Vie et opinions de Tristram Shandy/2/28

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome premier. Tome secondp. 76-77).



CHAPITRE XXVIII.

Oh ! ma Mère !


Alerte ! alerte ! au secours ! Ah ! ma pauvre maîtresse, si le ciel n’a pitié d’elle…

Eh bien ? dit mon père.

Quoi donc ? dit mon oncle Tobie.

Qu’est-ce ? dit le docteur Slop.

Elle n’en peut plus….

Et elle est presque évanouie….

Et elle a des tranchées qui la coupent…

Et les gouttes sont répandues…

Et la bouteille de julep est cassée…

Et la nourrice s’est coupé le bras…

Et moi le pouce, s’écria le docteur Slop.

Et l’enfant est toujours où il étoit.

Et la sage-femme est tombée en arrière sur le gros chenet.

Et elle a la cuisse toute meurtrie.

J’y regarderai, dit le docteur Slop.

Pardi ! c’est bien à ça qu’il faut regarder ! Vous feriez bien mieux de venir voir ce qu’il faut faire à ma maîtresse, ça presse davantage. La sage-femme vous dira tout, vous expliquera tout. Vous n’avez qu’à monter.

La nature humaine est la même dans tous les états de la vie.

La sage-femme avoit rompu en visière au docteur Slop : il n’avoit pas encore digéré cette insulte.

— Monter ? dit-il ; il seroit au contraire beaucoup plus convenable que la sage-femme descendît ici pour m’expliquer les choses.

— J’aime la subordination, dit mon oncle Tobie, et je ne sais, sans cela, continua-t-il, après la réduction de Gand, ce qu’en seroit devenu la garnison, au milieu de l’émeute qui s’éleva au sujet du pain. C’étoit en mil sept cent…

— Et moi, je ne sais pas non plus, dit le docteur Slop, en parodiant mon oncle Tobie, ce que va devenir la garnison qui est là-haut, au milieu du désordre et de la confusion où se trouvent en ce moment les choses… Le pouce comme je l’ai !… Ma foi ! la famille Shandy pourrait se ressentir de cet accident aussi long-temps qu’elle aura un nom si… Heureusement que l’application que je me propose de faire, et dont le succès dépend de la subordination des pouces et des doigts à….