-Irk est situé dans le Nedjd, à quarante-huit milles de la Mecque. On compte vingt-six milles entre Dhal-Irk et Djam- rah. (Voyez Rommel. p. 72.)

(138) Voyez le Coran, sourate 1x, vers. 26.

(139) Djairrana, nom dont la prononciation est indiquée ainsi dans le Sirat, se trouve, d’après Djennabi, entre la Mecque et Médine, mais plus rapprochée de la Mecque. (Gagnier, p. 117.) On lit dans le Moracid el-Ittila, p. 165 led, , Jis s ey parts will Djairrana est une station qui se trouve entre Taiel et la Mecque, mais plus près de la Mecque : c’est là que le prophète s’arrête pour faire le partage des dépouilles de « Honain..


(140) Voici ce que le Sirat-er-repoul dil des Mouallafa-Couloubhoum :